Date de publication :
vendredi 19 octobre 2018
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La surembauche : le problème n'est toujours pas résolu
Le Cégep de Sherbrooke est aux prises avec un problème de surembauche depuis plusieurs années. Bon an mal an, le financement octroyé par le gouvernement du Québec est insuffisant pour combler le coût réel des tâches d’enseignement. Cette situation crée un déficit dans l’enveloppe budgétaire de l’enseignement (« l’enveloppe du E ») qui se transforme en dette lorsque les déficits se répètent. Le gouvernement demande aux cégeps dans cette situation de rembourser le manque à gagner à même le financement qui lui est normalement attribué pour l’enseignement. C’est ce que le Cégep de Sherbrooke tente de faire depuis bientôt 5 ans sans véritable succès.
Au gouvernement du Québec, on estime qu’un cégep en surembauche gère mal les ressources qu’il reçoit. En effet, le gouvernement maintient que son modèle de financement est adéquat et équitable. Le modèle détermine les ressources (les « équivalents temps complet », ou ETC) obtenues par un cégep en fonction de facteurs quantifiables comme le nombre d’étudiantes et d’étudiants et de cours qu’ils suivent, leur programme d’étude, la charge individuelle (CI) maximale d’un enseignant ou d’une enseignante, etc. Si un cégep embauche plus d’enseignant.es que son financement le permet, c’est qu’il ne fait pas une allocation adéquate des ressources. Par exemple, une administration qui accepte des répartitions de tâche avec des CI trop basses ou qui n’impose pas de limites aux multiplies préparations défoncera possiblement son budget. Plus simplement : le cégep utilise plus d’ETC que ceux absolument nécessaires pour offrir les cours aux étudiant.es qui fréquentent le collège. La solution à ce problème est évidente et peut aisément être mise en oeuvre, toujours selon le gouvernement. L’administration doit tout simplement se montrer plus rigoureuse lorsqu’elle analyse le projet de tâches et renvoyer les départements faire leurs devoirs. En exigeant le remboursement des dépassements à même ses budgets, le gouvernement met en place un incitatif afin que le collège soit « responsable » avec l’enveloppe budgétaire de l’enseignement.
Les causes de la surembauche
Le modèle de financement actuel et le système d’incitatif à la « bonne gestion » souffrent d’un problème de taille : ils sont incompatibles avec la réalité de plusieurs cégeps, dont le Cégep de Sherbrooke. Plusieurs causes de surembauche sont imprévisibles et donc incontrôlables. C’est le cas pour les fluctuations du nombre d’inscriptions ou le taux d’abandon des étudiant.es avant la date de recensement. Il en est de même pour des coûts qu’entraînent le retour en poste des enseignant.es qui bénéficient d’un congé de maladie alors que leur remplaçant.e est toujours rémunéré.e par le cégep. C’est le cas, par exemple, lorsque l’enseignant.e en congé de maladie revient à la fin de la session alors que la remplaçante ou le remplaçant a accompli l’entièreté de la tâche de préparation, d’enseignement et de correction. Jadis, la direction imputait à l’enveloppe des coûts de convention la charge d’un des deux enseignant.es. Mais comme l’enveloppe des coûts de convention est également déficitaire, la direction pige dans l’enveloppe de l’enseignement pour rémunérer les deux professeur.es. On nomme « la double imputation » ce stratagème patronal qui est vivement contesté par la partie syndicale.
La surembauche est quelques fois la conséquence d’une formule de financement qui n’a pas été révisée pour tenir compte des changements du contexte d’enseignement. Le financement de certains stages, notamment en soins infirmiers, illustre bien ce problème. Alors qu’il était possible pour une enseignante ou un enseignant d’avoir 6 stagiaires, certains milieux de stage imposent maintenant un ratio d’un.e enseignant.e pour 5 étudiant.es. Il faut donc deux enseignant.es pour effectuer la tâche qui nécessitait auparavant un.e enseignant.e. Lorsqu’un centre hospitalier décide de faire ce type de changement, le cégep n’a pas d’autre choix que de subir la décision et de tenter d’absorber le nouveau coût à même une enveloppe qui n’a pas été bonifiée en conséquence.
Le financement d’un programme se fait en fonction du nombre de périodes de cours que les étudiant.es suivent dans une semaine (PES). Lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’étudiantes et d’étudiants inscrits et par conséquent de PES, le financement provenant du gouvernement est insuffisant pour payer le coût réel associé à l’offre des cours du programme. Le programme est donc déficitaire relativement au financement gouvernemental. Dans l’histoire d’un programme, notamment pour les programmes plus nichés ou en démarrage, il n’est pas anormal d’être ponctuellement déficitaire. Les fluctuations du financement peuvent habituellement être absorbées par la masse de l’enveloppe de l’enseignement pendant quelques années. La situation est encore plus aisée lorsqu’il y une augmentation des inscriptions dans l’institution. Les difficultés surviennent lorsqu’on combine un sous-financement récurrent et une baisse prolongée et significative du nombre d’étudiant.es. Le mécanisme de péréquation ne peut plus opérer dans ces conditions.
Finalement, certaines causes de surembauche résultent de l’effet combiné de facteurs qui semblent anodins, marginaux ou qui devaient avoir des conséquences bénéfiques mais s’avèrent en bout de ligne néfastes. Le Cégep de Sherbrooke est aux prises avec un bel exemple de ce type de problème. Lors des dernières négociations, nous avons réussi à obtenir que la charge individuelle (CI) annuelle soit de 85 plutôt que 88. Un autre gain est l’ajout d’un facteur qui fait augmenter la CI en fonction du nombre de PES. Donc, la limite supérieure de la CI est plus basse et on atteint plus rapidement cette limite. Le fait que la très grande majorité des salles de classe du Cégep de Sherbrooke ne puisse pas accueillir plus de 35 étudiant.es oblige le collège à ouvrir de nouveaux groupes pour un enjeu d’espace. Or, pour un nombre total d’étudiant.es identique, si on forme 4 groupes plutôt que 3 groupes, espace oblige, cela aura un impact significatif sur la CI, car le nombre d’heures contact (le facteur HC) sera plus élevé. La CI d’un.e professeur.e qui enseigne à 4 groupes sera supérieure à celle d’un.e professeur.e qui enseigne à 3 groupes malgré que le nombre total d’étudiant.es soit le même dans les deux cas. Lorsque la CI maximale était de 88, un.e enseignant.e qui donnait un cours de 4 heures à 4 groupes de 30 étudiant.es demeurait dans la limite de la CI. Ce n’est plus le cas avec une CI maximale de 85. Une solution serait de diminuer le nombre de groupes et d’augmenter le nombre d’étudiant.es dans chaque groupe (3 groupes de 36 plutôt que 4 groupes de 40). Or, c’est impossible au Cégep de Sherbrooke car les locaux sont trop petits! Résultat: il faut embaucher plus d’enseignant.es. Mais la formule de financement ne prend pas en considération cette réalité très locale avec pour conséquence que certaines disciplines sont sous-financés relativement au coût réel.
Au Cégep de Sherbrooke, tous ces facteurs ont contribué ou contribuent encore à la situation de surembauche. Au début de l’exercice 2017-2018, la dette liée à la surembauche se chiffrait à environ 7 ETC. L’objectif était de résorber une partie de cette dette pendant l’exercice 2017-2018. Ce que nous apprenons, c’est que le cégep est déficitaire pour l’année 2017-2018 d’environ 6,4 ETC. La dette se chiffrerait donc à tout près de 14 ETC. Malgré une gestion extrêmement serrée de l’enveloppe du E, force est de constater que la dette n’est pas sous contrôle.
Existe-t-il des stratégies pour mettre fin à la surembauche systémique au Cégep de Sherbrooke ?
Parmi celles qui sont à rejeter, on trouve la fermeture de petits programmes afin d’arriver à l’équilibre budgétaire. Le SPECS-CSN a toujours refusé de marchander la mission fondamentale du cégep dans le but d’atteindre des cibles budgétaires imposées par des technocrates néo-libéraux et austères. Le Cégep de Sherbrooke se doit d’offrir un large éventail de programmes aux citoyennes et citoyens de la région. Certaines formations plus nichées ne seront sans doute jamais aussi populaires que celles offertes par de gros programmes, mais cela n’est pas une raison suffisante pour que leur existence soit remise en question.
Une autre stratégie inacceptable consiste à adopter des pratiques de gestion du personnel enseignant dont l’unique objectif est de réduire les coûts même si c’est au détriment des droits conventionnés. Par exemple, certaines directions sous-évaluent systématiquement la CI des enseignant.es sachant pertinemment qu’il y a aura un dépassement de CI. Comme le prix à payer dans une telle situation est moindre que celui de respecter la CI maximale, c’est une façon hypocrite de faire des économies sur le dos des professeur.es. La direction du Cégep de Sherbrooke s’est engagée à ne pas recourir à de telles stratégies et l’exécutif du SPECS-CSN ainsi que les membres du CRT vont s’assurer que ce soit le cas. Une stratégie que la direction locale emploie qui n’est pas acceptable consiste à détourner les ressources du volet 3 et de la colonne D, ressources qui devraient servir notamment à des projets d’innovation pédagogique, pour résorber la surembauche.
La direction du Cégep de Sherbrooke cherche également des solutions au problème de la surembauche. Une stratégie consiste à tenter de sortir de la spirale déficitaire en grappillant quelques ressources à gauche et à droite. Dans le meilleur des cas, les économies réalisées seront insuffisantes pour éliminer le déficit et ne permettront donc pas de résorber la dette. Il s’agit donc d’une fausse solution. La direction du cégep fonde aussi beaucoup d’espoir dans la multiplication, dans le réseau, des cégeps en surembauche. Si le nombre augmente, le gouvernement ne pourra plus faire la sourde oreille à la demande de modifier le modèle de financement. En travaillant au sein d’un groupe, le Cégep de Sherbrooke peut également se prémunir contre les allégations d’une gestion locale déficiente. La stratégie du troupeau ne paraît pas particulièrement prometteuse. Le SPECS-CSN a contacté plusieurs cégeps en surembauche et le portrait est plutôt variable. Certains cégeps ont une très petite surembauche et ils ont les moyens de la résorber. Les cégeps avec de grosses dettes sont dans des contextes différents comparativement au Cégep de Sherbrooke. Force est de constater que la situation à Sherbrooke est plutôt unique : un gros cégep avec un grand nombre de programmes techniques qui est en région mais dans un centre urbain relativement important avec une formation continue peu populaire et des sources auto-financées limitées.
La dernière stratégie est celle que Marie-France Bélanger porte depuis quelques années sur toutes les tribunes : l’inclusion du Cégep de Sherbrooke dans l’annexe S026 visant à aider les collèges ayant des programmes avec des petites cohortes et qui subissent une baisse de la population étudiante. Si le cégep avait droit au financement provenant de cette annexe, il n’y aurait pas de surembauche. Or, le Cégep de Sherbrooke espère également démontrer au gouvernement, en s’appuyant sur un « dossier béton », qu’il se trouve dans une situation exceptionnelle qui mérite une aide ponctuelle et qu’il faut modifier le modèle de financement du E. Sans être cynique, il est plutôt rare qu’un dossier bien fignolé soit une condition suffisante (ou même nécessaire) pour obtenir un engagement financier de la part du gouvernement. La CAQ qui débute son mandat et qui a fait sa campagne sur la « saine gestion » et contre le « gaspillage » dans la fonction publique ne sera sans doute pas des plus pressés de régler cette question. Rappelons qu’une véritable solution aux problèmes décrits exige une refonte du modèle de financement de l’enveloppe du E et non seulement l’inclusion à une annexe qui n’existerait pas si le réseau était financé adéquatement ! Autre point important : les négociations du secteur public sont déjà en branle. Le financement de l’enseignement est aussi un enjeu de table sectorielle. On peut douter que le gouvernement actuel va donner des « cadeaux » maintenant et perdre dans quelques mois la possibilité d’avoir des concessions alors qu’il sera à la table de négociation.
Quelle est alors la stratégie proposée par l’exécutif du SPECS-CSN ?
Elle a deux volets. Le premier vise le nouveau gouvernement, sur lequel on doit mettre de la pression en lançant une campagne visant les députés de la CAQ dans notre région et le nouveau ministre de l’Éducation, Monsieur Roberge. On ne peut pas assumer que le gouvernement caquiste soit au fait des lacunes du modèle de financement des cégeps ou de la situation propre au Cégep de Sherbrooke. La députée Geneviève Hébert a réaffirmé vouloir aider le cégep une fois élue; ce sera le moment de lui rappeler. L’exécutif l’invitera officiellement pour lui parler de notre situation et lui démontrer qu’il est essentiel de revoir le modèle de financement de l’enveloppe de l’enseignement. La députée de Sherbrooke sera également interpellée pour lui demander de talonner le gouvernement Legault en ce qui a trait au Cégep de Sherbrooke.
On peut espérer que nos actions réussissent à convaincre le gouvernement caquiste, mais il faut envisager que ce ne soit pas suffisant. Le deuxième volet de la stratégie consiste à convaincre la direction du Cégep de Sherbrooke de refuser le cadre financier irréaliste dans lequel le gouvernement l’oblige à travailler. Plutôt que de chercher à éliminer la surembauche, la direction doit s’assurer que le collège puisse remplir pleinement sa mission éducative, sociale et culturelle. S’il s’avère qu’il est impossible de le faire sans générer un déficit à l’enveloppe du E, ce sera la démonstration que le modèle de financement est inadéquat et qu’il doit être adapté à la réalité dans les plus brefs délais. Lorsqu’on est soumis à un cadre financier irréaliste, la seule stratégie réaliste est de refuser de travailler à l’intérieur de celui-ci. Ce ne sera pas une tâche facile de convaincre la direction du Cégep de Sherbrooke d’adopter une démarche de résistance, qui brandira peut-être encore le spectre de la tutelle. L’exécutif considère toutefois que le contexte actuel rend peu probable que le gouvernement ait recours à ce moyen. L’exécutif présentera officiellement cette stratégie à deux volets lors d’une assemblée générale et les membres du SPECS-CSN auront à décider s’il est pertinent de la mettre en application.
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L'exécutif syndical soumettra en assemblée générale cinq recommandations en lien avec la surembauche.
Le comité exécutif du SPECS-CSN s’invite durant la session d’automne 2018 dans divers pavillons du Cégep afin d’aller à la rencontre des membres et d’entendre leurs préoccupations liées aux prochaines négociations collectives.
La seconde de ces rencontres aura lieu le mardi 30 octobre 2018, de 11h45 à 13h15, au local 4-21-103 (pavillon 4). Le thème abordé sera la précarité sous tous ses angles. Les articles 5-1.00 (Engagement), 5-2.00 (Permanence), 5-3.00 (Ancienneté), 5-4.00 (Modalités de la sécurité d’emploi), 6-5.00 (Taux horaires de l’enseignante ou de l’enseignant chargé de cours) et 8-5.00 (Nombre d’enseignantes et d’enseignants réguliers) de la convention collective, entre autres, peuvent vous interpeler. Conviennent-ils dans leur état actuel ? Le comité exécutif aimerait vous entendre sur le sujet.
Tous les membres sont les bienvenus à cette rencontre et sont invités à amener leur dîner; le comité exécutif offrira le dessert et le breuvage. Afin de faciliter l’organisation de la rencontre, il est suggéré de signifier sa présence en s’inscrivant par le biais du formulaire web ou auprès de Luc Loignon (info@specs-csn.qc.ca ou 819 564-6350, poste 5330) d’ici le lundi 29 octobre à 12h.
Les dates et les thèmes des rencontres subséquentes seront :
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Semaine québécoise de la réduction des déchets
Toute la semaine se sont tenues différentes activités pour la Semaine québécoise de la réduction des déchets au Cégep de Sherbrooke. Le comité environnement du SPECS vous remercie de votre participation et de vos efforts pour limiter la production de déchets, au cégep comme à la maison.
Nous vous invitons à signer la pétition de Greenpeace demandant aux grandes compagnies de limiter leur production de plastique : pétition en ligne.
Vous pouvez aussi ajouter votre voix aux signataires de la pétition d'Équiterre pour interdire les pesticides nuisant aux pollinisateur : pétition en ligne.
Tel qu'approuvé en assemblée générale, les surplus accumulés du comité perfectionnement seront rendus disponibles pour les enseignantes et enseignants participant à des formations coûteuses en vue d'obtenir un montant supplémentaire pour rembourser leurs dépenses. Ainsi, 25 bourses de 500 $ seront données cet automne à ceux et celles qui en feront la demande via le formulaire disponible dans l'intranet. La date limite pour le dépôt du formulaire est le 1er novembre 2018.
Voici le chemin pour y avoir accès : intranet/services au personnel/perfectionnement/demande d’accès à une allocation supplémentaire pour une activité de formation dispendieuse
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Poste téléphonique #5330 info@specs-csn.qc.ca VP à l'information et à la mobilisation : Mathieu Poulin-Lamarre Agent de bureau : Luc Loignon |