Mardi 12 juin 2012
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par Steve McKay Texte d’une allocution prononcée dans le cadre du Certains chroniqueurs se sont questionnés récemment sur le rôle que les enseignants sont en droit de jouer lors de crises sociales et politiques comme la grève étudiante. Plusieurs ont invoqué un « devoir de réserve » que les enseignants seraient tenus de respecter et qui exige qu’ils se placent au-dessus de la mêlée. La grève étudiante imposerait un respect particulièrement strict de ce « devoir de réserve » en raison de la fonction des enseignants. L’enseignant est une figure d’autorité pour les étudiants; toute prise de position publique de sa part ne peut qu’avoir un impact démesuré sur leurs opinions. Les étudiants seraient un auditoire captif que l’enseignant peut manipuler à sa guise sans contrôle externe. Il y aurait également un conflit d’intérêt évident pour un enseignant qui milite, car il pourrait tirer des bénéfices personnels de la lutte étudiante. Pour toutes ces raisons, les enseignants devraient se borner à observer, du haut de leur tour d’ivoire, le conflit étudiant. Peut-être qu’ils pourront plus tard écrire de savantes études portant sur la grève étudiante; « la chouette de Minerve ne prend-elle pas son envole au crépuscule » pour paraphraser Hegel ? D’ici là, dixit Mme Bombardier qui fait référence à Socrate, le rôle des enseignants devrait se limiter à celui « d’accoucheur d’âmes ». Dans sa compréhension, il s’agit d’un rôle essentiellement passif qui consiste à « recevoir l’âme bien née ». Certes, il faut quelques fois offrir des encouragements pour que le « travail » se fasse, mais l’enseignant ne fait « qu’accompagner » ses étudiants. Pour Mme Bombardier, Socrate incarne le « devoir de réserve » et il devrait servir d’exemple aux enseignants. Je ne suis ni le premier ni le seul à remettre en question le « devoir de réserve » que veulent nous imposer les Martineau, Bombardier et autres Pratt et Dubuc. Plus de 400 enseignants, et j’en suis, ont signé une lettre qui déboulonne méthodiquement leurs argumentaires. N’est-ce pas absurde, pour un philosophe comme moi, d’enseigner des concepts comme la justice et la démocratie pour ensuite refuser de les appliquer lorsqu’une situation urgente l’exige ? On m’accusera ensuite d’enseigner une matière inutile et de m’enfermer dans un monde d’abstraction déconnecté de la réalité. Si les chroniqueurs, pas toujours compétents et souvent partiaux, peuvent utiliser leur chronique de 500 mots telle une chaire pour façonner l’opinion publique, pourquoi les enseignants qui ont une expertise théorique reconnue, une connaissance pratique du milieu de l’éducation, de même que la possibilité d’engager un dialogue véritable avec les étudiants devraient-ils se taire ? Affirmer que les étudiants ne sont pas en mesure de prendre part à cet échange d’une manière éclairée et autonome traduit la condescendance avec laquelle les chroniqueurs considèrent les cégépiens et les universitaires. Croire que les enseignants n’ont pas le souci d’offrir un espace réel de discussion dans leurs classes dénote aussi la non-reconnaissance du professionnalisme du corps enseignant. Au « devoir de réserve », plusieurs opposent le « devoir d’engagement ». Certains, comme Russell, Sartre, Chomsky, et Said, parlent plutôt de la « responsabilité des intellectuels ». L’enseignant est un intellectuel qu’il le reconnaisse ou non. Il a bénéficié d’une formation poussée qui lui donne des outils conceptuels lui permettant d’analyser et de comprendre les évènements. Il profite d’un emploi bien rémunéré et protégé qui lui donne le temps de réfléchir, de chercher et de discuter en toute liberté. L’enseignant est un individu privilégié dans notre société. Ce privilège exceptionnel vient avec une responsabilité tout aussi importante : celle de prendre la parole. Prendre la parole pour dire la vérité, tout particulièrement à ceux qui sont en position d’autorité. Prendre la parole au bénéfice de ceux qui sont dans la marge. Prendre la parole pour décrire des possibilités nouvelles ou occultées. Prendre la parole pour semer le doute afin de favoriser une réflexion plus profonde. Toutes les responsabilités qui incombent à l’intellectuel sont également celles qui définissent un bon pédagogue. En effet, l’enseignant doit être motivé par un seul désir : la recherche de la vérité et sa transmission. C’est d’abord ce désir qu’il cherche à communiquer par son enseignement. En favorisant le questionnement chez les étudiants, il indique le chemin à suivre afin de tendre vers la connaissance. L’enseignant doit être un exemple d’intégrité, de persévérance, même de courage intellectuel, car la route est souvent semée d’embûches. L’autorité à laquelle un enseignant peut aspirer se limite à celle que lui confère le respect de sa responsabilité d’intellectuel. Il se doit d’être exemplaire sur ce point sans quoi il est un imposteur, un empereur nu aux yeux de ses étudiants. Si Mme Bombardier avait eu la rigueur intellectuelle de lire les dialogues socratiques avant d’écrire sa chronique, elle aurait constaté que Socrate correspond en tout point à la description de l’intellectuel engagé. Il n’hésite pas à questionner les riches et les puissants afin de révéler leur ignorance. Les faiseurs d’opinions, les colporteurs de demi-vérités et les beaux parleurs aux raisonnement fallacieux qui sévissaient à Athènes goûtent à sa médecine. Le procédé est rarement apprécié par ses interlocuteurs. Socrate refuse pourtant de se taire et cela le mènera à sa perte. Si son ironie blesse ses interlocuteurs, elle réussit aussi à en éveiller certains. Dans l’Apologie, Socrate se compare ainsi à un taon dont la piqure réveille les esprits endormis. C’est à ce moment que Socrate peut entreprendre son travail d’accoucheur d’âmes. Cette façon de concevoir la relation pédagogique est à des lieux de celle décrite par Mme Bombardier. C’est la recherche de la vérité par l’entremise d’un dialogue parfois confrontant plutôt qu’un prétendu « devoir de réserve » qui définit cette relation. Une des conséquences positives de la grève étudiante de 2012 -- espérons que ce ne sera pas la seule conséquence -- aura été de rappeler aux enseignants leur responsabilité de prendre la parole et l’urgence de le faire. Voici les résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du SPECS le 6 juin dernier :
Le 30e Congrès de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants (FNEEQ) s’est tenu du 29 mai au 1er juin à Granby. Vos sept délégués syndicaux y ont assisté, l’un d’eux (Claude Tétreault) se voyant confier un mandat électif de trois ans au Bureau fédéral de la FNEEQ. Félicitations Claude ! L’ambiance de ce congrès était évidemment à l’inquiétude, particulièrement vis-à-vis la Loi 12 (ou « loi 78 ») qui impose à plusieurs cégeps de la région de Montréal des conditions de relâche estivale pour le moins stressantes. Pour un tour d’horizon sur le Congrès, nous vous invitons à lire les deux documents suivants :
Pour toute demande d’information ou commentaire, passez vous voir au bureau du syndicat ou écrivez-nous !
Comme vous le savez, notre police d’assurance deviendra une police modulaire à partir de janvier 2013. Vous aurez à choisir le module qui vous convient l’automne prochain. D’ici là, on vous invite à lire INFO ASSURANCE publié par la FNEEQ le 6 juin dernier et qui décrit dans ses grandes lignes la nouvelle police. |
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Rédaction: Philippe Langlois et Steve Mc Kay Secrétariat: Luc Loignon |