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Chroniques école et société
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[Source: FNEEQ]

Différents articles sur un sujet d'actualité en éducation.

Ces chroniques sont d'abord destinées aux  syndicats qui sont invités à les reproduire dans les journaux locaux. Pour connaître les membres et le mandat du comité, on peut consulter la présentation du comité.


Novembre 2014

Chronique 62 :
À qui profite l'austérité ?

Nos gouvernements, tant fédéral que provincial, ne semblent plus avoir d’autre projet que d’appliquer des politiques d’austérité. C’est ainsi que le discours sur l’austérité nous enjoint à nous serrer encore une fois la ceinture et à adopter des politiques économiques qui conviennent particulièrement bien aux agences de notation. En dernière instance, ces agences privées fixent la hauteur des charges de la dette publique. Ce faisant, elles tiennent les États en laisse. Leurs décisions relèvent pourtant davantage de partis pris idéologiques que d’examens sérieux de la situation économique des États. Les conséquences en sont très graves : non seulement le budget ne se rééquilibre pas, comme le montrent de très nombreux cas ailleurs dans le monde, mais le démantèlement de l’État qui en découle crée surtout davantage d’injustices et de pauvreté.


Octobre 2014

Chronique 61 :
Des précaires de l'enseignement supérieur en lutte

L’éducation est en crise. La situation du personnel contractuel, à tous les ordres d’enseignement, est l’un des principaux symptômes de cette crise. Cette situation reflète une tendance marquante de l’emploi depuis une quarantaine d’années, à savoir la croissance de l’atypie et bien souvent, de la précarité. Du côté de l’enseignement, la croissance de la contractualisation et du temps partiel témoigne du détournement des fonds en principe dédiés à l’enseignement, ainsi que de la managérialisation et de la mise en concurrence des établissements.


Septembre 2014

Chronique 60 :
Retour sur le Forum social des peuples (FSP) à Ottawa :
Parce qu’un autre monde est possible

Déjà, le mercredi 19 août, on sentait l’ambiance d’un forum social sur le site de l’Université d’Ottawa, qui allait bientôt être placardé d’une grande quantité d’affiches invitant à participer à pas moins de 500 ateliers. Déjà, les bénévoles étaient attablés, prêts à prendre les inscriptions ou pensaient à tous les aspects de l’accueil des participantes et participants qui viendraient de partout au Canada, et parfois d’ailleurs. Avant même sa tenue, un aspect fondamental de la réussite de ce forum aura été de réunir des personnes et des organisations tant autochtones qu’allochtones, du Québec et de l’ensemble du Canada.


Juin 2014

Chronique 59:
50 ans d’éducation depuis la Révolution tranquille :
Faut-il célébrer ou s’inquiéter ?

Nous célébrons cette année les 50 ans du ministère de l’Éducation, lequel demeure encore aujourd’hui à la fois l’instrument et le symbole de la démocratisation de l’éducation et du développement d’un Québec créatif et moderne. Plusieurs activités commémoratives ont lieu au cours de l’année. Dans le cadre du 82e Congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), un colloque intitulé « Un demi-siècle d’éducation depuis la Révolution tranquille : perspectives historiques et réflexions pour l’avenir » s’est tenu les 12 et 13 mai 2014.


Mai 2014

Chronique 58:
Conférence de Montréal de l’Internationale de l’Éducation
Uni(e)s pour l'éducation de qualité

L’Internationale de l’Éducation (IE), organisation qui regroupe près de 30 millions de membres des personnels enseignants à travers le monde, tiendra une conférence à Montréal du 27 au 30 mai 2014(1). Des membres de l’exécutif de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ) et des membres du comité école et société seront sur place pour représenter la FNEEQ.


Février 2014

Chronique 57:
Le morcellement des tâches d’enseignement et la création de nouveaux titres d’emploi dans les universités

Au cours des dernières décennies, les divers gouvernements ont choisi d’accorder moins d’importance à l’éducation qu’à des secteurs dits « plus rentables ». Ces choix des gouvernements, au nom de la société, ont des effets majeurs sur la gestion (gouvernance) de l’université québécoise, son rôle et ses missions ainsi que l’enseignement que l’on y dispense.

Novembre 2013

Chronique 56:
Comment va l'école secondaire ?

Il y a sept ans, l’implantation d’une importante réforme de l’éducation dans les écoles secondaires a soulevé de fortes vagues. Les débats étaient vifs entre ses défenseurs et ses opposants, tandis que les enseignantes et enseignants devaient faire de leur mieux dans des circonstances difficiles. On ne les avait ni consultés, ni préparés convenablement à un pareil bouleversement. Depuis, on a « réformé » cette réforme. Et la paix romaine semble être revenue dans les écoles secondaires. Mais les enseignantes et enseignants sont-ils vraiment satisfaits du nouveau régime ?


Octobre 2013

Chronique 55:
Hausse des tarifs d’Hydro-Québec : une taxe déguisée

Hausse des tarifs d’Hydro-Québec : une taxe déguisée Le 28 septembre dernier, des citoyennes et citoyens de plusieurs régions du Québec se sont déplacés à Montréal pour participer à une grande manifestation contre les mesures d’austérité, et plus particulièrement contre la hausse des tarifs d’électricité, organisée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics.

Septembre 2013

Chronique 54:
Colloque pour lutter contre l'homophobie et l'intimidation

Au mois d’avril dernier, les organisations membres des tables nationales de lutte contre l’homophobie, dont la FNEEQ est membre, conviaient le Québec au deuxième colloque « Agir contre l’homophobie et l’intimidation : mon milieu accueille la diversité ». Certaines personnes pourraient se demander pourquoi organiser un colloque de ce type ? Et quel est le lien avec le milieu scolaire ?

Mai 2013

Chronique 53:
Apologie du logiciel libre dans les institutions d’enseignement

La liberté pour Jean-Paul Sartre s’exprime par notre capacité à faire des choix. Pour cet homme d’action, même lorsque l’on ne choisit pas, on choisit. On choisit de ne pas choisir. Nous avons tous délibérément choisi de ne pas choisir de logiciels libres dans nos milieux de travail, dans nos classes, dans nos syndicats, dans notre fédération ou dans notre vie citoyenne. Ce qui implique d’importantes conséquences.

Avril 2013

Chronique 52:
Forum social mondial de Tunis - Syndicalisme et éducation

Au Forum social mondial, qui s’est tenu à Tunis du 26 au 30 mars dernier, la FNEEQ était représentée par un groupe de 29 personnes. Cette délégation dynamique et enthousiaste a pu profiter d’un événement particulièrement réussi : 62 000 participantes et participants s’y étaient rassemblés, alors que l’on pouvait compter sur la présence de plus de 4 500 organisations en provenance de 128 pays. Pas moins de 1 100 ateliers étaient présentés. Le forum a été encadré de deux grandes manifestations, la seconde visant à soutenir la lutte des Palestiniens.

Mars 2013

Chronique 51:
Le Sommet sur l’enseignement supérieur: La fin du 1er round

Le Sommet sur l’enseignement supérieur organisé par le gouvernement du Parti Québécois (PQ) se termine à peine. C’est l’heure d’un premier bilan, mais un bilan provisoire. En effet, avec l’annonce de plusieurs « chantiers », le travail est loin d’être terminé. Cela ne nous empêche pas de faire un retour sur les journées préparatoires et sur le Sommet lui-même.

Décembre 2012

Chronique 50:
Enseigner dans un contexte multiculturel : un défi quotidien à relever !

Que ce soit en vertu de la réalité sociodémographique ou encore de l’internationalisation des institutions, nous accueillons, ou accueillerons tôt ou tard dans nos salles de classe, des effectifs étudiants originaires de l’étranger. L’internationalisation, ce mot à la mode dans la bouche des dirigeants de nos institutions d’éducation supérieure, incarne l’idéologie qu’ils favorisent et les mesures conséquentes qu’ils adoptent : développement de nouveaux marchés, attraction de la clientèle internationale et plus d’argent dans les coffres.

Novembre 2012

Chronique 49:
Au palmarès des universités, y a-t-il vraiment un gagnant?

La compétition est souvent saine lorsqu’elle permet le dépassement de soi. Elle devient toutefois inappropriée lorsqu’elle se transforme en une obsession, et carrément dangereuse voire même immorale lorsqu’elle pervertit la mission première d’une activité au point de s’imposer non plus comme un moyen, mais comme une fin.

Or, l’organisation du système universitaire nous laisse croire, par l’intérêt marqué qu’il porte aux palmarès et classements de ses composantes, qu’elle s’est engagée dans une compétition folle qui n’a pas lieu d’être. La concurrence effrénée à laquelle se livrent les universités a-t-elle un sens? Qui gagne vraiment à vouloir couronner certaines universités championnes ? Comment procède-t-on aux évaluations que cela suppose?

Ce désir toujours plus grand de classer les universités est un symptôme de plus de leur marchandisation. Les universités sont désormais des produits de consommation dont on doit pouvoir reconnaître la valeur, et à l’heure où plusieurs d’entre elles se livrent une féroce concurrence pour séduire une «clientèle» internationale, les palmarès facilitent les choix. Mais à quel prix?

Septembre 2012

Chronique 48:
COCAL X - Le prolétariat universitaire

Solidarité! Solidarity! Solidaridad! Voilà le mot au cœur des présentations et des discussions tenues lors de la dixième rencontre biannuelle de la Coalition du personnel enseignant précaire en enseignement supérieur (COCAL ). Le congrès avait lieu à Mexico et c'était d'ailleurs la première fois que cette grande coalition d'enseignantes et d'enseignants précaires se réunissait à l'extérieur du Canada et des États-Unis. Le congrès se divisait en quatre grandes plénières et une dizaine d'ateliers. Tous les thèmes des conférences touchaient l'enseignement supérieur, essentiellement universitaire. Plus qu'une mise en commun d'intérêts, les quelque 300 personnes participantes voulaient discuter et échanger sur les transformations des modes de gestion de nos institutions d'enseignement et, plus précisément, discuter de la précarité croissante d'un nombre toujours plus grand d'enseignantes et d'enseignants.

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Mai 2012

Chronique no 47
Un printemps québécois : les étudiants portent l’étendard du bien commun

Les jeunes Québécois se sont mobilisés pour la défense collective d’un héritage issu du pacte social québécois: l’équité dans la distribution des richesses et la transmission des acquis sociaux entre les générations. La FNEEQ et la CSN ont largement appuyé leur lutte, qui est aussi la nôtre.

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Avril 2012

Chronique no 46 - Réforme de la loi sur le droit d’auteur
Le milieu scolaire s’apprête-t-il à exploiter les créateurs?

Après de multiples tentatives de réformes, une nouvelle loi sur le droit d’auteur (C-11) sera bientôt adoptée par le gouvernement fédéral. Au Québec, on a entendu les nombreux cris du coeur des artistes, des écrivains et des éditeurs qui craignent un recul du droit d’auteur et une baisse des redevances versées aux créateurs. Bien que ce projet de loi contienne plusieurs nouveautés visant l’éducation, le milieu de l’éducation s’est encore très peu exprimé jusqu’à maintenant. Comme enseignantes et enseignants, à quelles transformations devons-nous nous attendre?

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Mars 2012

Chronique no 45 - Systèmes d’assurance qualité : Vers des universités ISO

« Tout se prête à la mesure » affirmait Pythagore, père du fameux théorème, et il avait raison. Le monde de l’éducation, par de très nombreuses manières, n’échappe pas à l’obsession de la mesure des performances... ce qui ne veut pas dire qu’on souhaite y pratiquer la mesure avec... mesure !

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Février 2011

Chronique no 44 - Les préoccupations syndicales et sociales de la CSN en éducation

Enfin, une nouvelle plateforme CSN en éducation ! La CSN se prépare à adopter la nouvelle mouture de sa plateforme en éducation mise en chantier il y a déjà deux ans. Voilà un instrument qui donnera plus de poids à nos revendications.

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Décembre 2012

Chronique no 43 - Le privé dans les établissements scolaires : Une présence bien réelle, mais sous contrôle

Pour faire suite à une résolution du dernier congrès de la FNEEQ, le comité école et société a entrepris une vaste enquête sur la présence du privé dans les établissements d’enseignement1. Des questionnaires ont été envoyés dans tous les syndicats de la fédération. La réponse des syndicats a été plutôt bonne et un questionnaire sur deux, environ, nous est revenu. Malgré certaines réponses incomplètes – le sujet était vaste ! – le comité croit avoir pu en tirer un assez juste état des lieux. Le résultat est plutôt mitigé : si le privé est bel et bien installé dans la plupart des écoles, cégeps et universités, sa présence semble toutefois sous contrôle. Mais une vigilance s’impose car sa présence risque de s’accroitre dans les années à venir.


Novembre 2011

Chronique no 42 - La réussite… quelle réussite ? Pour une approche sociale de la réussite éducative !

La réussite est au coeur des préoccupations quotidiennes des enseignantes et des enseignants et les pressions pour l’améliorer sont de plus en plus sensibles. Comme organisation syndicale, que peut-on concrètement revendiquer, sans se cantonner dans des positions de principe, à propos de cette – si complexe et cruciale – question, que certains voudraient limiter à une simple opération comptable ?

Et de quelle réussite parle-t-on au fait ? Au terme d’une large réflexion, dont le mandat initial est issu du Congrès de 2009, la FNEEQ a adopté au Conseil fédéral de juin dernier des propositions concrètes susceptibles d’orienter nos actions syndicales à cet égard. Ces avenues pour un meilleur accès à la réussite sont largement explicitées dans le texte La réussite…quelle réussite ?, disponible sur le site de la FNEEQ. Nous en présentons ici un résumé.

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Octobre 2011

Chronique no 41 - Un automne étudiant en mobilisation

Le mouvement étudiant québécois s’active et prépare une large mobilisation de ses membres par la coordination de ses divers regroupements. Une manifestation est fixée le 10 novembre prochain. Rappelons-nous la dernière grande mobilisation de grève, en mars 2005, qui a rassemblé 100 000 manifestants dans les rues de Montréal.

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Septembre 2011

Chronique no 40 - Vers une Internationale de l’éducation plus engagée

La délégation de la FNEEQ est revenue très satisfaite du VIe Congrès mondial de l’Internationale de l’éducation (IE) tenu dans la ville du Cap en Afrique du Sud, en juillet dernier. Elle a aussi apprécié les orientations adoptées lors de cette rencontre qui réunissait près de 1 500 délégué-es en provenance de 154 pays. Notre délégation était constituée du président Jean Trudelle, de la secrétaire générale Caroline Senneville et de la vice-présidente Micheline Thibodeau; France Désaulniers, conseillère aux communications, complétait le groupe qui a pu profiter d’un appui financier de la CSN pour l’occasion.

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Mai 2011

Chronique no 39 - La réforme de l'éducation revisitée

Le nouveau bulletin scolaire unique révèle certains changements importants dans les enseignements au primaire et au secondaire. Les résultats seront chiffrés, les controversées compétences transversales disparues. Les connaissances font leur apparition, alors que les compétences, toujours présentes, sont moins visibles. Le MELS a-t-il donc choisi de réformer sa réforme sans tambour ni trompette? Ou avance-t-il dans la même direction, avec quelques modifications pour calmer la grogne?

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Avril 2011

Chronique no 38 - Éducation supérieure - Le désastre américain

Le plus gros syndicat américain d’enseignantes et d’enseignants, la National Education Association (NEA), compte plus de 3 millions de membres, dont 200 000 environ oeuvrent en enseignement supérieur. Pour prendre en charge les enjeux qui les concernent plus spécifiquement, la NEA a créé une Commission de l’enseignement supérieur, qui se réunit à chaque année pour faire le point sur la situation. Or, le portrait d’ensemble qui se dégage de la rencontre de cette année, qui avait lieu à Boston à la fin de mars, est atterrant.

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Mars 2011

Chronique no 37 - Éducation et finances publiques: Quels sont nos véritables besoins?

Le prochain budget du gouvernement du Québec, attendu à la fin du mois, soulève beaucoup d’inquiétudes. Les mesures d’austérité adoptées l’année dernière ont été vivement rejetées par le milieu social québécois. La nécessité et l’utilité de ces choix ont été remises en question, puisque les investissements publics sont en général beaucoup plus efficaces pour relancer l’économie que de sévères restrictions. Certaines de ces mesures d’austérité affectent directement le milieu de l’éducation – la hausse des droits de scolarité, surtout. Ce qui nous mène à des questions essentielles: quel financement public voulons-nous pour notre système d’éducation? Que sommes-nous en mesure de demander en cette période d’austérité budgétaire?

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Février 2011

Chronique no 36 - Le développement économique du Québec : un potentiel caché

Invité au Conseil fédéral de décembre, Robert Laplante, qui dirige l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), a livré aux délégués sa vision de la situation économique au Québec. Le contenu de la conférence n’étant pas disponible, nous profitons de cet article de février pour en faire le résumé, quitte à nous éloigner – le temps d’une chronique – de questions directement reliées à l’éducation!

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Chronique no 35 - Journée nationale de réflexion : L’Université pour tout le monde !

Le 25 novembre dernier, se tenait à l’UQÀM une journée de réflexion sur l’état de l’Université québécoise et son avenir. Organisée par la Table des partenaires universitaires (TPU), dont la FNEEQ est membre, cette activité a réuni des participantes et des participants de différents groupes syndiqués ou associés du monde universitaire : les professeurs et chargés de cours, les employés de soutien et les professionnels ainsi que les diverses associations étudiantes. Une journée riche en idées, qui a servi de cadre au lancement d’un manifeste de l’Université québécoise, fruit d’un consensus parmi ces partenaires, et qui a été rendu public lors d’une conférence de presse. Cette opération de réflexion collective a été organisée pour annoncer les positions communes de la TPU en vue de la journée sur l’Université, convoquée par la ministre de l’Éducation, le 6 décembre prochain à Québec.

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Chronique no 34 - Un échange public sur l'avenir des écoles privées

Novembre 2010 - Le Conseil fédéral de mai 2010 a donné à la FNEEQ le mandat de s'associer à la deuxième édition de la Semaine pour l'école publique, une initiative de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) visant à promouvoir l'école publique au Québec. Différentes activités de visibilité ont été organisées dans ce cadre et la contribution de la FNEEQ s'est centrée sur l'organisation d'un débat sur les moyens à prendre pour que le système scolaire québécois devienne entièrement public. La FNEEQ a explicité ses positions là-dessus dans un document intitulé : Cette école que nous voulons. Ces positions diffèrent sensiblement de celles de la FAE et l'objectif de la soirée était de sensibiliser cette dernière à notre vision des choses, tout en comprenant mieux les enjeux soulevés en éducation, dans le débat privé-public.

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Chronique no 33 - Accord commercial entre le Canada et l'Union européenne

Octobre 2010 - Depuis le printemps 2009, le Canada et l'Union européenne négocient un ambitieux accord de commerce. Cet accord risque d'avoir d'énormes conséquences. Malgré le silence qui entoure les négociations, il semble clair qu'il touchera les secteurs les plus vitaux de l'économie : les services publics, les marchés publics, l'agriculture, la culture, l'environnement. Qu'en sera-t-il de l'éducation ?

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Chronique no 32 - La longue marche de la reconnaissance

Septembre 2010 - Magnifiquement organisé par le Syndicat des chargées et chargés de cours de l'université Laval (SCCCUL), la COCAL IX a constitué, au milieu du mois d'août dernier, un lieu exceptionnel d'échanges et de discussions sur la réalité de celles et de ceux qui, à temps plein ou à temps partiel, enseignent dans les universités nord-américaines à titre de chargé-es de cours. La qualité des interventions et des analyses, tout comme l'accueil réservé aux délégué-es des États-Unis et du Mexique, ont contribué au succès de l'événement. Nous proposons ici un portrait des enjeux qui traversent le monde syndical de l'enseignement universitaire, du point de vue de ces milliers de personnes qui assument dorénavant plus de la moitié de cet enseignement.

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Chronique no 31 - Intégrer sans discrimination ni privilège

Mai 2010 - Un changement survenu en 2008, dans l'interprétation de la Charte québécoise des droits et libertés, a conduit à une augmentation très sensible du nombre d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) dans le réseau scolaire québécois. Déjà toute une problématique au niveau secondaire, l'intégration pose aussi au collégial de sérieuses questions.

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Chronique no 30 - Une conférence trinationale à Montréal

L'état de l'école publique

Avril 2010 -  La FNEEQ-CSN et la CSQ seront les hôtes, au début de mai prochain, de la IXe Conférence trinationale pour la défense et la promotion de l'école publique. À tous les deux ans, cette conférence permet à des délégués syndicaux, mais aussi à des militantes et des militants en provenance des trois pays nord-américains, de se rencontrer et de discuter de la situation de l'école publique qui, on s'en doute, est passablement différente dans leurs pays respectifs.


Chronique no 29 - À l'aide ! Je veux atteindre les étoiles...

Février 2010 - Cette année, le colloque avait lieu à Toronto, en janvier dernier. Il réunissait près d'une centaine de personnes en provenance d'une cinquantaine d'établissements universitaires du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni. Une panoplie de témoignages de la part des participants ont permis de brosser un tableau fort inquiétant de la tendance internationale actuelle, en enseignement supérieur, vers une imputabilité tous azimuts. 


Chronique no 28 - LE MIRACLE FINLANDAIS - DEUXIÈME PARTIE

Janvier 2010 - Le petit nombre d'élèves est une donnée importante du système finlandais. Cela rend possible une intervention ciblée, plus rapide et plus suivie avec les élèves éprouvant davantage de difficultés ou requérant une attention différente ou particulière. Comme c'est le cas ici, les enfants ayant des difficultés d'apprentissage sont intégrés dans les classes normales. Toutefois, le type de support dont disposent les enseignants là-bas est autrement plus impressionnant. Si les élèves en difficulté requièrent plus d'intervention que ne le permet la logistique de la gestion des enseignements, un assistant professeur accompagne ce dernier durant les sessions d'apprentissage. Lorsque le cas le nécessite, un professionnel est attribué à l'élève afin de voir à un type d'aide plus ciblé. Enfin, si la nature des difficultés transcende les aptitudes langagières ou cognitives, une équipe multidisciplinaire incluant un travailleur social prend en charge le cas de l'élève pour une intervention plus adaptée.

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Chronique no 27 - LE MIRACLE FINLANDAIS - PREMIÈRE PARTIE

Décembre 2009 - La réussite exceptionnelle des élèves finlandais à des tests internationaux a attiré l'attention sur le système d'éducation dans ce pays. D'où vient un pareil succès ? Les Finlandais auraient-ils trouvé la recette miracle pour rendre l'école attrayante et favoriser la réussite ? Serait-il possible d'importer un pareil modèle au Québec ? Voici le premier d'une série de deux articles dans lesquels nous observerons les particularités d'un système d'éducation considéré comme exemplaire. Le statut professionnel des enseignants, le mode d'application de la Réforme et l'absence du privé fournissent des pistes d'explication.

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Chronique no 26 - ENSEIGNER AU CÉGEP

Novembre 2009 - Les syndicats d'enseignantes et d'enseignants de cégeps de la FNEEQ se préparent, au cours des prochains mois, à une négociation considérée comme cruciale pour l'avenir de la profession enseignante au collégial. En période de sortie de crise, au moment où il apparaît que le gouvernement envisage de s'entêter dans la voie du «moins d'État», cette négociation prend une dimension politique encore plus importante qu'à l'habitude. Depuis déjà de longues années, les profs des cégeps luttent pour la valorisation d'une profession dont les conditions d'exercice ne cessent de se détériorer.

Cri du coeur de l'un d'entre eux.

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Chronique no 25 - Vers le deuxième forum social québécois

Mettre l'éducation au rang des priorités nationales

Octobre 2009 - La campagne électorale battait son plein, soit. Et les Alouettes allaient disputer la Coupe Grey. Mais cette sortie ignorée du Manifeste illustre tout de même crûment le manque d'intérêt des médias et, peut-être en conséquence, de la population elle-même quant à l'avenir de notre système scolaire. Des sondages ont d'ailleurs déjà montré que l'éducation figure assez loin dans la liste de priorités des québécoises et des québécois.

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Chronique no 24 - Quarante ans de militance

Mai 2009 - Le 29e congrès de la FNEEQ, qui s'ouvrira au mont Sainte-Anne à la fin de mai, marquera les 40 ans de notre fédération. Et l'une des choses dont elle peut certainement s'enorgueillir, quatre décennies après sa fondation, c'est de toujours avoir pris part activement aux débats marquants qui ont émaillé, depuis, l'évolution du système d'éducation québécois.

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Chronique no 23 - La recherche universitaire… version «cowboy»

Avril 2009 - Dans son dernier budget, le gouvernement Harper a trouvé moyen de soulever la colère du monde universitaire, autant chez les professeurs que chez les étudiants. Une nouvelle offense contre l'intelligence, caractéristique de la raideur idéologique du gouvernement Harper et qui rappelle celle récemment faite au monde de la culture.

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Chronique no 22 - Sélection scolaire : le cercle vicieux de la ségrégation

Mars 2009 - La présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Diane De Courcy, était passablement embêtée de répondre aux questions de la journaliste Michèle Ouimet, de La Presse, qui l'interrogeait en février dernier sur l'ouverture d'une école internationale à la CSDM.  Le MÉMO, Mouvement pour une école moderne et ouverte, parti de Diane De Courcy, s'est toujours opposé avec acharnement à la sélection scolaire… et voilà que, parvenu au pouvoir, il ouvre une école où n'entrera pas qui veut ! Bien en peine de se justifier, madame De Courcy a invoqué la nécessité de combattre l'école privée sur son propre terrain.

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Chronique no 21 - Forum social mondial 2009 : crise économique et éducation

Un autre monde est nécessaire !

Belem – Dimanche 1er février - Comme pour les forums sociaux précédents, le parcours d'une participante ou d'un participant à Belem n'est pas des plus aisés. De plus, les activités se déroulent sur deux campus universitaires relativement éloignés l'un de l'autre. Il faut donc se dépêtrer parmi la surabondance d'ateliers offerts, des horaires changeants, des conférences annulées et des invités parfois absents ! N'empêche, même s'il faut subir au passage le climat tropical de Belem avec son écrasante humidité et ses pluies abondantes, l'atmosphère reste excellente et les réflexions toujours aussi riches. Devant l'urgence de la situation et la nécessaire mobilisation face à la crise, se créent de nouvelles solidarités et se réaffirme une ferme volonté de travailler ensemble.

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Chronique no 20 - Le décrochage scolaire au Québec : deuxième partie

Défendre le point de vue syndical

Janvier 2009 - Dans son article du mois de décembre, le comité école et société a abordé le sujet du décrochage scolaire. Cet article démontrait qu'il y a au Québec une inquiétante stagnation du taux de décrochage scolaire depuis près de 10 ans. Avant d'aborder les solutions envisagées et le rôle que peuvent jouer les syndicats, regardons quelles sont les causes du décrochage.

Plusieurs groupes de recherche universitaire ont été mis sur pied afin de connaître ces causes. On a scruté d'abord l'école, notamment les attitudes et les méthodes pédagogiques des enseignantes et des enseignants, la taille des groupes, la façon de prendre en charge les élèves qui ont des difficultés d'adaptation et d'apprentissage, des handicaps, des troubles de comportement ou qui vivent une dépression. Mais il faut aussi étudier le rôle que peuvent jouer les milieux familial, social, économique et politique.

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Chronique no 19 - Le décrochage scolaire au Québec : première partie

Une inquiétante stagnation

Décembre 2008 - Le décrochage scolaire est devenu un enjeu majeur au Québec. L'incapacité de nombreux élèves à obtenir leur diplôme force à réfléchir sur la finalité même de l'école : un système d'éducation idéal ne devrait-il pas permettre à tous les élèves d'aller au bout de leurs capacités et d'obtenir le diplôme pour lequel on les a longuement préparés ? Pourquoi de nombreux élèves abandonnent-ils en cours de route ? Qui faut-il blâmer : l'école elle-même, ou des circonstances plus larges, qui échapperaient au contrôle des enseignantes, des enseignants et des professionnels de l'éducation ?

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Chronique no 18 - Gouvernance à la sauce privée

Novembre 2008 - Prenant prétexte de la crise de l'UQAM, la ministre de l'Éducation, madame Michelle Courchesne, a déposé le 30 octobre dernier à l'Assemblée nationale deux projets de loi, un premier sur la gouvernance des établissements universitaires et un second sur la gouvernance des cégeps. Largement inspirés de la loi sur la gouvernance des sociétés d'État, ces deux projets calqués l'un sur l'autre s'attaquent principalement aux conseils d'administration et pourraient, s'ils étaient adoptés tels quels, bouleverser la culture des communautés universitaire et collégiale, en remettant en cause notamment leur autonomie de gestion. Parmi les changements majeurs envisagés : une augmentation importante des membres dits «externes» sur les conseils d'administration - avec diminution conséquente des membres de l'interne, la création de nouveaux comités (éthique, vérification et ressources humaines) et un nouvel accent sur l'imputabilité.

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Chronique no 17 - Échec des négociations du cycle de Doha à Genève : Une pause dans la marchandisation de l'éducation ?

Octobre 2008 - En juillet dernier à Genève, les négociations en vue de relancer le cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) échouent. Les États ne parviennent pas à s'entendre sur la question vitale de l'agriculture. Le désaccord se maintient entre l'Europe et les États-Unis d'une part, qui tiennent à préserver leur agriculture largement subventionnée, et des pays émergents, qui cherchent à intégrer leur agro-industrie dans un marché mondial ouvert et déréglementé. Avec cette nouvelle suspension du cycle de Doha, peut-on espérer que les négociations en vue de libéraliser à grande échelle le secteur de l'éducation soient enfin neutralisées ?

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Chronique no 16 - Ve conférence tri-nationale pour la défense de l'école publique :

Septembre 2008 - Au mois d'avril dernier, à Los Angeles, se tenait la Ve conférence Tri-nationale pour la défense de l'école publique. Organisée par un réseau d'organisations syndicales dont la FNEEQ fait partie, cette rencontre permet, tous les deux ans, de prendre la mesure de l'éventail des stratégies employées en Amérique du Nord pour privatiser l'éducation. Une occasion, pour les syndicats du Québec, de mieux connaître les tendances actuelles en la matière et de mieux comprendre les dangers qui nous guettent et auxquels nous pourrions être confrontés… dans un avenir peut-être pas si éloigné.

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Chronique no 15 - L'approche par compétence : inlassable débat

Mai 2008 - Si l'encre a beaucoup coulé sur les bienfaits ou les méfaits de l'approche par compétences, on peut dire que, encore aujourd'hui, on ne tarit pas sur le sujet. D'abord retenue pour la formation continue, puis imposée, à la suite de la réforme de 1994 dans le réseau collégial, elle est répandue maintenant à l'ensemble du système éducatif québécois. Mais ce n'est pas là une particularité du Québec, car plusieurs pays occidentaux en ont fait un cheval de bataille sous les auspices de l'OCDE. Pour certains types d'enseignement, elle aura constitué un changement de paradigme important, pour d'autres, qui relèvent notamment du secteur technique, elle aura contribué, à travers l'approche programme, à harmoniser et resserrer la formation.

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Chronique no 14 - La rémunération au mérite

Avril 2008 - Personne ne nierait que les enseignantes et les enseignants ont un rôle majeur à jouer dans les apprentissages que font les jeunes à l'école. Mais les conclusions politiques à tirer d'un tel constat peuvent varier grandement suivant le discours qui leur sert de fond ! Dans un contexte où l'État attend toujours plus, tout en investissant moins, où on s'évertue à fixer des cibles de réussite et de diplomation pour se mesurer localement et internationalement, où le recrutement et la rétention sont devenus des défis dans une profession qui demande d'être revalorisée, voilà que, dans certains pays, on semble céder au mirage de la rémunération au rendement.

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Chronique no 13 - Vers un rassemblement du monde l'éducation

Mars 2008 - Une grande première pourrait prendre forme dans le monde québécois de l'éducation. Les  organisations syndicales, ayant des membres qui y oeuvrent, se sont en effet rencontrées pour définir les conditions nécessaires à l'élaboration, puis à la défense d'un projet pour l'avenir du système d'éducation au Québec, avec l'intention d'interpeller le gouvernement sur cette base.

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Chronique no 12 - Vers des universités cotées en bourse ?

Février 2008 -  On connaît déjà, au Québec, ce palmarès douteux des écoles secondaires, qui vient chaque printemps hanter les directions d'écoles et faire saliver les tenants de la sélection scolaire, en imposant cette démonstration implacable de logique : quand on choisit les meilleurs, on obtient les meilleurs résultats. La Palice serait fier de l'Actualité !

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Chronique no 11 - Sélection scolaire

Décembre 2007 - À la vision d'une école démocratique, ouverte à tout le monde, qui offre des chances et des moyens égaux dans un environnement éducatif favorable, on sent de plus en plus se substituer un discours du libre choix de l'école, d'une diversification hâtive des parcours scolaires et d'une multiplication des programmes à la carte, avec la sélection qui s'ensuit. Il s'agit d'une vision plus clientéliste, plus utilitariste de l'école basée sur la suprématie du client et de ses choix individuels.

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Chronique no 10 - La réforme de l'éducation au secondaire

Novembre 2007 - La réforme à l'enseignement au secondaire, qui entre dans sa troisième année, soulève depuis son implantation d'importantes controverses. La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, semble elle-même l'aborder avec réserves et se dit particulièrement préoccupée par ses effets sur l'apprentissage du français.

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Chronique no 9 - Réflexion sur l'accommodement raisonnable : un dédale de questions

Octobre 2007 - Rien de simple dans cette vaste entreprise de réflexion sur les «accommodements» instaurée par le gouvernement Charest en réponse aux interrogations de plus en plus grandes des citoyennes et citoyens concernant des décisions visant à satisfaire des demandes exprimées en matière de pratique religieuse.

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Chronique no 8 - Congrès de l'Internationale de l'éducation : mission accomplie pour la FNEEQ

Septembre 2007 - Une importante délégation de la FNEEQ a assisté, en juillet dernier, au 5e congrès de l'Internationale de l'Éducation (IE), une organisation qui regroupe maintenant plus de 30 millions d'enseignantes et d'enseignants à travers le monde et à laquelle la FNEEQ est affiliée. L'IE est, en fait, une fédération internationale de syndicats de l'enseignement, qui oeuvre à la promotion de l'éducation et à l'amélioration des conditions de travail de celles et ceux qui la font.

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Chronique no 7 - Les objectifs et la campagne L'éducation pour tous : une longue et difficile bataille

Avril 2007 - Le problème de l'accès à l'éducation est criant. Aujourd'hui encore, 80 millions d'enfants ne sont pas scolarisés et un nombre plus élevé d'écoliers abandonnent l'école avant d'avoir terminé le cycle primaire. Dans de nombreux pays pauvres, rien ne vient faciliter les apprentissages. Les élèves sont trop nombreux dans les classes et dans certains pays, comme le Rwanda, le Mali et le Malawi, on observe un ratio de 55 élèves par professeur. Les enseignants travaillent dans des conditions physiques très difficiles et dans des lieux inadaptés ; il leur manque de tout, tables, fournitures, etc. Les salaires sont maintenus très bas, et parfois, ne sont pas versés pendant de longues périodes.
 
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Chronique no 6 - La reconnaissance syndicale : une lutte de tous les instants

Mars 2007 - Pourtant, la question de la représentativité syndicale dans le monde de l'éducation est cruciale et a peut-être une portée plus grande que dans d'autres domaines. Déjà, à titre de professionnels, les enseignantes et les enseignants peuvent prétendre à une prise plus importante sur l'organisation et l'exercice de leur travail. Mais il faut aussi constater que, dans le domaine de l'enseignement, la proximité est telle entre la qualité de ce que l'on peut faire et les conditions de travail, qu'on ne peut les dissocier véritablement. Dès lors devrait s'imposer, dans les établissements scolaires, un respect authentique du syndicat des enseignantes et des enseignants, à titre d'interlocuteur incontournable dans les débats et prises de position susceptibles de les concerner.

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Chronique no 5 - Le maintien du gel des droits de scolarité : un devoir de solidarité sociale

Février 2007 - Le débat sur les droits de scolarité fait couler beaucoup d'encre. Devant les arguments parfois fallacieux invoqués par les tenants du dégel, on oublie parfois qu'il devrait surtout être question ici de principes. Au-delà de toute comptabilité, étatique autant que personnelle, le maintien du gel des frais de scolarité et l'abaissement des frais afférents relèvent de la justice distributive et d'une philosophie sociale de partage entre les générations.

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On trouvera également ici un argumentaire préparé par le comité école et société et destiné aux syndicats sur la même question.


Chronique no 4 - Les technologies de l'information... nouvelle génération

Janvier 2007 - Depuis plusieurs années, certaines institutions d'enseignement proposent toutes sortes de formation à distance ou en ligne. L'université à distance de l'UQAM (TÉLUQ) a joué un rôle précurseur dans ce domaine et offre depuis plus de 30 ans ce type de formation. La TÉLUQ et l'UQAM réunies constituent à ce jour la plus grande université bimodale de la francophonie, alliant formation sur campus et formation à distance. Le réseau collégial, par la voie du Cégep@distance, créé en 1991, a emboîté le pas et propose maintenant aux étudiantes et aux étudiants deux cent quatre-vingt cours dans des programmes de DÉC et d'AÉC.

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Chronique no 3 - L'enseignement supérieur en mal de financement : point de vue prospectif

Décembre 2006 - Le financement de l'enseignement supérieur est à l'agenda politique depuis bon nombre d'années. Tant les universités que les cégeps font valoir publiquement que leur sous-financement doit cesser, mettant en avant les études permettant d'évaluer les fonds manquants. Par ailleurs, le gouvernement s'est engagé à investir des sommes qui sont largement en deçà des besoins identifiés. La crise des finances publiques est systématiquement présentée comme le frein premier à un investissement significatif. Pourtant l'argument purement financier semble de moins en moins probant. Certes, il y a toute la question des transferts fédéraux, mais la situation est loin d'être désastreuse, n'en déplaise aux ténors qui clament d'une seule voix le remboursement de la dette et la réduction des impôts. Y aurait-il d'autres motifs derrière le sous-financement de l'enseignement supérieur ?

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Chronique no 2 - Une ségrégation scolaire insidieuse

Novembre 2006 - École et musique, sports-études, bac international : les programmes particuliers se multiplient à l'école publique. Certains attribuent ce phénomène à une réaction de l'école publique, qui a reçu son lot de critiques, face à la popularité grandissante de l'école privée. D'autres y voient une simple réponse du système public à une «demande» grandissante des parents pour une école capable de prendre davantage en charge l'ensemble du développement des jeunes qui lui sont confiés.

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Chronique no 1- Résistance contre l'AGCS : les nouvelles stratégies

Septembre 2006 - La suspension des négociations du cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en juillet 2006, n'a pas soulevé une grande attention médiatique. Pourtant, cet événement aura des conséquences majeures sur les populations des 149 pays membres de cette grande organisation, qui a comme objectif de libéraliser le commerce international.

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Chronique 1 - Résistance contre l'AGCS: Les nouvelles stratégies

Septembre 2006 - La suspension des négociations du cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en juillet 2006, n'a pas soulevé une grande attention médiatique. Pourtant, cet événement aura des conséquences majeures sur les populations des 149 pays membres de cette grande organisation, qui a comme objectif de libéraliser le commerce international.

Rappelons les faits. Le cycle de Doha, appelé fallacieusement « cycle du développement », proposait principalement l'élimination des subventions et des barrières tarifaires dans le domaine de l'agriculture, la réduction des tarifs douaniers pour les produits non agricoles et une libéralisation des services suite à une complexe opération de marchandage, à travers laquelle les pays demanderaient la soumission de certains secteurs - tels éducation, eau, poste et courrier, télécommunications, etc. - aux règles de la concurrence.

L'arrêt des négociations a eu comme conséquence de paralyser l'ensemble de l'OMC. Ainsi était-il prévu, dans le cadre de l'AGCS, de s'attaquer aux réglementations intérieures, normes, qualifications, standards pouvant être vus comme des « obstacles au commerce ». Ces lois pourraient êtres soumises à des « tests de nécessité », forçant les pays à les défendre devant des panels d'experts à l'OMC. Subissant les contrecoups de l'échec du cycle de Doha, ces négociations semblent elles aussi stoppées. Mais l'OMC n'a jamais cessé de nous réserver des surprises : à tout moment, les négociations peuvent reprendre. Plusieurs pays ont exprimé la volonté que soit relancé le cycle de Doha. Et de nombreux négociateurs s'activent dans l'ombre pour remettre l'OMC sur ses rails.

Le secteur de l'éducation - entre autres par la voie de l'Internationale de l'éducation - a manifesté à plusieurs reprise son désaccord avec les politiques de l'OMC et avec la façon dont on considère l'éducation dans l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Selon de nombreux intervenants, ce secteur ne doit pas se plier aux lois de l'offre et de la demande; il doit éviter une marchandisation généralisée qui empêcherait de rendre l'école accessible à tous, qui la rendrait servile aux besoins du marché et accorderait une importance démesurée au critère de rentabilité. Pourtant, plusieurs pays ont affirmé leur volonté de libéraliser leur secteur de l'éducation dans les négociations reliées au cycle de Doha. Suite au dernier sommet de l'OMC, qui a eu lieu à Hong Kong en décembre 2005, un groupe de pays, dirigé par la Nouvelle-Zélande, a adressé des demandes de libéralisation qui concernent, entre autres, l'éducation supérieure.

Des pays tels que l'Inde et le Canada défendent ce qu'on appelle, dans le jargon de l'OMC, le « mode 4 ». Ce « mode » permettrait, dans le secteur de l'éducation par exemple, l'exportation d'enseignants pour un temps limité. Les conditions de travail de ces enseignants se rapprocheraient de celles du pays d'origine, et non pas de celles du pays d'accueil. Ceci provoquerait une inquiétante concurrence entre les travailleurs et aurait comme conséquence de dégrader de façon considérable les conditions d'emploi.

Du temps pour résister, revoir ses stratégies

Il faut donc considérer la suspension des négociations comme une excellente nouvelle. Plusieurs opposants à l'AGCS étaient déconcertés par les pas de géant avec lesquels l'OMC avançait. Comment pouvait-on alarmer les populations sur des sujets larges et complexes, alors que le cycle de Doha devait se terminer en décembre 2006 et que tout devait se résoudre avant que George W. Bush ne perde, en juillet 2007, son « fast track», obtenu le lendemain du 11 septembre ? (Ce « fast track» lui permet de faire adopter tout accord de commerce sans que ceux-ci ne puissent être amendés par le Congrès).

Cependant, il ne faut pas oublier que la suspension des négociations n'est en rien reliée à une remise en question de la libéralisation des services. Le cycle de Doha a échoué parce que les pays membres de l'OMC ne parvenaient pas à s'entendre sur la question de l'agriculture, essentiellement. L'AGCS reste donc intact.

Mais les opposants à l'AGCS ont désormais un allié précieux : ils ont du temps. Ils ne sont plus bousculés par des échéances trop serrées, ils peuvent s'organiser, réfléchir à des stratégies de lutte, à des alternatives.

La conjoncture internationale leur est désormais favorable. Les plans d'ajustement structurel dans les pays du Sud, qui exigeaient une libéralisation systématique des services, ont donné des résultats catastrophiques. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, qui prônent cette libéralisation, sont désormais en crise, et de nombreux pays évitent désormais d'avoir recours à eux. Dans les pays du Nord, des libéralisations dans des secteurs vitaux comme l'eau et les transports, ont donné, comme dans le Sud, des résultats déplorables. Exemple parmi tant d'autres : la privatisation du chemin de fer au Royaume-Uni a été un flagrant échec ; le prix des billets a augmenté, la qualité du service a diminué et les accidents sont devenus plus nombreux.

La libéralisation des services se défend donc très mal. Pourtant elle reste à l'agenda politique dans tous les pays, elle continue à être souhaitée par les grandes compagnies et l'AGCS demeure pour celles-ci un instrument privilégié permettant de la favoriser à une très large échelle.

De nouveaux fronts de résistance

Les villes ont été parmi les premières à agir activement contre l'AGCS. À la suite de Vancouver en 2000, de nombreuses municipalités ont demandé une exemption de l'AGCS, ce que leur a refusé le gouvernement canadien. En Europe, de très nombreuses villes, régions, communes se sont déclarées hors AGCS. Au Québec, plus de trente villes, dont Montréal et Québec, ainsi que les deux fédérations de municipalités, ont adopté des résolutions qui s'opposent à cet accord. Depuis trois ans, en Europe, les collectivités locales contre l'AGCS se réunissent une fois par année pour organiser la lutte et défendre les services publics. Cette année, leur convention, qui rassemble aussi bien des élus, des syndicalistes et des représentants de la société civile, se veut internationale et aura lieu à Genève les 28 et 29 octobre.

Dans le secteur de l'éducation, l'Internationale de l'éducation est devenue l'un des observateurs les plus attentifs de l'évolution des négociations dans le cadre de l'AGCS. Ses rapports nous renseignent avec précision sur les positions des différents pays quant à la libéralisation du secteur. Cette solide connaissance du dossier permet de faire pression sur les négociateurs et d'interpeller plus efficacement les représentants des gouvernements.

Au Québec et au Canada, se sont créés de façon informelle des comités AGCS, composés de syndicats et de regroupements de citoyens. Ces comités ont comme objectifs d'informer les populations québécoise et canadienne sur les méfaits de l'AGCS et de sensibiliser les élus aux conséquences d'une libéralisation étendue du secteur des services. La suspension des négociations à l'OMC laisse place à une grande remise en question de cette libéralisation effrénée dans laquelle nous sommes engagés. Comment la mise aux enchères des services peut-elle profiter à l'ensemble des populations ? Comment peut-on valoriser, répandre et rendre plus efficaces les services publics ? Y a-t-il moyen de revoir le financement des services publics par une fiscalité plus équitable, plutôt que de tout abandonner à l'entreprise privée ?

Voilà des questions qui concernent tous les citoyens et auxquelles il faudra répondre suite à un vaste débat. La suspension des négociations à l'OMC nous en donne clairement la possibilité.

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Chronique 2 - Une ségrégation scolaire insidieuse

École et musique, sports-études, bac international : les programmes particuliers se multiplient à l'école publique. Certains attribuent ce phénomène à une réaction de l'école publique, qui a reçu son lot de critiques, face à la popularité grandissante de l'école privée. D'autres y voient une simple réponse du système public à une «demande» grandissante des parents pour une école capable de prendre davantage en charge l'ensemble du développement des jeunes qui lui sont confiés. 

Ces programmes sont populaires. Outre la possibilité de s'épanouir dans un domaine artistique, sportif ou intellectuel, ces programmes permettent aussi de construire un rapport différent des jeunes à leur école. On comprend mieux, à la faveur de ce nouveau courant, le rôle important que joue le sentiment d'appartenance, rôle que l'école peut développer chez les jeunes par bien d'autres canaux que celui du parcours académique.

On pourrait ne voir, dans cette foison de «nouveaux programmes», qu'une heureuse diversification de l'offre de formation au secondaire. À la réflexion toutefois, on semble loin d'un simple enrichissement «horizontal» de la palette des possibles en matière de d'environnement scolaire. La grande majorité des programmes particuliers ont ceci en commun qu'ils nécessitent une sélection des élèves ? qui doivent être en mesure  d'accomplir plus rapidement leurs tâches académiques afin de consacrer du temps à l'activité choisie ? et qu'ils exigent une contribution monétaire supplémentaire de la part des parents.  C'est ainsi que la multiplication des programmes particuliers génère, dans les faits, une forme de ségrégation de la population scolaire.

Une question délicate

La question est délicate : l'éducation des enfants soulève toujours les passions. Tous les parents désirent le meilleur pour leur progéniture. Par conséquent, questionner l'existence d'environnements éducatifs « haut de gamme » dans la société consumériste nord-américaine est perçu comme une atteinte à la liberté de choix.

Mais la question se pose tout de même : quel bénéfice social net tire-t-on à tolérer, voire à encourager, des pratiques de sélection scolaire qui contribuent à rassembler les élèves plus «performants» dans certaines écoles, confinant par le fait même les populations scolaires moins «talentueuses» ? ou moins riches, car ce n'est pas seulement une question de talent ?  dans d'autres établissements ?

La question touche de près le débat sur l'école privée. Au-delà de la question de son financement public, qui a fait couler beaucoup d'encre, le droit accordé aux écoles privées de sélectionner leurs élèves contribue à la différentiation des effectifs scolaires. On produit parallèlement des palmarès de toutes sortes qui entretiennent l'illusion que l'éducation est de meilleure qualité dans certains établissements, alors que, dans les faits, on a simplement permis d'y réunir de meilleurs éléments.

Une situation préoccupante

La diversification de l'offre de formation au secondaire génère une stratification lente et difficilement réversible des élèves. La situation est d'autant plus préoccupante que le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) laisse complètement aller les choses et ce, sans véritable débat public. Les recherches entreprises par la FNEEQ, qui a organisé l'an dernier des journées de réflexion sur cette question, ont montré que le phénomène n'est à peu près pas documenté au MELS.

Or, cette lente transformation du système scolaire, de l'intérieur pourrait-on dire, pourrait mener à des changements bien plus profonds que ceux qu'apportent les réformes. Peu à peu s'installe l'idée que, s'ils ont un minimum de potentiel, il est «normal» de pouvoir «  acheter» pour ses enfants - puisque c'est bien le cas - un meilleur environnement éducatif, ce qui renforce pernicieusement la conception d'un État jouant sur le plan social un rôle supplétif, fournissant aux moins nantis une sorte de «minimum garanti».

On peut penser que nous sommes encore loin d'une telle ghettoïsation. Mais il n'est pas certain que, dans certaines écoles aux prises avec des défis sociaux importants, le personnel enseignant s'en croie si loin. Par ailleurs, si elles ne peuvent faire directement payer les parents, bien des écoles doivent recourir à toutes sortes de moyens alternatifs pour financer les activités qu'elles veulent mettre en place, voire pour des services aussi fondamentaux qu'une bibliothèque. Ainsi voit-on se multiplier les fondations, les ventes d'objets de toutes sortes, voire le recours à des entreprises privées qui voudraient mousser leur image corporative.

Pas question de niveler par le bas !

Le droit de sélectionner est au cœur du problème et le moins qu'on puisse dire, c'est que le MELS fait preuve à cet égard d'un certain laxisme.

Remettre en question la pratique de sélection par l'école, ce n'est pas chercher à niveler par le bas. Cela ne signifie pas abaisser les standards : c'est un appel à donner à chaque élève une égale possibilité d'épanouissement et de dépassement. Si l'importance d'acquérir une formation de qualité, la nécessité de lutter contre le décrochage et le besoin d'un pôle structuré d'appartenance pour les jeunes, entraînent le besoin d'une école capable de jouer auprès des jeunes un rôle plus large que celui de seulement instruire, alors il faut admettre que cela concerne tous les jeunes.

Il faut promouvoir pour toutes et tous une école capable de se préoccuper davantage de toutes les dimensions de la personne, capable d'offrir à cet égard des activités qui concourent non seulement à socialiser les jeunes et à développer leur personnalité, mais qui peuvent aussi, dans bien des cas, se révéler le levier indispensable à la réussite académique.

Des ratios profs/élèves trop élevés, la pauvreté des budgets et l'étroitesse du cadre horaire empêchent actuellement bien des écoles à se développer dans cette voie… sauf au prix d'une sélection et d'une contribution des parents. Cette école souhaitée par tout le monde n'est ainsi accessible qu'à certains… avec la conséquence sournoise que la situation devient encore plus difficile pour les autres, privés, dans leur environnement scolaire immédiat, d'activités qui seraient pourtant particulièrement bénéfiques et stimulantes, privés aussi de la présence de compagnes et de compagnons entretenant un rapport plus positif à l'école.

Suggestion d'encadré en exergue

À l'école Pierre-Dupuis, au milieu de l'un des quartiers les plus difficiles et des moins bien nantis de l'île de Montréal, un directeur a obtenu de bons résultats en… mettant sur pied une équipe de football, qui a pu canaliser l'énergie de plusieurs jeunes, développer un sentiment d'appartenance et contribuer à assainir un climat qui s'était lourdement détérioré. Malheureusement, il a dû pour ce faire endetter lourdement son école….

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Chronique 3 - L'enseignement supérieur en mal de financement: Point de vue prospectif

Du point de vue de l'économiste, il n'est pas difficile de définir ce que l'on demande à un système scolaire […]. Il n'y a pas non plus de difficulté en théorie à définir les situations satisfaisantes en comparant les coûts des diverses combinaisons et leur valeur sur le marché. […] Le plus grand obstacle provient de ce que même l'économiste ne croit pas que les prix du marché offrent les critères appropriés. Nous devons donc, inévitablement, livrer le problème à la méditation des philosophes, laquelle s'exerce sur les valeurs vraiment fondamentales. Arthur William Lewis, prix Nobel d'économie 1979 [1] 

Novembre 2006 - Le financement de l'enseignement supérieur est à l'agenda politique depuis bon nombre d’années. Tant les universités que les cégeps font valoir publiquement que leur sous-financement doit cesser, mettant en avant les études permettant d'évaluer les fonds manquants. Par ailleurs, le gouvernement s'est engagé à investir des sommes qui sont largement en deçà des besoins identifiés. La crise des finances publiques est systématiquement présentée comme le frein premier à un investissement significatif. Pourtant, l'argument purement financier semble de moins en moins probant. Certes, il y a toute la question des transferts fédéraux, mais la situation est loin d'être désastreuse, n'en déplaise aux ténors qui clament d'une seule voix le remboursement de la dette et la réduction des impôts. Y aurait-il d'autres motifs derrière le sous-financement de l'enseignement supérieur ? 

Une mouvance inquiétante

Le gouvernement ne cesse de faire valoir que le développement de l'enseignement supérieur est essentiel à notre avenir collectif. De la même façon, bien des intervenants mettent en avant le rôle que le développement de l'enseignement supérieur joue dans la croissance économique d'un pays, son importance pour attirer de grandes entreprises, particulièrement à valeur ajoutée intensives en recherche, pour le recrutement des « meilleurs cerveaux », pour l'émancipation technologique de la main-d'œuvre dans un contexte où les savoirs nécessaires s'étendent et se complexifient. Dans ce monde, il faut toujours voir plus grand, faire mieux que les autres et affronter le concurrent à corps perdu. Pourtant, du côté du gouvernement les gestes ne suivent pas la parole car d'un même souffle, nos élus tiennent un autre discours tout aussi insistant, celui du « moins d'États », de sa « réingénierie ». Certes, les collèges et les universités sont importants, mais alors qu'on leur demande de rendre de plus en plus de comptes, on ne reconnaît pas qu'il y a péril en la demeure. Évidemment, la question ne se pose pas de la même façon pour les ordres d'enseignement collégial et universitaire et certains effets leur sont propres. Mais il y a un discours qui se fait insistant, à l'instar de celui qui vise bien d'autres investissements à même les fonds publics, c'est celui du « moins d'États » et la participation du secteur privé. 

Cette volonté de réduire l'intervention de l'État prend des formes plus ou moins radicales suivant les pays. Ainsi le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande ont poussé cette mouvance plus loin que d'autres. De la même façon, les théoriciens de la Nouvelle gestion publique [2] prônent des moyens qui vont de réduction de l'État à son strict minimum, privatisant tout ce qui peut l'être, à ceux proposant que l'État soit géré comme une entreprise privée, soumis aux mêmes impératifs de rendement et de contrôle de la qualité dans un contexte de partenariat, de « sous-contractance » et de décentralisation.

L'accès à la formation

L'accessibilité à des études supérieures est une des valeurs sur lesquelles repose notre système d'éducation dont découle la gratuité scolaire au collégial. Laissées à elles-mêmes avec leur déficit, les institutions ne voient d'autre choix que de revendiquer une imposition plus élevée ou une hausse des frais de scolarité. Il s'agit évidemment de transférer à l'individu, usager et client, l'effet de la diminution des fonds publics. Un point de vue particulièrement radical sur cette question nous est offert par un des avocats les plus connus du néolibéralisme, Milton Friedman, dans Free to choose. Pointant du doigt les collèges et les universités qui ont des frais de scolarité bas, particulièrement parce que subventionnés par l'État, il considère que pour plusieurs jeunes qui y vont «college is a pleasant interlude between high school and going to work. Attending classes, taking examinations, getting passing grades – these are the price they are paying for the other advantages, not the primary reason they are at school. […] The situation is very different at private institutions. Students at such institutions pay high fees that cover much if not most of the cost of their schooling. […] The important thing is that the students are the primary customers; they are paying for what they get, and they want to get their money's worth. The college is selling schooling and the students are buying schooling» [3].

D'autres diront aussi que ce qui ne coûte rien, ne vaut rien. Il faut s'inquiéter d'un certain discours qui laisse entendre que trop de jeunes fréquentent les institutions postsecondaires, que ce phénomène contribue à abaisser la qualité de l'éducation qui y est offerte et que nombre de ces jeunes gagneraient à entrer plus tôt sur le marché du travail, considérant même que les employeurs sont complices de cette surenchère de diplômes, alors que bien des emplois n'exigent pas une telle scolarité. On laisse aussi croire qu'en diminuant ou en éliminant les bourses, ou encore en introduisant des frais de scolarité plus élevés, les jeunes – on évite de dire les moins fortunés – réfléchiront plus longuement aux coûts et bénéfices d'un tel choix et opteront rationnellement pour des études plus courtes.

On peut penser que, chez nous au Québec, nous sommes loin de cette tendance, que nous croyons fermement que chacun doit avoir la chance de poursuivre des études et que le revenu ne doit pas constituer un obstacle. Mais le discours en faveur d'un État minimaliste est répandu et il faut craindre qu'il puisse être convaincant dans un contexte de sous-financement des établissements d'enseignement.

La recherche de sources alternatives de financement 

Ainsi, le sous-financement est une façon détournée d'obliger les institutions à trouver des revenus autrement, ce qui peut parfois conduire à une forme de privatisation déguisée d'activités pourtant considérées essentielles. Le sous-financement crée des pressions pour que les établissements d'enseignement recherchent des fonds privés, créent des fondations et développent des partenariats, faisant craindre une importante perte d'autonomie et la soumission à des impératifs éloignés de leur mission. Il met en concurrence les institutions et les programmes pour l'obtention de ces mêmes fonds. Il opère une distinction entre les disciplines rentables et celles qui le seraient moins, celles dans lesquelles on sera prêt à investir et celles dont on doute de la valeur économique. À l'instar de l'entreprise privée, une discipline qui ne pourra ou ne voudra pas s'alimenter à certaines sources devra être abandonnée. Cette nécessité de se tourner vers des fonds extérieurs ne peut être rencontrée sans un déplacement du centre de décision dans un contexte où les intérêts doivent être partagés entre celui qui finance et celui qui bénéficie du financement. Cela pose la question de l'autonomie et de la liberté académique, tant individuelle que collective. [4] Un autre aspect du désinvestissement passe par la décentralisation de la gestion de l'éducation, remettant entre les mains des régions et des municipalités des responsabilités majeures quant à l'organisation de l'offre de formation et de son financement [5]. Du même coup, on dit garder le contrôle sur les résultats en instaurant des systèmes de reddition de comptes de plus en plus complexes et sophistiqués. On s'intéresse moins au processus, à l'intégration harmonieuse des différentes composantes du système, qu'au rapport coût/bénéfice qu'il génère.

La mondialisation du marché de l'éducation

Cette décentralisation des lieux de décision, laquelle va de pair avec un délestage vers les établissements d'obligations qui devraient relever de l'effort collectif, met d'une certaine façon la table pour une perméabilité plus grande de notre système d'enseignement supérieur aux pressions du libre-échange, notamment de l'AGCS [6] , dont les termes exigeraient la concurrence avec les fournisseurs de services éducatifs d'autres pays, des États-Unis par exemple. La mondialisation sert souvent de prétexte pour justifier les réformes et les changements qu'on cherche à imposer au système d'enseignement supérieur. La concurrence accrue entre les institutions, la volonté de s'aligner sur les standards internationaux - dans la foulée de laquelle on peut placer la remise en question du niveau collégial -, la volonté de voir les établissements se tourner vers d'autres sources de financement préparent d'une certaine manière l'ouverture de ce marché [7].

Ne pas passer à côté de l'essentiel

Certains diront peut-être qu'il s'agit là d'une vision alarmiste, mais le discours dont nous parlons existe bel et bien, il est même plutôt fréquent dans la bouche des recteurs, et de graves dérives sont tout à fait envisageables. Un système d'enseignement supérieur accessible, ouvert, bien financé, équilibré et autonome dans ses choix, constitue une grande richesse autrement que d'abord économique pour un peuple et pour les générations à venir. Le défi à relever collectivement est celui de permettre l'accès aux études le plus large possible aux jeunes désireux de poursuivre des études sans céder sur la qualité de l'enseignement. Le défi est aussi de préserver l'indépendance du système tout en s'assurant qu'il soit ouvert. Il importe de comprendre ce qui se trame derrière le sous-financement du secteur de l'éducation alors que nous visons à développer une société plus juste et plus démocratique. Il faut penser à long terme.

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  1. W. Arthur Lewis, « Aspects économiques de la qualité en éducation », Les aspects qualitatifs de la planification en éducation, Préparé part C. E. Beeby, Unesco : Institut international de planification de l'éducation, 1970. À vrai dire, malgré qu'il ait toujours été ainsi libellé, il n'y a pas vraiment de prix Nobel d'économie, cette discipline ne figurant pas à l'origine parmi celles retenues par Nobel. Il s'agit en fait d'un prix institué par la Banque de Suède en mémoire d'Alfred Nobel. Retenons aussi ce propos qu'il place en premier point dans le résumé de son intervention : « En étudiant la qualité dans l'éducation, on peut y distinguer l'éventail, la pyramide, et la réussite. Chacun de ces aspects est mesurable, a un prix de revient et une valeur marchande qu'il est possible de déterminer. Mais le prix du marché n'est pas un facteur décisif pour les raisons suivantes : a) l'éducation a pour mission de transformer la société et non pas seulement de s'y adapter; b) le prix du marché ne traduit pas la véritable pénurie de ressources; et c) l'éducation est aussi un système de valeurs qui ne sont pas chiffrables sur le marché. »
  2. Peut-être mieux connue sous l'appellation « New Public Management », courant qui origine de la montée des idées néolibérales. On trouvera sur Internet beaucoup de références à cet égard … et sur ses ratés. Pour un aperçu critique de ses fondements voir F.X. Merrien, « La Nouvelle Gestion publique : un concept mythique » à l'adresse suivante :   /www.erudit.org/revue/lsp/1999/v/n41/005189ar.pdf. On peut aussi lire de Michel St-Germain, « Une conséquence de la nouvelle gestion publique : L'émergence d'une pensée comptable en éducation », Éducation et francophonie, vol XXIX, no 2, 2001 (aussi disponible sur support électronique). On y lira : « Dans ce texte, on présentera quelques fondements théoriques sur la Nouvelle Gestion publique (NGP), paradigme de gestion à la base de la plupart des nouvelles réformes éducatives. Les principes peuvent se résumer à quelques mots : participation décisionnelle accrue des usagers vus comme consommateurs et électeurs, obligation de résultats quantifiables, décentralisation, imputabilité accrue, mise en place de cadres de contrôles. »
  3. Friedman, Milton & Rose, Free to choose, Avon Books, New York, 1979, p.165-6. Pour une version encore plus radicale de cette façon de voir, très instructive quant aux dérives d'un discours sur la nécessité de faire payer aux étudiants « tout » le prix de leur formation (des entreprises privées pouvant venir en aide aux plus pauvres en les subventionnant en échange de services qu'ils rendront plus tard – le cas de IBM cité en exemple), voir sur le site internet du « think tank » The John William Pope Center for Higher Education Policy (Caroline du Nord) : George C. Leef, «The Overselling of Higher Education», 2005. Par ailleurs, on peut lire sur le site américain du National Center for Public Policy and Higher Education dans «Responding to the Crisis in College Opportunity» qu'on estimait en 2003 à 250 000 le nombre d'étudiants potentiels qui ont été exclus de l'enseignement supérieur à cause de la montée des frais de scolarité ou encore des coupures dans les admissions ou les programmes offerts. «In 2003, states (directly or indirectly) and public colleges and universities replaced most lost state revenues by increasing tuition. The consequence was that the major burden of reductions in state higher education budgets was borne by students and families in the forms of reduced college opportunity, steep tuition increases, and increased debt».
  4. Pour mesurer comment, même au primaire et secondaire, la recherche de sources alternatives de financement change le paysage des institutions, voir « La commercialisation des écoles canadiennes : qui mène la barque ? », étude et enquête conjointe des Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Centre canadien des alternatives politiques, Fédération des syndicats de l'enseignement (CSQ), 2006. De quoi réfléchir longuement.
  5. Il est intéressant de constater depuis quelques années la pression pour développer la loyauté à l'institution, l'engagement institutionnel dans le cadre de missions et d'objectifs à développer localement. La pression pour la négociation locale dans les cégeps pourrait aussi participer de ce discours.
  6. Voir à cet égard l'excellent essai de Claude Vaillancourt, Mainmise sur les services, Éditions Écosociété, Montréal 2006.
  7. Dans ce même esprit, on peut aussi penser à l'évaluation des individus, à l'insistance sur la performance individuelle dont certains croient qu'elle devrait même être la mesure de la rémunération

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Chronique 4 - Les technologies de l'information…: Nouvelle génération

Janvier 2007 - Depuis plusieurs années, certaines institutions d'enseignement proposent toutes sortes de formation à distance ou en ligne. L'université à distance de l'UQÀM (TÉLUQ) a joué un rôle précurseur dans ce domaine et offre depuis plus de 30 ans ce type de formation. La TÉLUQ et l'UQÀM réunies constituent à ce jour la plus grande université bimodale de la francophonie, alliant formation sur campus et formation à distance. Le réseau collégial, par la voie du Cégep@distance, créé en 1991, a emboîté le pas et propose maintenant aux étudiantes et aux étudiants deux cent quatre-vingt cours dans des programmes de DÉC et d'AÉC.

Les technologies de l'information et de communication (TIC) permettent aujourd'hui d'aller plus loin dans la mise en réseau de certaines institutions d'enseignement. Elles apparaissent comme une solution viable pour les programmes en difficultés de recrutement, ainsi que pour atténuer l'isolement vécu dans certains programmes ou collèges, et permettraient de franchir de nouveaux seuils de performance.

Les Commissions scolaires ne sont pas en reste. En effet, certaines [1] utilisent déjà un réseau privé de fibre optique, ce qui réduit les coûts récurrents liés à l'usage de bandes passantes [2] . Cette technologie relie certaines écoles primaires, grâce aux services Intranet régionaux, à la vidéocommunication, à la formation à distance, à Internet et à la téléphonie. C'est le cas depuis trois ans pour les écoles La Marguerite d'Auclair et Des-Verts-Sommets de Saint Athanase dans le Bas Saint-Laurent. Ce projet favorise les échanges entre les élèves et semble avoir « une incidence notable sur leur confiance, leur motivation et leur estime de soi » [3] .

Nous savons que, suite à une offre de projet d'expérimentation, certains programmes [4] du réseau collégial « surfent », depuis septembre dernier, sur un autre mode de formation à distance. Ainsi, le Ministère de l'éducation du loisir et du sport (MÉLS), en partenariat avec le Centre francophone d'informatisation des organisations (CEFRIO) et en accord avec la Fédération des cégeps, a permis de développer cinq projets [5] de mise en réseau. Les collèges qui y prennent part doivent s'assurer de la participation d'enseignantes et d'enseignants, d'un engagement formel des départements concernés et de la Direction du collège. Ces entités souhaitent, par la télé présence et la télé participation, permettre aux enseignantes et aux enseignants comme aux étudiantes et aux étudiants de bénéficier de l'expertise complémentaire du corps professoral de collèges partenaires. Cette nouvelle approche est expérimentale et doit faire l'objet de diverses évaluations à la fin de la présente session. Il faudra notamment faire la preuve que la formation offerte de cette manière est de qualité et qu'elle peut se faire à coût moindre, ou à un coût égal au financement déjà prévu. L'utilisation de ces nouvelles technologies nécessite l'amélioration du système Internet et la mise en place de bandes passantes plus efficaces.

La télé présence et la télé participation permettent à des étudiantes et à des étudiants ou à des groupes classes de maintenir le contact avec des experts, des enseignantes et des enseignants hors collège, ou avec des pairs qui sont sur le terrain ou en classe. Par le lien de communication Internet, les étudiantes et les étudiants peuvent discuter avec les experts en direct ou en différé, recueillir leurs commentaires, suivre leur démarche et recevoir des suggestions. Actuellement, ces projets pilotes ont permis aux étudiantes et aux étudiants de suivre des parties de laboratoire, des conférences et des exposés en télé présence. Par ce moyen, les étudiantes et les étudiants participent aussi, en différé, aux activités de terrain des autres classes et peuvent faire rapport de leurs propres expériences de terrain.

Les objectifs du CÉFRIO pour la session d'hiver 2007 visent à mettre en réseau 25 % des cours de la formation spécifique des programmes visés et faire en sorte que 50 % du contenu de ces cours soit offert en télé présence mais aussi en télé participation.

Le CÉFRIO tente ainsi de rencontrer les objectifs annoncés par ses représentants lors de la présentation du projet « Cégeps en réseau », où il avançait que le nouveau modèle de formation devrait : maintenir des programmes en difficulté s'ils sont jumelés à distance, maintenir l'identité de chaque collège et l'intégrité de son offre de formation, revoir l'allocation des ressources enseignantes, partager des tâches d'élaboration de cours et leur prestation, assurer les responsabilités départementales d'élaboration des programmes, briser l'isolement et le confinement des étudiantes et des étudiants, briser l'isolement professionnel des enseignantes et des enseignants. À la lecture même de ces énoncés, il est facile de voir venir des changements majeurs dans l'acte d'enseignement mais aussi et surtout, dans la définition de la profession enseignante.

Bien que les premiers commentaires des enseignantes et des enseignants confirment le bris de l'isolement, la complémentarité des expertises et l'intérêt potentiel d'une nouvelle forme d'encadrement des étudiantes et des étudiants, plusieurs d'entre eux pointent du doigt certains éléments qui s'ajoutent à leur tâche habituelle, les obligeant à offrir une bonne part de bénévolat. Ils doivent revoir les contenus de cours, les adapter aux nouvelles technologies, élaborer de nouveaux projets et faire l'apprentissage de nouveaux outils. Cette nouvelle dynamique de formation nécessite également l'ajout de rencontres entre enseignantes et enseignants, mais aussi entre les étudiantes et les étudiants des collèges collaborateurs. Ils s'inquiètent de ce renouveau pédagogique puisqu'il demandera, dans une deuxième phase, une harmonisation des programmes, des compétences et des outils informatiques spécifiques à chacun des programmes. Enfin, un constat général émerge et il devient clair que toute cette opération ne pourra se faire sans ajout de ressources à la hauteur des changements exigés.

Quel impact tout cela aura-t-il sur le financement des programmes et sur la description de tâche des enseignantes et des enseignants ? Cette approche pédagogique implique la mise en place de concepteurs de contenu, de conférenciers experts, d'animateurs et d'accompagnateurs. Verrons-nous apparaître une sectorisation de l'emploi ? Cela se traduira-t-il dans la convention collective et si tel est le cas, comment ? Tout ce personnel sera-t-il encore considéré comme des enseignantes ou des enseignants? Quelle sera la catégorie d'emploi dominante ? Devra-t-on considérer de nouvelles échelles salariales ? Cela augmentera-t-il la précarité ?

Par ailleurs, au-delà des bouleversements des pratiques et des ajustements entraînés dans les conventions, on peut se demander si cette avenue aura les effets souhaités pour les régions. À l'évidence, cette approche n'entraîne pas de création d'emploi… Dans la mesure où il n'y a pas d'engagement politique approprié, permettra-t-elle de diminuer l'exode, ou cela aura-t-elle plutôt comme effet de reporter à plus tard cette fatalité ? Aurons-nous, entre-temps, participé au développement d'une expertise favorisant le processus en marche d'une marchandisation de l'éducation ?

De tout temps, le savoir a été une source de liberté, un gage de réussite et une condition nécessaire à l'exercice de la citoyenneté. Le Québec, par sa Révolution tranquille, a permis à sa population de se prendre en main, ce qui a façonné non seulement son paysage social mais aussi son ouverture sur le monde. Il semble bien qu'au chapitre de la diffusion de la connaissance, nous soyons aujourd'hui à un autre tournant de l'histoire.

La baisse démographique en région, les changements sociaux et l'économie mondiale viennent bousculer nos institutions, nos programmes de formation et notre savoir faire. Comment doit-on agir pour le bien commun ? Quelles sont les avenues à prioriser pour les citoyennes et les citoyens de demain ? Que doit-on faire pour offrir une formation équivalente sur l'ensemble du territoire ? Chose certaine, c'est maintenant qu'il faut y réfléchir, pour ne pas demain se retrouver devant une collection de faits accomplis.



  1. Source : Le Soleil, 23 janvier 2007, Commission scolaire de la Beauce-Etchemin.
  2. Bande passante : par assimilation, volume de données qu'il est possible de transférer entre un serveur et un ordinateur client. L'expression « bande passante » est utilisée de manière courante pour désigner un débit exprimé en octets (ou Kilo, Mega, Giga-octets).
  3. Source : Le Soleil, 22 janvier 2007, Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs.
  4. Source : CEFRIO,  Électronique industrielle, Transformation des produits forestiers, Informatique, Logistic et Technologie forestière.
  5. Thetford et Sept-Îles, Saint-Félicien et Sainte-Foy, Rivière-du-Loup et Matane, Drummondville, Lévis-Lauzon et Trois-Rivières, Baie-Comeau et Gaspésie et les Îles.

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Chronique 5 - Le maintien du gel des droits de scolarité: Un devoir de solidarité sociale

Février 2007 - Le débat sur les droits de scolarité fait couler beaucoup d'encre. Devant les arguments parfois fallacieux invoqués par les tenants du dégel, on oublie parfois qu'il devrait surtout être question ici de principes. Au-delà de toute comptabilité, étatique autant que personnelle, le maintien du gel des frais de scolarité et l'abaissement des frais afférents relèvent de la justice distributive et d'une philosophie sociale de partage entre les générations.

L'éducation est un bien collectif public

Au Québec, depuis les années 1960, l'éducation a été comprise comme un droit social, comme un bien public, commun et partagé collectivement. C'est pourquoi l'accès démocratique aux études est, en très grande partie, assumé par l'État à travers la fiscalité générale. Les citoyennes et les citoyens, jeunes et adultes, ont ainsi eu accès à une formation, pour leur émancipation personnelle et leur perfectionnement. C'est devenu le pilier de notre enrichissement collectif et la porte ouverte à l'égalité des chances. Par conséquent, il faut refuser de traiter en marchandise comme les autres, un service payant soumis à diverses contraintes qui en limitent l'accessibilité et en font un privilège réservé aux seules personnes mieux nanties.

C'est en vertu de cette philosophie sociale de l'éducation que les droits de scolarité ont été gelés à plusieurs reprises, et maintenant depuis 13 ans, afin d'effectuer un rattrapage nécessaire. Certains veulent renoncer à cette vision en déréglementant le gel des droits de scolarité et en libéralisant les frais afférents comme on l'a permis ces dernières années. Ce serait là une dérive dangereuse et un déni du pacte social en éducation, qui épouserait le courant néolibéral instauré dans ce secteur en Amérique du Nord et du Sud, les gouvernements ayant livré au marché privé et aux individus de larges pans de leur système public d'éducation secondaire et supérieure. C'est pour résister à la menace d'un tel recul qu'il faut aujourd'hui lutter contre le dégel des frais de scolarité et dénoncer l'invasion de l'entreprise dans nos systèmes de formation, que ce soit par philanthropie ou intérêt. Rappelons que c'est au Québec que les inscriptions à l'université demeurent les plus basses dans l'ensemble canadien. Il en est de même de l'obtention de diplômes universitaires. Changer de cap à l'égard des frais de scolarité ne pourrait qu'empirer la situation et nous mettre sur une voie de non retour. Bien des citoyennes et citoyens avertis le reconnaissent et l'appréhendent.

Il y a aussi dans cette menace une grave entorse au devoir de solidarité entre les générations. En effet, les générations précédentes ont bénéficié de frais de formation plutôt bas et stables, d'un régime de prêts et bourses relativement avantageux, donnant lieu à un endettement à peu près raisonnable comparativement à ce qu'on peut trouver ailleurs. Et ce serait maintenant les gens de cette génération qui retireraient l'échelle et soumettraient les jeunes et ceux à venir, à des coûts de formation difficiles à assumer par la plupart d'entre eux. Il est par conséquent normal que ceux qui feront les frais d'un tel revirement y voient une injustice flagrante et fassent appel à la solidarité d'une bonne partie de la population, de même que de groupes telles les centrales syndicales qui leur apportent leur soutien.

Les subterfuges de l'approche comptable

Le problème est connu : les établissements d'enseignement supérieur souffrent d'une carence en financement. Au Québec, il faudrait 1,2 milliard $ pour rétablir la situation. Ce financement doit relever de l'État. Le désengagement du gouvernement canadien a créé une grave pénurie, obligeant celui du Québec à chercher d'autres sources de financement et des ressources compensatoires. La situation est encore loin d'être rétablie.

« Seulement deux dollars de plus par semaine », voilà ce qu'on dit de la proposition du Parti libéral du Québec en campagne électorale. D'une part, il s'agit là d'une promesse électorale et on peut penser qu'une fois le principe d'un dégel admis, les coûts s'envoleront. D'autre part, on parle, d'un minimum de 10 $ par semaine d'augmentation au bout de quelques années, ce qui n'est pas rien. Cela fera en sorte qu'encore plus de jeunes hésiteront à entreprendre des études supérieures, d'autres penseront à les abandonner. Les choix de carrière et de discipline se refermeront sur eux, car on privilégiera des formations courtes et des études par intermittence. L'accessibilité aux études consistera de plus en plus en une option réservée aux mieux nantis. La formation des adultes en souffrira et les universités perdront de nombreuses cohortes d'étudiants.

Les frais de scolarité sont gelés depuis 1994 – 1995. Cela a assez duré selon certains. Ils pensent que les étudiantes et étudiants doivent contribuer à leur formation parce qu'ils en sont les seuls bénéficiaires. Ce serait plus juste de dire que c'est la société dans son ensemble qui a besoin d'une relève importante et bien formée. Par ailleurs, les jeunes ont aussi le droit de vivre correctement, d'avoir un travail rémunéré, de profiter de la richesse collective. Ils veulent participer à la création de cette richesse et à la production de nouvelles connaissances et cela est d'autant plus important pour l'avenir que la pyramide démographique s'inverse et que les personnes dépendantes augmenteront en nombre et en durée de vie. Qui supportera les charges fiscales futures ? Sont-ce les jeunes qui n'ont accès qu'à des emplois précaires et mal rémunérés ? Le gel des frais de scolarité est un enjeu majeur d'abord et avant tout pour nous toutes et tous, quelle que soit la génération à laquelle nous appartenons.

Relevons quelques arguments fallacieux. L'actuel gel des frais favoriserait les jeunes de familles aisées, au détriment de ceux qui viennent de familles pauvres. La vérité est que les familles dites riches poussent davantage leurs enfants aux études avancées pour des raisons d'ascension sociale. Un dégel pénalisera certainement les jeunes moins bien nantis qui sont seuls à assumer personnellement les coûts de leur formation. Certains croient que les prêts et bourses rétabliront l'équilibre et l'équité. Mais les prêts favorisent l'endettement des étudiants qui ont moins de revenus, tandis que les jeunes de familles plus aisées ont plus de chance d'hériter d'un patrimoine familial exempt de dettes. C'est donc un frein à la mobilité générationnelle. Comme nous le disions plus haut, c'est par l'équité fiscale qu'on doit s'assurer de la juste part de chacun.

On affirme aussi que les revenus supplémentaires issus du dégel des frais permettront aux établissements d'enseignement de retrouver leur viabilité. Peu probable, car ces frais représenteront une infime partie de leurs recettes : 19 millions $ par année sur un budget global de près de 3 $ milliards. Maigre pitance, qui pourtant incitera sans doute le gouvernement à réduire d'autant sa contribution, comme cela s'est déjà produit. Est-il besoin de relever d'autres argumentaires trompeurs qui circulent dans les débats publics ?

Le dégel des droits de scolarité et la déréglementation des autres frais constituent une ruse politique qui risque de mener à un appauvrissement social général. Le projet est lancé à l'occasion d'une campagne électorale qui comporte toujours son lot de promesses fumeuses et douteuses. Le débat est d'importance, car il remet en cause le pacte social jadis conclu au Québec et fondé sur la solidarité, le partage et la confiance mutuelle. Il faut être collectivement aussi attachés au gel des frais de scolarité que nous le sommes du système d'assurance-maladie. On devrait comprendre la résistance des étudiants québécois et le bien-fondé de leur revendication.

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Chronique 6 - La reconnaissance syndicale: Une lutte de tous les instants

Mars 2007 - Quelle que soit l’analyse du résultat des récentes élections au Québec, la mixture PLQ/ADQ n'augure rien de bon d'un point de vue syndical. Les syndicats constituent non seulement un obstacle de taille à la libre majoration des profits dans le secteur privé, mais ils s'opposent aussi systématiquement à ce que des services publics soient cédés au privé. Pour un gouvernement néo-libéral qui vise le « moins d'État », le mouvement syndical est un ennemi. Il ne s'est d'ailleurs pas gêné, quitte à être condamné par le Bureau international du travail, pour utiliser le décret comme mode de négociation !

Cette tendance antisyndicale, que des élus tentent aussi de répandre dans le public avec le concours de certains éditorialistes de droite, ne se remarque pas qu'au niveau national. Elle trouve son pendant dans plusieurs établissements d'enseignement, au cœur même du système scolaire, où trop d'équipes de direction cherchent à contourner la légitimité de la représentativité syndicale.

La reconnaissance syndicale : une lutte de tous les instants

Pourtant, la question de la représentativité syndicale dans le monde de l'éducation est cruciale et a peut-être une portée plus grande que dans d'autres domaines. Déjà, à titre de professionnels, les enseignantes et les enseignants peuvent prétendre à une prise plus importante sur l'organisation et l'exercice de leur travail. Mais il faut aussi constater que, dans le domaine de l'enseignement, la proximité est telle entre la qualité de ce que l'on peut faire et les conditions de travail, qu'on ne peut les dissocier véritablement. Dès lors devrait s' imposer, dans les établissements scolaires, un respect authentique du syndicat des enseignantes et des enseignants, à titre d'interlocuteur incontournable dans les débats et prises de position susceptibles de les concerner.

En réalité, en ce qui a trait au respect de la représentativité syndicale, nous sommes loin du compte. Curieusement, ces professeurs qu'on qualifie, au discours de la rentrée, de « remarquables artisans de la mission éducative » ou « d'extraordinaires et dévoués éducateurs formant le cœur de notre collège/école », semblent devenir des obstacles au développement institutionnel dès qu'ils expriment, par la voie de leur syndicat et par le fait même de leur assemblée, des visées différentes de celles de l'administration.

Ainsi signale-t-on, à plusieurs endroits dans le réseau des cégeps, des administrations qui ne reconnaissent pas la représentativité du syndicat des enseignantes et des enseignants et tentent de la contourner.

Les tactiques sont diverses. Il peut s'agir d'une attaque frontale, comme celle que subit le syndicat de F.-X. Garneau où la direction cherche par tous les moyens à écarter l'influence syndicale des professeurs à la Commission des études, quitte à remettre en question un arrangement local dûment signé il y a plusieurs années. Il peut s'agir de pratiques d'évitement, comme à Limoilou, où l'on prétendra mettre en place des « programmes », pour contourner l'obligation existante de consulter lorsque des « politiques » sont élaborées. Il peut s'agir enfin, comme à Montmorency, de consultations obtenues de haute lutte par la partie syndicale, mais à la suite desquelles la partie patronale ne concédera que quelques points mineurs, sans toucher aux questions de fond, malgré une contre-proposition importante de la part du syndicat. On peut ainsi prétendre avoir consulté !

On trouve à la base, dans tous ces cas, le même déni d'une représentativité syndicale dont la pertinence ne devrait pourtant plus être à démontrer. Déni qui se manifeste aussi dans plusieurs établissements privés où la reconnaissance syndicale pleine et entière est rare, de même que dans les universités, les chargé-es de cours étant le plus souvent laissés pour compte, notamment quand il s'agit de façonner les axes de développement de la vie universitaire.

Un acquis à préserver

La légitimité de la représentativité syndicale est double. Elle est d'abord fondée sur l'évidence qu'un groupe de personnes, quel qu'il soit, ne peut exercer une influence réelle que dans la mesure où il est organisé. Dans une école ou un collège, tout changement d'importance devra être mis en œuvre par les professeurs et, comme l'a souligné notamment le Conseil supérieur de l'éducation, l'adhésion de ces derniers est un facteur incontournable de réussite. Dès lors, les changements envisagés doivent reposer sur l'expertise concertée de ceux-ci, dans un processus de discussion, d'échange et de débat qui permet une démarche véritable d'appropriation, de partage et de critique constructive. Il faut prendre le temps d'analyser la pertinence, les objectifs et les modalités d'un projet pour le voir véritablement s'enraciner dans un milieu. La collecte d'opinions individuelles ne peut s'y substituer. Tenir un groupe pour consulté parce qu'on s'est adressé à quelques individus - choisis ! - relève du simulacre. Il doit y avoir une forme convenue de consultation et elle doit obtenir l'assentiment de tous. Le second fondement de cette légitimité de la représentativité syndicale, c'est l'effet absolument déterminant des conditions de travail sur la qualité de l'enseignement. De la taille des classes à l'accès aux ordinateurs, des conditions de perfectionnement à la pertinence des politiques diverses auxquelles il faut se conformer, l'environnement éducatif détermine la portée et la qualité de nos interventions auprès des élèves.  

Un facteur de dynamisme

Plusieurs directions ne semblent pas avoir compris qu'elles gagneraient à agir autrement. Cette obstination vient sans doute en partie du fait que reconnaître la légitimité d'un interlocuteur oblige à admettre la nécessité de négocier, ce qui implique parfois de plus longues discussions, occasionnellement des tensions et, souvent en bout de course, des changements par rapport aux plans initiaux. Mais il s'agit des conditions à remplir pour en arriver à des positions acceptables pour les uns et les autres. Le dossier de l'évaluation des enseignements est révélateur à cet égard. La convention collective des cégeps comporte une lettre d'entente qui, sur cette matière, invite explicitement les parties à s'entendre. Malgré cela, plusieurs directions tentent d'agir unilatéralement, inconscientes des dommages générés par cette approche en termes de bris de confiance. Elles contribuent de cette manière à créer un climat qui ne pourra que s'envenimer. Nos positions syndicales sur l'évaluation, qui devraient être adoptées au Conseil fédéral de juin à la FNEEQ, sont très imprégnées du souci de respecter sur cette question délicate les cultures et la situation de chaque syndicat. La FNEEQ a de nombreuses réserves sur l'évaluation systématique des enseignements, positions qui prennent racine dans une connaissance intime du milieu de travail, mais qui sont également l'écho de positions prises par des pédagogues réputés, très conscients des limites des systèmes d'évaluation 1. Ce qui importe ici, c'est le constat que pour un trop grand nombre de nos syndicats qui partagent ces réserves, il semble difficile, voire impossible, de trouver de la part des gestionnaires une écoute attentive et sérieuse, ainsi qu'une volonté politique d'en tenir compte. Comme si les enseignantes et les enseignants, par leurs mises en garde contre les dérapages d'une évaluation mal pensée, visaient autre chose que de préserver la qualité des enseignements. Comme si l'évaluation systématique constituait la seule voie d'amélioration… et comme si la stagnation des conditions de travail, au cours des dernières années, n'avait rien à voir avec la qualité !

1 Citons à titre d'exemple L'évaluation des enseignants : entre une impossible obligation de résultats et une stérile obligation de procédure, de Philippe Perrenoud

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Chronique 7 - L'objectif et la campagne «L'éducation pour tous»: Une longue et difficile bataille

Avril 2007 - Le problème de l'accès à l'éducation est criant. Aujourd'hui encore, 80 millions d'enfants ne sont pas scolarisés et un nombre plus élevé d'écoliers abandonnent l'école avant d'avoir terminé le cycle primaire. Dans de nombreux pays pauvres, rien ne vient faciliter les apprentissages. Les élèves sont trop nombreux dans les classes et dans certains pays, comme le Rwanda, le Mali et le Malawi, on observe un ratio de 55 élèves par professeur. Les enseignants travaillent dans des conditions physiques très difficiles et dans des lieux inadaptés ; il leur manque de tout, tables, fournitures, etc. Les salaires sont maintenus très bas, et parfois, ne sont pas versés pendant de longues périodes.

Les filles sont les premières victimes d'un accès limité à l'éducation : elles demeurent celles que l'on refuse d'abord d'instruire. Dans 37 pays, il y a moins de trois filles scolarisées pour quatre garçons. Ainsi parviennent-elles plus difficilement à se sortir du cercle de la misère. Elles s'occupent de la famille, forment une main-d'œuvre bon marché qu'on exploite sans vergogne et se voient parfois condamnées à se prostituer. Les filles moins éduquées risquent davantage de contracter le VIH et leurs enfants sont plus exposés aux maladies.

Le VIH/sida vient d'ailleurs affecter le fonctionnement de réseaux d'éducation en manque d'enseignants. Les ravages sont considérables en Afrique subsaharienne : des estimations modérées indiquent que 600 enseignants par année meurent du sida dans des pays comme le Kenya, la Tanzanie et la Zambie. Au Malawi, dans certaines écoles, le ratio élèves/maîtres est monté jusqu'à 96 pour 1 en raison des maladies liées au VIH ayant frappé les enseignants. L'absentéisme systématique des enseignants malades du sida pose un sérieux problème de continuité dans les apprentissages.

En 2000, à Dakar, les participants au Forum mondial de l'éducation lancent un projet majeur : celui de rendre l'éducation accessible à tous en 2015. L'idée vient d'un mouvement appelé Éducation pour tous, né en 1990 et regroupant 155 pays et 150 organisations préoccupés par le nombre élevé d'enfants maintenus dans l'ignorance. Rien depuis la fondation du mouvement n'avait été sérieusement entamé pour aller au-delà des bonnes intentions. Au contraire, des plans d'ajustement structurel, soutenus par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale avaient mis en pièces une éducation publique qui tentait difficilement de s'organiser dans nombre de pays du Sud et réduisaient ainsi l'accessibilité à l'école.

Les pays et les organisations assemblés au Forum de Dakar promettent enfin de remédier à la situation. Cette fois, la question est prise au sérieux et on mettra les moyens nécessaires pour atteindre un objectif enthousiasmant. La campagne Éducation pour tous (EPT) établit un Cadre d'action et un échéancier relativement serré. Fondée en 1999, la Campagne mondiale pour l'éducation (CME), organisation formée de syndicats d'enseignants, d'ONG et de millions d'adhérents, veillera à ce que le projet donne les résultats attendus.

La campagne Éducation pour tous a permis à certains de se réjouir. Depuis cinq ans, 40 millions d'enfants supplémentaires ont été scolarisés. Depuis 2000, douze pays africains ont pris des mesures pour supprimer les frais de scolarité ; mais dans certains des pays les plus pauvres au monde, l'éducation n'est toujours pas gratuite. Les bailleurs de fonds ont lancé une « Initiative Fast-Track » (FTI), soutenue entre autres par la Banque mondiale et visant à accélérer le financement des réseaux d'éducation des pays de Sud. Certains pays d'Amérique du Sud ont augmenté la part du PIB consacrée à l'éducation et dans de vastes régions d'Asie, la scolarisation est en nette progression. Quelques pays d'Afrique subsaharienne ont promis à leur tour d'embaucher davantage d'enseignants et d'augmenter le budget de l'éducation.

Des problèmes à la chaîne

Mais il faut malheureusement admettre que l'objectif d'une éducation pour tous en 2015 semble de plus en plus irréalisable. Et que ce beau projet parmi tant d'autres ne dépassera que de peu la belle intention. Les pays les plus riches de la planète refusent de contribuer convenablement à la campagne et n'offrent pas l'aide suffisante aux pays dans le besoin. À part quelques pays comme la Norvège, le Danemark, le Luxembourg et la Suède, dont l'aide est particulièrement généreuse, la majorité des pays riches, dont le Canada, restent chiches et donnent beaucoup moins de 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l'aide au développement. Parmi les plus radins, le Japon, l'Italie et surtout le pays le plus riche du monde, les États-Unis, qui ne consacrent que 0,17 % du RNB à l'aide au développement.

L'Initiative Fast-Track reste un bel exemple de l'impéritie et de l'indifférence des pays riches. Seuls quelques pays, toujours les mêmes, soutiennent réellement cette initiative, ce qui fait dire aux observateurs de la Campagne mondiale pour l'éducation qu'« à moins d'un changement radical de la situation, il semble que ce projet sensé soit voué à l'échec. » [1] . De plus, d'une façon générale, l'aide n'est pas équitablement distribuée. Les pays dont les besoins en éducation sont les plus grands ne sont pas ceux qui reçoivent les dons les plus généreux.

D'autres problèmes viennent s'ajouter. Il semble souvent difficile pour certains pays d'offrir une aide sans condition. Ainsi, plusieurs pays lient leurs dons à des achats obligatoires de biens et de services en provenance du pays donateur. Ces produits et services sont souvent mal adaptés, ne correspondent pas aux besoins du pays en difficulté et viennent contredire le principe même d'une offre désintéressée. Certains pays ont tendance à offrir le montant de leur aide à des « consultants » grassement payés, dont les compétences sont très souvent discutables, et dont le revenu pour une seule journée suffirait à payer le salaire annuel d'un enseignant.

Un grave manque d'instituteurs contribue à rendre l'école moins accessible. On calcule qu'il faudrait former et recruter environ 18 millions d'enseignants pour arriver à l'objectif d'une école pour tous. Les pays les plus pauvres ont aussi les enseignants les moins qualifiés. Le FMI et la Banque mondiale ont contribué à dévaluer la profession d'enseignant et donc, à la rendre moins attrayante. Le FMI a imposé d'importantes restrictions de la facture salariale pour les professeurs dans de nombreux pays. La Banque mondiale encourage la formation de « para-enseignants», moins formés, moins payés, et qui donnent une éducation de moins bonne qualité. Comme si ce n'était pas suffisant, certains pays occidentaux viennent recruter les enseignants les plus compétents des pays du Sud pour leur offrir des emplois beaucoup mieux rémunérés dans des écoles du Nord. Dans ce secteur comme dans d'autres, il existe un véritable « pillage des cerveaux ».

De l'espoir et des solutions, tout de même

La difficulté d'atteindre l'objectif d'une éducation pour tous dépasse sans doute les seules questions reliées à l'enseignement. Peut-on concevoir en effet une éducation plus accessible sans véritable plan généralisé de lutte contre la pauvreté ? On ne peut établir un système d'éducation sans tout ce qui va avec : de bonnes mesures sanitaires, de l'eau et une alimentation de qualité accessibles à tous, des transports, un environnement sain. L'économie de guerre, soutenue par le gouvernement des États-Unis, le libéralisme économique, qui permet d'assembler des fortunes inimaginables dans les coffres de quelques individus, l'exploitation sans restrictions des combustibles, qui contribue au réchauffement de la planète et qui provoque des sécheresses, de la désertification et des catastrophes naturelles, ne font que contribuer à affaiblir les pays les plus démunis et à rendre plus difficile l'accessibilité à l'éducation.

L'éducation reste cependant le moyen le plus sûr pour contribuer à d'importants changements et permet de former des individus soutenant les politiques qui servent l'intérêt de la majorité. Ainsi devient-il particulièrement important de secouer l'inertie de nos gouvernements dans le cadre de la Campagne Éducation pour tous. La Campagne mondiale pour l'éducation soutient une série d'actions dont le but est de forcer les gouvernements à donner ce qu'ils ont promis. Parmi celles-ci, une sollicitation constante des élus, afin qu'ils rendent des comptes sur le dossier de l'éducation pour tous.

Le Canada n'a d'ailleurs pas une position enviable dans le dossier. Jamais parmi les plus généreux, et pas non plus parmi les plus chiches, notre pays s'intègre à la majorité des nations riches qui restent tristement inertes, donnent toujours moins que prévu et se contentent de formuler de beaux discours humanistes sur le sujet. Ne pas se distinguer en restant aussi médiocre que les autres. Est-ce une politique acceptable pour notre pays ?


1 Dans Piètres performances, bulletin scolaire sur la contribution des pays riches à l'Éducation primaire universelle d'ici à 2015, Campagne mondiale pour l'éducation, septembre 2006.

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Chronique 8 - Congrès de l'Internationale de l'Éducation à Berlin: Mission accomplie pour la FNEEQ

Septembre 2007 - Une importante délégation de la FNEEQ a assisté, en juillet dernier, au Ve congrès de l'Internationale de l'Éducation (IE), une organisation qui regroupe maintenant plus de 30 millions d'enseignantes et d'enseignants à travers le monde et à laquelle la FNEEQ est affiliée. L'IE est, en fait, une fédération internationale de syndicats de l'enseignement, qui œuvre à la promotion de l'éducation et à l'amélioration des conditions de travail de celles et ceux qui la font.

Photo de groupe
Une partie de la délégation de la FNEEQ
au congrès de l'IÉ en juillet 2007 à Berlin.
Dans l'ordre habituel, on retrouve, accroupi, Tavid Tacium, du cégep Édouard Montpetit, Laval Rioux de l'Université Laval et membre du comité école et société, Wedad Antonius, du cégep Édouard-Montpetit, Claude Vaillancourt, du Collège André-Grasset et membre du comité école et société, Madeleine Ferland, du cégep Montmorency et membre du bureau fédéral, Ronald Cameron, président de la FNEEQ, Marie Blais, vice-présidente de la FNEEQ, France Désaulniers, conseillère à l'information à la FNEEQ, Nicole Blouin, de l'Université Laval et membre du comité femmes, ainsi que Jean Trudelle, vice-président de la FNEEQ.

La FNEEQ avait droit à trois délégués officiels, mais une bonne douzaine d'enseignantes et d'enseignants membres de syndicats FNEEQ se sont rendus à Berlin sur leur propre base, afin de participer, en tout ou en partie, à ce congrès coloré et dynamique qui a permis aux organisations membres de l'IE de faire le point sur les principaux enjeux qui confrontent l'éducation, à l'heure du « tout au marché ». 

Les sujets de préoccupation ne manquent pas dans ce genre de congrès, qui aura lieu dorénavant tous les 4 ans. Toutes les résolutions, sauf celles d'urgences, étaient reliées au thème retenu « S'unir pour une éducation de qualité et une justice sociale ». La délégation de la FNEEQ avait cependant choisi de concentrer ses efforts sur le développement des positions de l'IE en matière de formation professionnelle et technique (FPT) ainsi que sur les conditions de travail des chargé-es de cours dans les universités. Dans les deux cas, nos objectifs ont été atteints et on peut dire « mission accomplie ».

Les amendements apportés par la FNEEQ aux recommandations sur la FPT soulignaient l'importance d'assurer dans ce domaine une formation générale solide et celle de garantir, à l'image de ce que nous tenons à préserver dans les cégeps, le caractère générique de la formation spécifique. Ces amendements, préparés par le comité école et société, ont tous été adoptés par le congrès.

Par ailleurs, saisie d'une résolution en ce sens, l'IE a été sollicitée à se préoccuper de l'augmentation des contrats à durée déterminée dans l'enseignement supérieur. Un intense travail de lobbying, avant le congrès, a permis de s'assurer qu'en cette matière, les positions arrêtées par l'IE tiennent mieux compte de la réalité québécoise, où les luttes du regroupement université ont démontré l'importance d'améliorer les conditions de travail des chargé-es de cours, et de ne pas se contenter de dénoncer la précarité.

Mais s'il fallait retenir une seule préoccupation majeure ayant traversé tout le congrès, ce serait celle de la privatisation de l'éducation, qui inquiète les syndicats du Nord comme du Sud de la planète.

Une commercialisation... pas toujours insidieuse

La situation de l'éducation, dans les pays représentés à l'IE, est forcément très différente d'un endroit à l'autre. Mais il n'est virtuellement aucune organisation syndicale, à travers le monde, qui n'ait pas à s'inquiéter de la présence croissante du secteur privé en éducation.

Dans certains pays, comme le Chili, des firmes privées se sont littéralement engouffrées dans ce secteur ouvert par le gouvernement sous les pressions de la Banque mondiale. Résultat : un système d'éducation hautement ségrégué, à plusieurs vitesses, et des hommes et femmes d'affaires qui sont littéralement devenus des millionnaires de l'éducation.

En Australie, de vastes réformes en formation professionnelle et technique ont conduit à une flambée des droits de scolarité dans ce secteur. On rapporte qu'il faut parfois débourser jusqu'à sept ou huit mille dollars pour un cours de coiffure impossible à obtenir autrement ! En Argentine, c'est l'éducation supérieure qui a été la proie du secteur privé, et de nombreuses universités sont complètement privatisées. Ces universités ne se contentent pas d'offrir une éducation supérieure commercialisée : elles s'affichent aussi comme de fières relayeuses des valeurs et façons de faire des entreprises qui les exploitent !

On pourrait donner bien d'autres exemples. Malgré le blocage des négociations entourant la libéralisation du commerce des services (AGCS), plusieurs accords bilatéraux ont fait de l'éducation un bien marchand, quand elle ne subit pas à l'intérieur même du pays, des pressions en ce sens. Inquiète du recul que cela signifie pour le droit à l'éducation, l'IE a notamment commandé une étude sur la privatisation en éducation, de telle sorte que le phénomène soit documenté et afin de se donner les moyens d'une meilleure résistance. Cette étude, qui sera disponible en version finale cet automne, a été réalisée par S. Ball et D. Youdell, de l'Université London, en Angleterre.

La «coca-colaïsation» de l'éducation

Cette étude distingue deux sortes de privatisation. D'abord celle qui est « endogène », impliquant l'importation en éducation d'idées, de techniques et de pratiques issues du secteur privé ; ensuite la privatisation « exogène », qui ouvre quant à elle les services publics éducatifs à une participation directe du secteur privé. Dans ces deux cas, les auteurs insistent sur le manque de transparence de ces glissements vers le secteur privé, qui se font le plus souvent à l'insu des citoyens.

Les exemples abondent dans cette étude qui relève aussi des changements importants dans le vocabulaire même de l'éducation, alors que les étudiantes et étudiants deviennent des clients, que la concurrence remplace la coopération et que le développement du capital humain devient un paradigme intégrateur. Les conséquences sur les conditions de travail des enseignantes et des enseignants sont directes : rémunération à la performance, évaluations externes systématiques, obligation de se conformer au modèle dominant.

La plupart du temps, les décisions gouvernementales permettant le recours au privé sont basées sur de prétendues mauvaises performances du système public d'éducation. Au Québec, nous connaissons bien ce refrain, dans la santé ; c'est aussi malheureusement ce qui guette le monde de l'éducation.

Impossible de ne pas penser, au Québec, aux nombreuses critiques adressées à école publique, insuffisamment financée par rapport à ses besoins modernes. On assiste ainsi à l'augmentation des demandes d'admission à l'école privée et à un foisonnement d'écoles publiques qui se dotent de projets particuliers, devenant ainsi dans les faits des écoles semi-privées, puisqu'elles sélectionnent et qu'elles exigent des frais compensatoires. Ceci montre amplement que le danger de la privatisation est aussi bel et bien présent au Québec. Aucun débat public, il va sans dire, n'est sérieusement mené sur cet enjeu pourtant crucial. L'enseignement supérieur subit lui aussi des menaces similaires : le sous financement des universités et des cégeps les obligeant à se jeter dans une concurrence malsaine pour des sources extérieures de revenus.

Les participants de la FNEEQ à l'IE de Berlin ont tous exprimé leur enthousiasme à la suite de cette expérience, qui a permis un partage unique avec des collègues de partout dans le monde, tant au niveau humain que sur celui des préoccupations et des analyses.

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Chronique 9 - Réflexion sur l'accommodement raisonnable: Un dédale de questions

 
Octobre 2007 - Rien de simple dans cette vaste entreprise de réflexion sur les « accommodements » instaurée par le gouvernement Charest en réponse aux interrogations de plus en plus grandes des citoyennes et citoyens concernant des décisions visant à satisfaire des demandes exprimées en matière de pratique religieuse.
 
Comme on peut le lire dans le document de consultation de la Commission Bouchard-Tremblay, celle-ci pouvait aborder son mandat de deux façons. Ainsi, il aurait été possible de s'en tenir à la dimension de « l'accommodement raisonnable », dimension juridique, ou de « l'ajustement concerté », recherche mutuelle et concertée d'un arrangement, en s'interrogeant sur le caractère raisonnable ou acceptable de ceux-ci. Elle a opté pour une seconde façon qui voit dans le débat suscité « le symptôme d'un problème plus fondamental concernant le modèle d'intégration socioculturelle qui a cours au Québec depuis les années 1970 ». Elle a donc pris le chemin le plus difficile, le plus complexe et le plus susceptible de soulever les nombreuses questions qui animent la vie en société : l'altérité, la place de la religion, la laïcité des institutions, l'immigration, la frontière des droits individuels et collectifs et, non la moindre, l'identité québécoise et ses valeurs. D'aucuns y voient un grand dérapage qui monte en épingle des cas marginaux, laisse croire à une crise là où il n'y en aurait pas et lance une controverse qui dépasse largement l'enjeu posé par les demandes exprimées ici et là. Les cas de discrimination pour motifs religieux portés devant la Commission des droits de la personne ne constitueraient que 2 % des plaintes, loin derrière les motifs de handicap (24 %) ou les motifs de race (15 %). Cela justifie-t-il une opération d'une telle envergure ? D'autres saluent l'initiative et considèrent qu'il faut faire le point en matière d'intégration culturelle sous peine de sombrer dans pire : il y a des problèmes de fond que notre société devrait avoir le courage d'aborder de front. La Commission a probablement eu raison de penser que le débat déborderait de toute façon. Mais elle invoque aussi le fait que la question de l'accommodement, au sens des droits et libertés, vise d'abord des individus qui ne peuvent les exercer s'il n'y a pas d'ajustement, cette perspective individuelle appelant une décision cas par cas. Le fait que les pratiques d'accommodement aient « débordé le cadre individuel pour revêtir une dimension collective », ce que la Commission qualifie de « glissement », l'incite à élargir la problématique. À savoir si on nous pose les bonnes questions dans ce contexte, difficile de répondre… Certes, les dérives sont faciles et ce genre de tribune ouvre un espace aux propos à saveur raciste ou qui relèvent tout simplement de l'ignorance. On entend, par ailleurs, beaucoup que l'immigration est nécessaire, les Québécoises ayant un des plus bas taux de fécondité. Que l'on soit pour l'inclusion, l'intégration ou l'assimilation, une laïcité ouverte ou fermée, l'essentiel est que l'on se garde d'« instrumentaliser » l'immigration, c'est-à-dire de n'y voir qu'un outil au service du Québec en mal de main d'œuvre. Accommodement ou pas, les nouveaux arrivants sont des citoyens et citoyennes qui vivent avec nous et non pour nous.

Le rôle des établissements publics d'enseignement

C'est une des préoccupations dans cette opération que d'éclairer les institutions publiques, qu'il s'agisse des hôpitaux, des établissements d'enseignement, des services gouvernementaux et autres, quant à leurs obligations à l'égard des demandes « d'accommodements » et aux comportements qu'elles devraient privilégier.

Le système public d'éducation est ainsi dans la ligne de mire et bien des accommodements ou ajustements réclamés, consentis, ou même virtuels, dans les établissements d'enseignement en irritent plus d'un : le port du voile, le kirpan, les lieux de prière, les demandes d'exemption pour fêtes religieuses, la mixité dans les piscines, l'exemption des cours d'éducation physique, et possiblement des cours de morale ou de philosophie. La liste est sans doute sans fin. Cela demeure toutefois des cas relativement isolés qui ne semblent pas avoir remis en cause le fonctionnement général des établissements à ce jour.

Des ajustements concertés existent déjà sans que cela ne semble causer préjudice aux institutions concernées. Mais quelle est la limite au-delà de laquelle le refus d'accommoder constitue une réponse raisonnable ? Certains diront qu'on se situe dans l'ordre du sacré, qui confère à des objets, ou à des gestes visibles, un caractère absolu, non négociable pour celles et ceux qui les réclament dans les lieux publics. On peut recouvrir le kirpan, mettre un bandana au lieu du voile, leur dimension symbolique demeure tout entière. Pour d'autres, le voile n'est qu'une marque de soumission ou le kirpan une invitation au port d'une arme blanche. L'appel à la raison oblige à sortir de l'univers symbolique, à relativiser, à transiger, à déterminer ce qui est acceptable de part et d'autre du point de vue de l'institution et de la société. Est-ce possible et comment ? La pratique religieuse peut-elle à la fois appartenir à la sphère du privé et exiger d'être visible dans les espaces publics ? À cela, il n'y a pas de réponse simple. S'ajoute en ce qui concerne l'école tout le questionnement sur la mission de l'institution : socialiser, instruire, former de futurs citoyennes et citoyens. L'accommodement entrave-t-il ce rôle ? Est-ce qu'il le pervertit ? Détourne-t-il des ressources de leur fin, par exemple dans le cas des locaux pour la prière ? Cela touche autant les professeurs que les élèves. Par exemple, on a par le passé beaucoup insisté sur la nécessité d'avoir plus d'hommes au primaire et plus de femmes dans les universités, ou encore dans différentes disciplines, en invoquant le fait qu'elles et ils constituent des modèles qui influent sur les choix de vie, de valeur des jeunes. Permettre le port de signes religieux chez les enseignantes et enseignants est-il compatible avec ce rôle qu'ils ont auprès des jeunes dans une institution laïque ? Doit-on mettre toutes les manifestations religieuses dans la même barque ? Et que faire des manifestations qui ne sont pas religieuses, mais ostentatoires, publicité, marques de commerce, parti pris politique ? Le terrain est glissant et la question devrait peut-être relever beaucoup plus d'une éthique générale de la profession qui trace les bases incontournables de ses exigences à l'égard des jeunes. Là encore, c'est un appel à la raison, mais aussi à des principes qui ont marqué des décennies de lutte. On pense par exemple à l'égalité des sexes. 
Par ailleurs, Yolande Geadah 1 soulève des questions qui nous portent à réfléchir. Un jeune qui marque sa différence religieuse et se distancie ainsi des autres arrivera-t-il à s'intégrer ? Mais on peut aussi se demander si le refus collectif et convenu de cette marque n'hypothéquerait pas au départ toute possibilité d'intégration. A-t-on par exemple plus de chance de favoriser l'intégration culturelle si on permet des manifestations religieuses à l'école que si on les interdit ?
 
Un projet de mémoire de la CSN a été soumis au conseil confédéral des 19-21 septembre lequel sera discuté au bureau fédéral de la FNEEQ au début d'octobre. Ce mémoire pose notamment la question de l'immigration, de son contrôle et de la façon de mieux intégrer les travailleuses et travailleurs immigrés. Il suggère aussi que soit instituée une Charte de la laïcité au Québec. Cela situe le débat sur la place de la religion dans les institutions publiques et a fortiori dans les lieux d'enseignement. S'ouvre ainsi dans nos rangs un chantier de réflexion qui nous interpelle directement en tant qu'enseignantes et enseignants. Il trouvera vraisemblablement écho dans toutes les instances, notamment au conseil fédéral de la FNEEQ en décembre 2007. 

 
1 On trouvera, entre autres, dans le rapport Stasi et dans le livre de Yolande Geadah, devenu un « best-seller » en cette période de réflexion, une description des divers modèles, notamment français, états-unien, turc, anglais, qui tentent de répondre à leur manière, et dans des contextes sociologiques et religieux fort différents, à la réalité du côtoiement et de l'intégration des cultures. Le rapport Stasi peut être lu sur le site de La documentation française. Quant au petit livre de Yolande Geadah, Accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits, VLB éd., Montréal, 2007, il constitue une base de réflexion très intéressante pour s'approprier le sujet des accommodements dans une perspective de laïcité ouverte. Cela ne lève toutefois pas entièrement le « voile » sur l'enjeu, comme le montre la chronique de Michèle Ouimet dans La Presse du 16 septembre 2007.
2. Lire aussi au sujet de l'accomodement raisonnable en milieu de travail le Bulletin d'informations juridiques de la CSN.

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Chronique 10 - La réforme de l'enseignement au secondaire: Un débat qui se poursuit

Novembre 2007 - La réforme à l'enseignement au secondaire, qui entre dans sa troisième année, soulève depuis son implantation d'importantes controverses. La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, semble elle-même l'aborder avec réserves et se dit particulièrement préoccupée par ses effets sur l'apprentissage du français. Déjà, la volonté de l'Assemblée nationale d'imposer des bulletins chiffrés remet en cause le fondement même de la réforme, l'approche par compétence — des compétences qui ne s'évaluent pas toujours facilement par des chiffres.

Basée sur les théories socioconstructivistes, selon lesquelles l'individu construit son savoir par l'expérience, cette réforme donne une place centrale au savoir-faire. Les élèves doivent désormais développer des « compétences », ce qui transforme l'approche pédagogique, en favorisant entre autres le développement de « projets » qui permettent d'appliquer les compétences. Selon ses défenseurs, cette approche correspond à un besoin de moderniser et d'adapter l'enseignement à la culture contemporaine. Elle devrait en principe solliciter davantage les enseignants dans le développement des approches pédagogiques. Elle permettrait aussi à l'élève d'apprendre dans un contexte moins rigide, plus favorable à son épanouissement.

Les opposants à la réforme dénoncent tant ses présupposés théoriques que ses résultats peu probants. L'une des principales objections à la réforme concerne la place accordée à l'acquisition des connaissances. L'accent mis sur le savoir-faire néglige cette fonction fondamentale de l'école qui consiste à transmettre des connaissances, sans lesquelles on ne peut établir de solides apprentissages.

La réforme et ses fondements constructivistes entraîneraient aussi les apprentissages sur la voie du relativisme. Comme l'avance Normand Baillargeon, selon l'optique de la réforme, « connaître, c'est construire des relations entre lesquelles il ne saurait y avoir de hiérarchies, ce qui mène directement à la confusion entre savoir et opinion ». Les sciences et les savoirs se développent pourtant sur des concepts de base essentiels, des dénominateurs reconnus, dont la relativisation pourrait mener à de dangereux reculs.

De la grogne sur le terrain

La réforme de l'éducation au secondaire soulève aussi de nombreuses réserves sur le terrain. Les enseignants et les enseignantes membres de syndicats d'écoles secondaires privées à la FNEEQ se sont exprimés à maintes reprises sur le sujet; leurs commentaires rejoignent très souvent ceux que l'on entend chez beaucoup de leurs collègues du réseau public.

Plusieurs enseignantes et enseignants s'inquiètent de l'écart entre les intentions de la réforme et ses résultats. Ainsi, l'approche par projet avait pour objectif de rendre l'école plus conviviale pour les élèves faibles, de les aider à intégrer plus efficacement les matières enseignées. Il s'avère cependant que ceux-ci se trouvent plutôt privés d'un cadre rigoureux pour leurs apprentissages ; ils arrivent difficilement à bien réussir, alors que les élèves forts, plus généralement autonomes, obtiennent d'excellents résultats. L'écart entre les forts et les faibles se trouve donc accentué.

L'approche par compétence et les compétences transversales entendent amener les élèves à faire des liens entre leurs différents apprentissages. Or, cette pédagogie ne permet pas d'approfondir les apprentissages autant que le désireraient certains enseignantes ou enseignants, ce que craignaient effectivement les détracteurs. Les lacunes sont particulièrement flagrantes dans les matières de base, comme le soulignait la ministre Courchesne à propos de l'enseignement du français. Le manque de notions de base dans de nombreuses matières fait craindre à plusieurs la nécessité de multiplier les cours de mise à niveau, pour compenser un apprentissage qui n'a pas été fait. Ce qui aura comme conséquence d'alourdir le parcours des élèves en difficulté et de compliquer singulièrement le passage du secondaire au collégial !

Bon nombre d'enseignantes et d'enseignants ont souligné le contexte d'improvisation dans lequel la réforme a été lancée. Peu de formations valables leur ont été données. De plus, les outils pédagogiques manquent. Sans manuels appropriés, sans mode d'emploi, sans consignes ministérielles précises, sans support logistique, les enseignantes et les enseignants, déjà sceptiques pour plusieurs, restent dépourvus et mal armés pour entreprendre le virage qu'on leur impose.

Les difficultés de la réforme ont surtout été révélées au grand jour par la question des bulletins. L'aspect sibyllin des critères d'évaluation a déconcerté plusieurs parents. Que veut donc dire « réinvestir sa compréhension de texte lu et/ou entendu » en anglais ? « interpréter le changement dans une société et sur son territoire » en géographie et éducation à la citoyenneté ? Et surtout comment comprendre l'évaluation d'une « compétence transversale » comme « coopérer » ou « structurer son identité » ? Ce bulletin a soulevé un tel tollé qu'il est devenu un enjeu lors des dernières élections provinciales. La décision de la ministre d'en revenir aux bulletins chiffrés ne règle pas tous les problèmes. La réintroduction des chiffres ne convient pas toujours à l'évaluation des compétences, surtout si celles-ci restent mal définies. Comment en effet donner avec certitude une note sur 100 au critère « exploiter l'information » des compétences transversales, par exemple.

Mais que faire de cette réforme 

Si la réforme soulève de sérieuses réserves chez un nombre important de parents et d'enseignantes et d'enseignants, il est par contre moins évident d'envisager une solution consensuelle qui fera l'unanimité aux problèmes qu'elle provoque. Certains voudraient stopper cette réforme, l'éliminer tout simplement. Un mouvement appelé « Stoppons la réforme » s'est constitué dans ce but et rassemble une dizaine de syndicats d'enseignantes et d'enseignants. D'autres voudraient la transformer, s'attaquer à ses points faibles sans tout remettre en question, de manière à la rendre efficace. D'autres enfin, nettement plus favorables à ce « renouveau pédagogique », jugent qu'il est encore trop tôt pour évaluer avec certitude ses résultats.

Suite à un rapport du comité école et société intitulé « Réforme au secondaire, l'urgence d'un bilan d'étape », le conseil fédéral de la FNEEQ en mai/juin 2007 s'est prononcé sur la question. Des membres souhaitaient que la FNEEQ prenne position en faveur d'un retrait de la réforme. Mais une majorité trouvait ce choix difficile et trop radical. Les enseignantes et les enseignants d'écoles secondaires privées ont manifesté leur inquiétude devant un arrêt trop brutal. Que faire alors des élèves du secondaire qui ont déjà entrepris une ou deux années dans le nouveau système ? Par quoi remplacer la réforme, alors qu'il ne semble pas y avoir de consensus sur l'approche pédagogique à offrir en échange.

Le conseil a donc adopté une résolution mandatant la FNEEQ d'établir des liens avec le plus grand nombre d'organisations syndicales directement concernées par le problème, puis de poser un diagnostic sur les difficultés du système d'éducation et de prendre les moyens pour faire entendre le point de vue des professeurs.

Les positions récentes de la ministre Michelle Courchesne permettent d'envisager que des correctifs seront imposés à la réforme et que des irritants seront éliminés. Reste à savoir si elle sollicitera au passage l'avis des principaux intéressés et si les modifications envisagées suffiront à assurer aux élèves du secondaire la formation équitable et de qualité dont ils ont grandement besoin.

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Chronique 11 - Sélection scolaire: La sélection et l'orientation précoce: des facteurs d'inégalité sociale ?

Des chiffres qui font réfléchir...

À la vision d'une école démocratique, ouverte à tout le monde, qui offre des chances et des moyens égaux dans un environnement éducatif favorable, on sent de plus en plus se substituer un discours du libre choix de l'école, d'une diversification hâtive des parcours scolaires et d'une multiplication des programmes à la carte, avec la sélection qui s'ensuit. Il s'agit d'une vision plus clientéliste, plus utilitariste de l'école basée sur la suprématie du client et de ses choix individuels. Cela se traduit par une tendance à introduire dans le système d'éducation un « quasi-marché » qui se caractérise par une concurrence accrue entre les établissements et une gestion basée sur des indices d'excellence, qui font fi des inégalités sociales et des contraintes économiques qui constituent pourtant des problématiques de fond.

Le comité école et société de la FNEEQ a organisé, au printemps 2006, une large réflexion autour du thème « Une école pour tout le monde ». Fruit de ces débats, des recommandations importantes ont été adoptées au conseil fédéral de janvier 2007, notamment celle de chercher à éliminer progressivement la sélection à l'entrée pendant la scolarité obligatoire, tant au public qu'au privé, et de demander au gouvernement de modifier le régime pédagogique pour que la diversification des voies ne puisse commencer avant la fin de la troisième secondaire. C'est une réflexion sur le caractère tendancieux de ces pratiques qui a amené la FNEEQ à s'inquiéter de l'avenir d'un système d'éducation dont on veut qu'il soit de plus en plus ouvert et démocratique. Il s'agit là d'une quête perpétuelle et la vigilance s'impose dans un monde où plusieurs voudraient placer les choix individuels au-dessus du bien-être collectif. Il y a maintenant des chiffres plutôt troublants qui viennent alimenter ce travail de réflexion que nous avons entrepris. S'il faut toujours être prudents avec les statistiques et les liens de causalité qu'on cherche à en extraire, une étude de Nico Hirtt parue en septembre 2007 [1]  portant sur les systèmes éducatifs européens, et par conséquent de grands ensembles, semble confirmer l'effet de ségrégation et d'inégalité sociale de certains choix en matière d'éducation. « L'étude met en évidence une très forte corrélation positive entre le degré de reproduction sociale des systèmes d'enseignement et leur organisation sur base d'un « quasi-marché ». Elle montre également combien la combinaison du libre choix et de procédures de sélection/orientation précoces nuit à l'équité ». [2] L'étude se base sur des chiffres produits par le programme PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves)  et retient les résultats en mathématiques des élèves [3] – en fin de parcours scolaire obligatoire – pour une quinzaine de pays ouest-européens. L'auteur construit, sur la base des données de l'enquête, un « indice de détermination sociale des performances scolaires ». En gros, cela indique, pour un pays donné, dans quelle mesure la performance scolaire est liée à l'origine sociale, et partant, dans quelle mesure le système d'éducation est équitable. Ainsi, dans un pays donné, si le fait de venir d'un milieu défavorisé se conjugue avec une forte probabilité d'avoir de mauvais résultats scolaires, alors on peut questionner l'équité du système. Les résultats varient entre les pays retenus. Par exemple, la relation est la plus faible en Finlande et la plus forte en Allemagne et en Belgique. L'auteur note que les explications à ces différences entre pays peuvent être de plusieurs ordres et s'attache à examiner plus particulièrement deux facteurs : « le degré de liberté dans le choix d'un établissement scolaire et l'âge du premier « palier » qui divise les élèves en filières d'enseignement séparées ». Nous n'entrerons pas dans le détail des variables [4] dont l’auteur s'est servi pour construire un « indice de liberté de choix ». Mais on constate un lien très fort entre cet indice et l'« indice de détermination sociale ». C'est-à-dire que plus la liberté du choix de l'établissement est grande, plus le degré d'inégalité sociale est élevé. Prenant ensuite, pour chaque pays étudié, l'âge où s'effectue la première orientation vers des filières séparées, l'auteur trouve encore un lien significatif : plus cette différenciation se fait à un âge précoce, plus le degré d'inégalité sociale est élevé. En conjuguant la liberté de choix et l'âge de la première sélection dans un « indice d'école commune », l'auteur constate que cela « permet d'expliquer 66 % des différences entre pays européens quant à la détermination sociale des performances scolaires ». À partir de son analyse, il distingue trois groupes de pays : un groupe ayant des systèmes éducatifs fortement ségrégués qui se caractérisent par une grande liberté de choix et une sélection précoce; un autre groupe intermédiaire; et enfin une groupe dit d'« école commune » où il y a peu de liberté de choix et une orientation tardive dans le parcours scolaire. Et l’auteur de conclure : « Nous avons en effet clairement établi que, dans le contexte des pays industrialisés avancés d’Europe occidentale, une augmentation de la liberté de choix en matière d’enseignement primaire et secondaire se traduit en moyenne par une augmentation importante de la détermination sociale des prestations scolaires, donc de l’inégalité. De même, une sélection plus précoce des élèves en filières hiérarchisées conduit également à une croissance des inégalités dans l’enseignement ». Cette étude ajoute aux appréhensions formulées dans le document FNEEQ Une école pour tout le monde [5], dans lequel on retrouve d'importantes préoccupations concernant les effets pervers de la sélection et des dangers d'une orientation trop précoce et du libre choix de l'école. « On assiste ainsi à une réorganisation économique des populations scolaires, ce qui concourt à la hiérarchisation des écoles sur la base du potentiel des élèves et des origines socioéconomiques. Les enfants des familles aisées se retrouvent dans certaines écoles, tandis que celles et ceux qui ont de la difficulté, ou provenant de familles moins favorisées, restent dans les autres. » [6] Voir le système d'éducation comme un « quasi-marché » qui offre des services sur une base concurrentielle à des individus qui font des choix d'établissement en fonction de leurs moyens et ambitions personnelles est par conséquent incompatible avec une vision de l'école pour tout le monde qui confère à l'État l'obligation de s'assurer d'un accès égal aux mêmes conditions d'apprentissage dans un environnement qui promeut le développement de la personne et du citoyen pour un mieux-vivre collectif.
 
  1. « Impact de la liberté de choix sur l'équité des systèmes éducatifs ouest-européens», Nico Hirtt, Appel pour une école démocratique (Bruxelles), septembre 2007.
    http://www.ecoledemocratique.org/article.php3?id_article=414
    Sur ce site, on trouvera un article de vulgarisation de l'étude « Carte scolaire, collège unique... Les chiffres qui condamnent la politique éducative sarkoziste » de l'auteur de l'étude et les résultats de sa recherche.
  2. « Impact de la liberté de choix sur l'équité des systèmes éducatifs ouest-eupéens, Nico Hirtt, Appel pour une école démocratique (Bruxelles), septembre 2007, p.1.
  3. Il s'agit d'un ensemble d'enquêtes triennales produites par l'OCDE pour comparer les performances des systèmes éducatifs des pays membres en matière de lecture, de mathématiques et identifier les facteurs de succès. L'étude porte sur la vaste enquête internationale de 2003.
  4. En gros, il s'agit du nombre d'écoles à proximité, des modes de régulation de recrutement dans l'enseignement public et du nombre d'établissements d'enseignement privés.
  5. On trouvera le document sur le site de la FNEEQ.
  6. p.32.

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Chronique 12 - Marchandisation de l'enseignement universitaire: Vers des universités cotés en bourse ? *

Février 2008 - On connaît déjà, au Québec, ce palmarès douteux des écoles secondaires, qui vient chaque printemps hanter les directions d'écoles et faire saliver les tenants de la sélection scolaire, en imposant cette démonstration implacable de logique : quand on choisit les meilleurs, on obtient les meilleurs résultats. La Palice serait fier de l'Actualité !

Grâce à on ne sait qui et aux constantes représentations syndicales, les cégeps ont - jusqu'ici - évité cet exercice malsain [1]. Il y a certes la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial (CEEC). Celle-ci s'en tient toutefois à attribuer des résultats typés (« satisfaisant » ou « à améliorer ») à nos établissements collégiaux à partir d’éléments ciblés soumis à son œil scrutateur : les politiques d’évaluation des programmes, les politiques d'évaluation des apprentissages, etc.

Mais il se développe présentement, dans le circuit international de l'enseignement supérieur, une volonté d'évaluer les établissements, en appliquant aux universités le modèle de PISA, une étude menée à intervalles réguliers par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour mesurer les acquis scolaires des élèves de 15 ans. Cette étude mène forcément à des comparaisons - dont on se targue jusqu'ici, au Canada.

Ainsi, à la suite de la réunion des ministres de l'éducation à Athènes en 2006, l'OCDE a lancé une étude sur la possibilité de développer un outil capable d'évaluer l'efficacité de l'enseignement dispensé dans les institutions d'enseignement supérieur. Motif : un tel instrument « pourrait fournir un outil puissant aux gouvernements des États membres pour évaluer l'efficacité et la compétitivité internationale de leurs institutions, systèmes et politiques de l'enseignement supérieur d'après les performances des autres pays, d'une manière qui reflète mieux les multiples objectifs de l'enseignement supérieur et ses apports à la société. » Le comité d'experts formé pour étudier la faisabilité du projet compte, il va sans dire, de nombreux partisans des tests normalisés.

Où vont les universités ?

Les problèmes posés par une telle entreprise sont nombreux, nous y reviendrons plus loin. Mais au-delà des enjeux concernant la crédibilité et la faisabilité d'une telle opération, une question centrale doit être soulevée. Si on peut convenir que, dans les grandes lignes, la triple mission des universités (enseignement, recherche et services à la communauté) est relativement la même à travers le monde, est-il pour autant juste et légitime d'élaborer des normes qui entendraient rendre compte de la réalisation de cette mission compte tenu des conditions très différentes des sociétés dans lesquelles elle se concrétise, et de l'autonomie nécessaire dont doivent jouir les universités quant à sa réalisation ?

L'Allemagne et la France ont récemment décentralisé leurs politiques d'encadrement des universités, afin d'inciter ces dernières à la compétition. Certes, les universités font déjà l'objet de certaines comparaisons, notamment dans le domaine des performances en recherche. En matière de qualité de formation, les universités ont, bien sûr, une réputation, mais nous sommes loin d'un classement réputé reposer sur des critères objectifs !

Le débat est vaste et il rejoint, en quelque sorte, celui qui a cours au Québec sur la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur. Débat qui, soit dit en passant, est lancé de bien mauvaise manière, par l'instrumentalisation de la crise de l'UQAM dans le but d'associer la présence d'administrateurs en provenance de l'extérieur (le plus souvent du milieu des affaires) à une gestion prétendument plus neutre : on voudrait faire rimer « administrateurs de l'extérieur » avec « objectivité ». Il est difficile de ne pas faire le lien avec le processus de mondialisation et tout ce qu'il génère à la fois et - paradoxalement - en concurrence exacerbée et en uniformisation des pratiques, dans le domaine du savoir et de sa commercialisation.

Déjà, le domaine de la recherche universitaire est dominé par l'influence omniprésente d'intérêts privés. À l'heure où le monde du travail est avide de bachelières, de bacheliers, de docteures et de docteurs, les impératifs de transparence et d'imputabilité qui découlent du financement public des universités pourraient bien servir de prétexte à une entreprise de « domestication » de l'enseignement supérieur. Les débats entourant les droits de scolarité ne se réfèrent-ils pas systématiquement au paradigme du capital humain ?

Une orientation à combattre

Quelles universités seront, à l'aune d'un système d'évaluation généralisé, celles qui seront dites performantes ? Derrière la volonté affichée d'une saine reddition de compte se cache - mal - la volonté d'édicter les orientations à suivre pour que l'investissement public rapporte bien. Ne s'agit-il pas, dans les faits, de faire pression sur les gouvernements des pays dont les établissements afficheraient de « mauvaises performances », selon les normes imposées, pour les amener à une conception de l'université qui correspond davantage aux besoins du marché ?

Dans ses interventions auprès de l'OCDE, l'Internationale de l'éducation (IE) a relevé toute une série d'obstacles méthodologiques à la prétention de mesurer par des tests standardisés la qualité des enseignements dispensés par les universités. Mais par delà ces critiques, elle a surtout tenté de souligner la dimension politiquement contestable de l'entreprise.

Comment, d'abord, penser réalisable une grille d'évaluation unique capable de fournir des mesures pertinentes et comparables à travers toutes les cultures, langues, disciplines et institutions et niveau de financement des universités des pays de l'OCDE ? Plus encore, même si ces obstacles méthodologiques pouvaient être surmontés, il resterait toujours la question de savoir si un test normalisé constitue un moyen approprié d'évaluer l'apprentissage. De nombreuses recherches indiquent que toute mesure normalisée de l'apprentissage comporte de sérieuses limites et qu'elles aboutissent presque invariablement à des mesures trop simplistes. Or, à cette enseigne, ce qui est vrai dans le monde de l'éducation de base le serait encore plus à l'enseignement supérieur.

Les conséquences politiques de cette démarche nous semblent claires. Les évaluations externes normalisées soulèvent d'importantes questions concernant l'autonomie professionnelle du personnel académique, alors même que la qualité des institutions de l'enseignement supérieur est traditionnellement évaluée selon des contrôles rigoureux et réguliers par les pairs. Une telle approche contribuerait à éloigner les établissements universitaires d'une gouvernance collégiale qui, déjà, est remise en question par de soi-disant principes d'objectivité. Quant aux résultats de tests standardisés, forcément simplistes, ils reflèteraient moins la « qualité » de l'enseignement dispensé que des différences dans les normes d'admission ou les statuts socio-économiques des étudiantes et des étudiants. De tels résultats peuvent facilement être fort mal interprétés et servir ensuite de prétexte à des décisions politiques d'un tout autre ordre.

De la même manière qu'on a pu encourager des enseignantes et des enseignants à adapter leur enseignement afin de répondre de manière adéquate aux tests, on craint le jour où des universités seront enjointes de modifier la conception qu'elles ont bâtie de leur mission pour mieux s'ajuster aux valeurs qui sous-tendraient des évaluations normatives venues d'ailleurs.

Un classement mondial des universités serait forcément réducteur et pousserait les établissements vers une concurrence forcenée pour améliorer leur classement. À quand les universités cotées en bourse ? [2]

Il faut espérer que les pressions de l'IE, qui peut parler au nom de près de 30 millions d'enseignantes et d'enseignants à travers le monde, empêcheront que ce projet ne soit lancé en coulisse, sans débat public. Il ne faudrait pas que la communauté universitaire soit placée un jour devant le fait accompli que de nombreux établissements participent à un processus d'évaluation peu sérieux et dont les conséquences pourraient être graves. Pour éviter ce genre de cirque, il faut compter sur la sensibilisation continuelle du milieu de l'éducation à des enjeux qui, eux aussi, se mondialisent.

____  

* Ce texte reprend de larges pans d'un projet de communication de l'Internationale de l'éducation, présenté dans le cadre de la VIe conférence de l'enseignement supérieur et de la recherche, tenue à Malaga en novembre 2007.

  1. Il y a quelques années, Actualité a commencé son palmarès avec les cégeps; son attention s'est depuis détournée vers le secondaire.
  2. Il en existe déjà, notamment la « chaîne » d'universités privées Laureate, qui a son indice NASDAQ !

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Chronique 13 - Vers un rassemblement du monde de l’éducation

Une grande première pourrait prendre forme dans le monde québécois de l'éducation. Les  organisations syndicales, ayant des membres qui y oeuvrent, se sont en effet rencontrées pour définir les conditions nécessaires à l'élaboration,  puis à la défense d'un projet pour l'avenir du système d'éducation au Québec, avec l'intention d'interpeller le gouvernement sur cette base. Objectif : permettre aux intervenantes et aux intervenants de première ligne de s'exprimer sur les actions prioritaires à mener, pour que l'éducation redevienne une priorité sociale. Et les syndicats de la FNEEQ sont, bien sûr, sollicités afin de mener cette vaste réflexion sur l'avenir de l'éducation québécoise.

Le projet, ambitieux et nécessaire, est né de quelques constats partagés qui traversent les réflexions menées sur l'école. On a abondamment usé, ces dernières années, de l'expression « société du savoir », parfois à des fins douteuses. Il faut toutefois constater qu'on ne peut échapper à cette mutation. Cette « société du savoir », qui se met lentement mais inexorablement en place, pose un défi de taille à tous les systèmes éducatifs. Elle n'est pas seulement synonyme de transformations importantes du marché du travail; elle entraîne aussi de profonds changements sociaux qui posent dans un tout autre contexte la question de la mission de l'école et la place de cette institution dans la société.

La gamme des emplois disponibles pour les jeunes qui quittent tôt le système scolaire s'est considérablement rétrécie en cinquante ans et   cette tendance ne peut que s'accentuer. Nous sommes à l'ère des emplois technologiques, une large proportion de ceux qui sont créés demandant une formation poussée. Parallèlement, la concentration des médias et la croissance exponentielle des modes d'information rendent de plus en plus complexe l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière. Peut-on, dans un tel contexte, accepter les taux de décrochage et d'échecs que l'on observe depuis une dizaine d'années ? Notre société peut-elle se permettre qu'autant de jeunes échappent au système scolaire ? 

De telles questions sont centrales et d'autant plus pressantes qu'elles se posent sur une toile de fond particulière. L'éducation comme service public est bradée dans de nombreux pays, sous les pressions d'une logique marchande qui se manifeste de plusieurs façons. Ici, au Québec, nous observons des inégalités toujours plus grandes entre les élèves en matière de performance scolaire. Cette tendance relève, pour une bonne part, de politiques éducatives gouvernementales qui encouragent la concurrence entre les établissements scolaires. Par exemple, le financement public des écoles privées stimule la mise en place de projets pédagogiques sélectifs dans les écoles publiques (ce qui a comme effet une forme de stratification des effectifs) et  favorise l'intégration massive, en classe ordinaire, des élèves handicapés, en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et ce, sans véritable soutien.

Cette concurrence entre les établissements est encouragée par les palmarès qui, malgré des controverses parfois vigoureuses, continuent de faire périodiquement les manchettes. Pendant ce temps, l'enseignement post-secondaire supérieur souffre d'un sous financement chronique, ouvrant une brèche dans la gratuité scolaire. Les cégeps sont considérés, par certains, comme  un obstacle à la standardisation des échanges - éventuellement commerciaux - avec le système éducatif  nord-américain.

Un projet audacieux

Est-il possible, dans ce contexte, de rassembler les forces vives de l'éducation derrière un « programme » pour l'éducation québécoise qui puisse rallier et répondre à des impératifs de pertinence, de faisabilité et d'un certain progressisme ? C'est le pari que les organisations syndicales ont résolu de faire, en déclenchant la démarche de réflexion nécessaire dans leurs syndicats ou dans leurs instances. Elles le feront en acceptant de situer celle-ci dans un processus de recherche de consensus et en mettant en place les moyens pour y parvenir, dans le cadre d'une démarche en trois temps.

La première phase est celle d'une réflexion menée dans les rangs de chaque organisation. Pour la FNEEQ, cette étape se traduira par un appel aux syndicats, dans chaque regroupement, pour qu'ils réagissent  à un projet de contribution préparé par le comité école et société et examiné par le Bureau fédéral. Ce texte déclencheur sera inspiré par le « patrimoine » de nos positions, mais cherchera aussi à présenter les grands enjeux actuels (réussite scolaire, écoles à projets, écoles privées, réforme, gouvernance des établissements…) en énonçant des propositions concrètes susceptibles de répondre au double objectif de rallier, mais aussi de suggérer de véritables avancées pour notre système d'éducation. Les réactions à ces propositions seront ensuite colligées par le comité école et société pour constituer la contribution de la FNEEQ à la réflexion de la CSN, partie prenante au projet. Par la suite, une journée d'échanges et de mise en commun des travaux de chaque organisation est envisagée pour le mois de juin.

Cet exercice peut-il conduire à autre chose qu'à la présentation d'un chapelet des positions de chaque organisation, ce qui risquerait davantage de diviser que de rallier ? Une grande partie du pari est là et c'est pourquoi tous sont conviés à avancer des propositions rassembleuses, centrées sur l'essentiel, plutôt que de chercher à imposer les détails de ses propres analyses. Sur la réforme, par exemple, qu'est-ce qui doit primer? Doit-on, si la perspective d'un message commun s'impose, mettre l'accent sur la division entre les « pro-moratoires » et les « pro-réformons-la-réforme » ? Y aurait-il moyen de cerner un objectif de changement qui puisse rallier, convaincre le grand public par la convergence de certains points de vue pour exercer ainsi, auprès du gouvernement, une pression importante ?  Nous soumettons cette manière d'aborder les nombreux enjeux qui façonnent l'évolution de l'éducation.

Contrairement aux états généraux sur l'éducation tenus en 1995, la réflexion sur l'avenir de notre système d'éducation ne se fera pas, dans nos rangs, à l'enseigne d'un coût  zéro. Aucune des organisations impliquées ne pense qu'il est possible de relever les nouveaux défis sans insuffler suffisamment d'oxygène au budget de l'éducation, ce qui a deux conséquences. D'abord, celle de placer le cadre de la réflexion : il ne s'agit pas de se demander comment faire plus avec moins, mais de déterminer ce qu'on devrait faire en priorité si on disposait – au primaire, au secondaire, dans les cégeps et les universités – d'un financement mieux adapté aux besoins futurs. Ensuite, ce parti pris comporte l'obligation d'indiquer les avenues suggérées pour que le financement de l'éducation soit considérablement augmenté.

Un rassemblement en janvier 2009

Une fois mises en commun toutes les contributions de chaque organisation, une phase de synthèse, dont les paramètres restent à définir, permettra d'élaborer et d'écrire un « programme » pour l'avenir de l'éducation québécoise.

À l'automne, des travaux de conciliation seront sans doute nécessaires, au plan politique; l'objectif étant que chaque organisation puisse faire valoir les ajustements qu'elle estime nécessaires pour être en mesure de souscrire aux éléments retenus, lors d'un grand rassemblement intersyndical.

Si le projet chemine à travers ces étapes, il s'agira d’une grande manifestation « à l'intérieur », au cours de laquelle sera lancé officiellement ce programme pour l'éducation québécoise, qui aura sans doute une allure de manifeste, et dont on peut espérer qu'il pourra ouvrir un débat social d'une certaine envergure. Dans la mesure où l'ensemble des organisations pourront s'en réclamer, il s'agira d'une véritable première dans le monde québécois de l'éducation.

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Chronique 14 - La rémunération au mérite

Avril 2008 - Personne ne nierait que les enseignantes et les enseignants ont un rôle majeur à jouer dans les apprentissages que font les jeunes à l'école. Mais les conclusions politiques à tirer d'un tel constat peuvent varier grandement suivant le discours qui leur sert de fond ! Dans un contexte où l'État attend toujours plus, tout en investissant moins, où on s'évertue à fixer des cibles de réussite et de diplomation pour se mesurer localement et internationalement, où le recrutement et la rétention sont devenus des défis dans une profession qui demande d'être revalorisée, voilà que, dans certains pays, on semble céder au mirage de la rémunération au rendement.

Le discours du nouveau management public

Fort de l'idée que le modèle concurrentiel de l'entreprise privée devrait s'appliquer à toutes les formes d'organisations et que l'efficacité de toute activité humaine, y compris la relation pédagogique, peut être mesurée à l'aulne d'une « valeur ajoutée », le discours de la « réingénierie » des services publics fait son chemin. Il y a certes différents modèles, des variantes de ce discours, une sensibilité plus ou moins grande à la complexité des relations humaines - du « capital humain » -, mais les mots-clés restent les mêmes : performance axée sur les résultats, productivité maximale des sommes investies, évaluation du rendement et contrôle de la qualité.

Dans l'école conçue comme une entreprise, l'être humain est un facteur de production parmi d'autres. Si, jusqu'ici, l'attention s'est surtout portée sur les résultats des élèves pour mesurer l'efficacité d'un système d'éducation, le regard se tourne maintenant de plus en plus vers le professeur. L'OCDE rendait public, en 2005, un rapport intitulé Le rôle crucial des enseignants : attirer, former et retenir des enseignants de qualité qui fait état des préoccupations de différents pays à cet égard. On y trouve différentes avenues pour dynamiser la profession enseignante, dont les statuts différenciés et des moyens de récompenser les professeurs les plus efficaces. L'Institut économique de Montréal – qui, malgré son nom pompeux, ne reflète que les préoccupations de quelques intérêts privés - suggérait, en janvier 2008, de « mettre en place un système de rémunération pour les employés de l'État selon lequel les augmentations annuelles se feraient à 50 % en fonction de la hausse du coût de la vie et à 50 % selon le rendement et le mérite ».

Une approche réductrice et calculatrice

Dans cette foulée, certains pays ont implanté ou sont à implanter une forme de rémunération au mérite à l'enseignement primaire et secondaire - parmi ceux-ci les États-unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande. Le débat fait rage actuellement à plusieurs endroits chez nos voisins du sud. Plusieurs états et districts ont adopté une telle perspective, ou l'ont mise à l'étude, non sans une opposition parfois féroce des enseignantes et des enseignants. Selon les ténors de ce mode de rémunération - dont le but est en fait de garder les meilleurs et de décourager les autres - le système ne fonctionne que si peu de candidats reçoivent un supplément de salaire, ou une prime, et si ce supplément est significatif. Le plus souvent, la mesure du rendement se fait sur la base des résultats des élèves aux tests standardisés. Certains enseignants peuvent ainsi hausser leur salaire de jusqu'à 10 000 $ par année. À titre d'exemple, à l'école élémentaire Meadowcliff dans l'Arkansas, pour chacun de ses étudiants dont le taux de réussite a augmenté de 4 % pendant l'année - basé sur les résultats au Stanford test - le professeur reçoit 100 $, de 5 à 9 %, 200 $, de 10 à 14 %, 300 $, et plus de 15 %, 400 $. Les sommes proviennent d'une fondation privée [1]. Dans d'autres cas, elles peuvent aussi provenir d'une hausse locale de taxes ou du budget fédéral.

Que les salaires des professeurs soient insuffisants, on en conviendra. Mais, rattacher une hausse ou un supplément de salaire à une mesure de la performance individuelle des enseignantes et des enseignants, en axant le jugement sur les résultats des élèves, c'est déjà fort discutable sur le plan éthique, mais c'est aussi faire abstraction de tous les facteurs qui contribuent à la réussite, du milieu dans lequel se font les apprentissages, aux influences croisées, à l'esprit d'entraide, et nous en passons. Loin de constituer une approche de revalorisation de la profession, cette mentalité de la rémunération réduit la motivation des professeurs au gain monétaire potentiel. Il y a, derrière une telle perspective, l'impression que peu importent les conditions générales de travail, c'est la cupidité individuelle qui peut le mieux assurer un bon enseignement. Sans compter évidemment la bureaucratie qu'exige une telle approche afin de tenir compte du « rendement » de chaque individu : il faut tout ficher. D'autres systèmes sont aussi à l'essai, mais il semble que ce soit le plus largement retenu à cause de sa soi-disant objectivité.

Une approche décriée

Cette approche qui promeut la compétition entre les professeurs est en quelque sorte le corollaire de l'émulation interinstitutionnelle et s'inscrit dans l'illusion que la concurrence retient les meilleurs et décourage les médiocres. Nonobstant la qualité des critères utilisés et les valeurs qui sous-tendent un tel système, a-t-il un avenir ?

D'une part, il contribue à accroître grandement les écarts salariaux [2], d’autre part il va à l'encontre des efforts concertés pour venir en aide aux élèves en difficulté. L'Internationale de l'éducation, lors de son 5e Congrès mondial en juillet 2007, s'est préoccupée de cette question [3] et en a dénoncé l'idée. Aux États-unis, comme en d'autres endroits où ce système se répand, bien des syndicats se sont prononcés contre, mais les pressions ont souvent été telles que, devant son imposition, ils ont préféré s'assurer d’en réduire les effets pervers.

Heureusement, au Québec, à part quelques universités, la question n'est pas à l'ordre du jour. Mais quand ça bouge ailleurs, mondialisation et standardisation obligent, il faut demeurer alerte !

 

  1. D. Henninger, «Pay for performance», The Wall Street Journal, 14 octobre 2005, http://www.opinionjournal.com/columnists/dhenninger/?id=110007406 .
  2. Se penchant sur l'effet de la tendance croissante du salaire au rendement aux États-Unis, des chercheurs concluent que « the growing incidence of performance pay accounts for 25 percent of the growth in male wage inequality between the late 1970s and the early 1990s ». T. Lemieux, W.B. Macleod, D. Parent, « Performance Pay and Wage Inequality »,  http://www.econ.ubc.ca/lemieux/papers/ppsept06.pdf .
  3. La privatisation déguisée dans le secteur éducatif public, rapport préliminaire établi par Stephen J. Ball et Deborah Youdell, Institute of Education, University of London, présenté à l'Internationale de l'éducation, 5e Congrès mondial, juillet 2007.

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Chronique 15 - L'approche par compétence : inlassable débat

Mai 2008 - Si l'encre a beaucoup coulé sur les bienfaits ou les méfaits de l'approche par compétences, on peut dire que, encore aujourd'hui, on ne tarit pas sur le sujet. D'abord retenue pour la formation continue, puis imposée, à la suite de la réforme de 1994 dans le réseau collégial, elle est répandue maintenant à l'ensemble du système éducatif québécois. Mais ce n'est pas là une particularité du Québec, car plusieurs pays occidentaux en ont fait un cheval de bataille sous les auspices de l'OCDE. Pour certains types d'enseignement, elle aura constitué un changement de paradigme important, pour d'autres, qui relèvent notamment du secteur technique, elle aura contribué, à travers l'approche programme, à harmoniser et resserrer la formation.

Nonobstant le fait qu'on continue toujours à débattre de ce qu'est une véritable approche par compétences en éducation, un regard sur ses effets depuis 1994 serait peut-être de mise. Les étudiants apprennent-ils mieux ? Réussissent-ils mieux ? Y a-t-il un prix ? Dans une économie dite du « savoir », qu'en est-il justement des savoirs ? On pourrait prendre ces questions sous plusieurs angles. L'un de ces angles est la place de certains domaines de savoir connexes aux disciplines porteuses de programmes, notamment ces « savoirs fondateurs » qui jouent un rôle important dans la formation fondamentale comme les mathématiques, la physique, la sociologie, la psychologie, la biologie et bien d'autres.

Il y a quelque temps un enseignant de mathématiques au collégial a soumis un mémoire de maîtrise [1] qui analyse, entre autres, l'effet de l’approche par compétences sur l'enseignement des mathématiques dans les programmes techniques. Outre une étude étoffée des effets combinés de plusieurs aspects de la réforme - dont la pression pour la réussite - et une réflexion sur les tenants et aboutissants de l'approche par compétences [2], il nous donne des chiffres qui font réfléchir. On y apprend par exemple que le nombre d'inscriptions dans les programmes techniques en première session en mathématiques a chuté de 61,3 % entre 1995 et 2005 [3]. Il a décru, de 1996 à 2004, de 49,6 % en ce qui concerne la deuxième session. Cela n'a pas contribué par ailleurs à augmenter le taux d'accès aux études techniques. De 1996 à 2005, le nombre de programmes qui ont des étudiants inscrits dans un cours de mathématiques est passé de 78 à 52 et le nombre total d'inscrits a chuté de 72 %. Malgré cette baisse significative des inscriptions, le nombre de numéros de cours différents passe de 45 en 1989 à plus de 1 300 en 2006, ce qui témoigne du resserrement des activités d'apprentissage autour des enjeux de programmes particuliers. De plus, pour un même programme, il y a des endroits où les mathématiques ont été évincées alors que, ailleurs, on a conservé le même nombre d'heures. Ces chiffres viennent confirmer ce que les professeurs de mathématiques du collégial font valoir depuis un bon moment. On peut trouver d'autres explications, comme l'attitude à l'égard de la discipline elle-même, mais le portrait est plutôt saisissant.

Au-delà de cette discipline particulière, la question se pose quant à la place qu'a faite la réforme à certains domaines du savoir. Une analyse similaire, à la fois quantitative et qualitative pourrait certainement contribuer à mieux saisir les effets à plus long terme de certains choix éducatifs, que nous les endossions ou non. Personne ne contestera l'importance de certains champs de connaissance dans la formation des étudiantes et des étudiants, particulièrement quant à l'aspect générique de cette dernière. Mais l'effet systémique est peut-être là : serions-nous en train de les évacuer, peut-être de façon irréversible ?

Parce que, au-delà des mérites ou non de l'approche par compétences, on peut se questionner sur la façon dont elle a été appliquée dans l'élaboration de nos programmes. Le réseau collégial fait partie de l'enseignement supérieur et doit en témoigner. Les efforts de « contextualisation » des apprentissages, nourris par des énoncés de compétence qui renvoient à leur utilité immédiate - par exemple, savoir faire tel type de calcul dans un contexte de gestion - peuvent laisser penser qu'il n'est nullement besoin d'être un ou une spécialiste de la discipline pour montrer « comment faire ». Cette improvisation pourrait constituer une dérive à moyen et long terme. Il est grandement question depuis un certain temps de la « transférabilité » des connaissances : on peut supposer que moins une connaissance est ancrée, plus elle est courte et pointue, moins elle sera transférable. D'ailleurs, une étude récemment parue [4] montrerait que des étudiants de collège qui ont appris un concept mathématique avec des exemples concrets ne pouvaient appliquer cette connaissance à de nouvelles situations, alors que les étudiants qui avaient d'abord appris à conceptualiser l'opération étaient plus susceptibles de transférer ce savoir. Évidemment, il s'agit là d'un débat qui ne sera pas fermé de sitôt.

Pour certains, l'approche par compétences aura été un choix d'abord pédagogique, judicieux dans un contexte où il faut permettre au plus grand nombre d'accéder à la réussite. D'autres diront qu'il s'agit d'un choix politique qui répond à des impératifs de rendement économique dans un monde de concurrence. On peut en discuter longuement, mais une vigilance s'impose pour qu'elle ne produise pas des effets pervers irréversibles, à la fois sur les fondements mêmes d'une éducation que l'on veut de qualité, mais aussi sur l'univers des connaissances en général. 


  1. Arpin, Robert, Approche par compétences : l'enseignement des mathématiques a-t-il un avenir dans les programmes d'études techniques au collégial ?, UQAM, juin 2007. On trouvera le mémoire à l'adresse suivante : http://www.cdc.qc.ca/pdf/786689_arpin_memoire_MA_UQAM_2007.pdf
  2. Cette recherche constitue une analyse et un historique très utiles pour comprendre la façon dont s’est implantée la réforme et pourrait certainement intéresser les enseignantes et les enseignants qui n'ont pas participé à l'élaboration des nouveaux programmes dans lesquels elles et ils enseignent.
  3. Notons qu'en 1984, il y avait déjà eu une diminution importante des heures de mathématiques, mais ces cours étaient communs à l'ensemble du réseau contrairement à aujourd'hui.
  4. Rapportée dans le New York Times, 25 avril 2007 http://www.nytimes.com/2008/04/25/science/25math.html?_r=1&scp=2&sq=&st=nyt&oref=slogin, ou encore sur le site Physorg, http://www.physorg.com/printnews.php?newsid=128266927 . Il s'agit d'une étude menée par une équipe de l'Ohio State University sous la direction de A. Kaminski, qui est parue dans l’édition du 25 avril 2008 de Science, vol 320, no 5875 (American Association for the Advancement of Science) sous le titre « Learning Theory : The Advantage of Abstract Examples in Learning Math ».

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Chronique 16 - Ve Conférence Trinationale pour la défense de l'école publique

Les tests standards en éducation : un processus de taylorisation ?

Au mois d'avril dernier, à Los Angeles, se tenait la Ve conférence Trinationale pour la défense de l'école publique. Organisée par un réseau d'organisations syndicales dont la FNEEQ fait partie, cette rencontre permet, tous les deux ans, de prendre la mesure de l'éventail des stratégies employées en Amérique du Nord pour privatiser l'éducation. Une occasion, pour les syndicats du Québec, de mieux connaître les tendances actuelles en la matière et de mieux comprendre les dangers qui nous guettent et auxquels nous pourrions être confrontés… dans un avenir peut-être pas si éloigné. 

Au Québec comme ailleurs, les besoins sociaux en matière de santé et d'éducation ne cessent de croître, espérance de vie grimpante et société du savoir obligent. Dans les deux cas, les services publics sont, au mieux, débordés. Les gouvernements, incapables de se soustraire à la concurrence fiscale dans une économie mondialisée et coincés dans leur ambition de réduire les dépenses publiques, cherchent des solutions à coûts zéro et donnent à fond dans le recours au secteur privé.

La mode des tests standards

La situation qui prévaut au Québec en la matière n'est pour l'instant, bien sûr, pas du même ordre que ce qu'on observe aux États-Unis. Mais ce qui se passe chez nos voisins du Sud devrait nous inquiéter, ne serait-ce qu'en regard de la perpétuelle tentation des élites politiques à importer en douce des recettes d'ailleurs… même si, parfois, les mauvais résultats sont avérés.

Un exemple. En Californie, le gouvernement vient de hausser de 4 milliards de dollars le budget du système pénitentiaire… sabrant d'autant dans celui de l'éducation ! Tant pis pour Victor Hugo, qui disait qu'ouvrir une école, c'est fermer une prison.

Cet État américain applique à la lettre le programme national No child left behind, une opération qui, sous couvert de mieux favoriser la réussite scolaire, ouvre dans les faits toute grande la porte à l'intrusion du privé au primaire et au secondaire. Des cibles de réussite sont fixées et, lorsqu'une école ne parvient pas à les atteindre, elle est littéralement « saisie » par l'État qui en confie la responsabilité à une firme privée. Les « chartered schools » ainsi créées peuvent éventuellement faire des profits à même les subventions de l'État même si, en principe, elles sont à but non lucratif. Quant à celles et ceux qui y enseignent, ils ne sont pas syndiqués… faut-il s'en étonner !

Ces cibles de réussite vont de pair avec une pratique qui se généralise, celle des tests standardisés, qui sont en passe de faire de véritables ravages dans la vie des écoles. Dans les matières de base (français, mathématiques, géographie), des entreprises privées concoctent et vendent des tests dits « standards » qui sont imposés dans les écoles, servant parfois de seule mesure d'évaluation des apprentissages. Ces entreprises font des profits importants en élaborant et souvent en administrant elles-mêmes ces tests, tout en augmentant leurs profits en vendant des outils de préparation à ces derniers.

Parce que ces tests sont devenus de véritables barèmes, les demandes des parents sont pressantes envers l'école pour que les enseignantes et les enseignants centrent leur travail sur la préparation à ces tests, qui finissent par obnubiler la vie scolaire. Une école qui n'offre pas de services particuliers à cet égard (soutien après l'école, voire la fin de semaine) subit de fortes pressions des parents, les résultats aux tests servant de critère pour la promotion scolaire. Dans les faits, on assiste presque à une taylorisation de l'enseignement, enseignantes et enseignants étant considérés comme des tâcherons dont le rôle principal, sinon le seul qui compte, consiste à faire réussir ces tests par les élèves, la valeur « pédagogique » se comptant au nombre de réussites à ce titre… avec souvent une paie au mérite à la clef.

Une résistance difficile à organiser

Lorsque de telles pratiques sont érigées en système, il est fort difficile d'y résister. Toute velléité de revenir à une conception plus humaniste de l'éducation se heurte à de colossaux enjeux financiers et à un discours politique de bon aloi : l'État ne dispose que de maigres ressources, il importe que les deniers publics soient dépensés en toute transparence et, dès lors, la concurrence entre les écoles est justifiée. Peu importe qu'une école soit située dans un milieu plus difficile, peu importe qu'elle ait ou non le droit de sélectionner ses élèves. Ce qui compte, la seule chose qui compte, c'est son « rendement », aussi fallacieux que puissent être les instruments qui le mesurent. Pas besoin d'aller bien loin pour observer des apôtres de ce discours au Québec : Mario Dumont, chef de l'ADQ, se décrivait sans ambages à la fin du mois d'août comme un partisan de la concurrence scolaire, faisant au passage l'apologie de l'école américaine.

Les débats sociaux entourant les pratiques scolaires sont très difficiles, en particulier parce que les parents sont interpellés individuellement et dans l’immédiat. Cela vaut pour le choix de l'école. Peut-on blâmer les parents de se demander quelle est la meilleure école pour leur enfant ? Le choix va souvent aller de soi, entre un avantage individuel assez manifeste et un l'éventuel gain social, perçu comme minuscule, résultant d'un parti pris de ne pas souscrire à une logique discriminatoire en éducation.

Cela vaut d'autant plus lorsqu'une mécanique scolaire bâtie autour de tests standards est en place. Pour les parents, il devient beaucoup plus urgent de veiller à ce que son enfant réussisse les tests, quitte à rendre l'école responsable de pauvres résultats, que de joindre les rangs d'une lutte perçue comme ayant peu de chances de changer les choses.

Tout n'est cependant pas joué lorsqu'on s'organise. En Colombie-Britannique, le Ministère de l'Éducation a tenté d'importer dans les écoles la pratique de ces tests standardisés. Mais il s'est heurté à une résistance bien déterminée.  Dans plusieurs écoles, les enseignantes et les enseignants ont refusé tout simplement d'utiliser ces tests et, devant la pression montante, se sont tournés vers les parents. Dans une lettre à leur adresse, ils ont expliqué en quoi l'éducation reçue par les enfants pouvait souffrir de l'approche réductrice qui sous-tend l'utilisation des tests. Complétée par des rencontres d'information, cette campagne a suscité beaucoup de réactions et les parents sont devenus, pour les enseignantes et les enseignants, de puissants alliés, le ministère a finalement battu en retraite.

Le partage de réussites syndicales de ce genre compense un peu pour les histoires d'horreurs qui émaillent l'évolution des systèmes éducatifs, au Mexique ou, comme nous l'avons vu plus haut, sur la côte Ouest des États-Unis.  Mais dans l'ensemble, le portrait de l'évolution des systèmes éducatifs est plutôt désolant. « Enseigner au primaire et au secondaire, en Californie, c'est devenu non pas un second, mais un troisième choix de carrière, a constaté tristement une enseignante d'expérience à Los Angeles. La qualité générale du corps enseignant s'est effritée et au lieu de s'inquiéter de la capacité de l'école à véritablement éduquer, on s'intéresse seulement aux statistiques qui découlent des tests standardisés. »

On peut en savoir plus en consultant le site américain www.fairtest.org 

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Chronique 17 - Échec des négociations du cycle de Doha à Genève: Une pause dans la marchandisation de l'éducation ?

Octobre 2008 - En juillet dernier à Genève, les négociations en vue de relancer le cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) échouent. Les États ne parviennent pas à s'entendre sur la question vitale de l'agriculture. Le désaccord se maintient entre l'Europe et les États-Unis d'une part, qui tiennent à préserver leur agriculture largement subventionnée, et des pays émergents, qui cherchent à intégrer leur agro-industrie dans un marché mondial ouvert et déréglementé. Avec cette nouvelle suspension du cycle de Doha, peut-on espérer que les négociations en vue de libéraliser à grande échelle le secteur de l'éducation soient enfin neutralisées ?

Tant le secteur des services en général que celui de l'éducation en particulier restent des points de mire pour les négociateurs de l'OMC. Dès qu’il y a relance des négociations, les jeux de coulisses s'activent et les pressions se font fermes pour que le plus grand nombre d'engagements soient pris.

Lors des dernières négociations à Genève, l'Australie et la Nouvelle-Zélande se sont montrées particulièrement actives pour ouvrir leur secteur de l'éducation à la concurrence étrangère. Selon David Robinson, consultant de l'Internationale de l'éducation (IE) pour les questions commerciales : « Les prétendues entraves aux échanges dans le secteur des services de l'éducation que ces pays veulent lever ou atténuer incluent des mesures telles que l'obligation de recruter le personnel local ou des restrictions en ce qui concerne le nombre d'écoles étrangères ». Ces pays et tous les autres souhaitant une plus grande libéralisation des services se sont cependant heurtés au groupe formé par Cuba, le Venezuela, la Bolivie et le Nicaragua, partisans de l'exclusion des services publics essentiels, dont l'éducation, des négociations.

L'échec des négociations de juillet dernier à l'OMC bloque toute avancée des libéralisations envisagées dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Le climat de tension et les désaccords profonds qui ont marqué la rencontre de Genève ne permettent pas d'envisager une reprise rapide des négociations à l'OMC. Certains observateurs prévoient même l'enterrement définitif de ce « cycle du développement », conçu en fait à l'avantage des pays les plus prospères.

Les accords bilatéraux à la rescousse

Faut-il donc se réjouir de voir l'éducation échapper enfin aux marchands, pour lesquels l'AGCS demeurait le cadre rêvé, leur offrant l'accès à d'immenses marchés ? Certes, les échecs successifs de l'OMC viennent sérieusement entraver le plan initial esquissé lors de la fondation de cette organisation. Et la vision d'une éducation largement marchandisée - avec un marché international des écoles, des tests, et une circulation sans restriction des enseignantes et des enseignants qui se livrent une concurrence - semble s'éloigner un peu plus de nous.

La suspension des négociations dans le cadre de l'AGCS permettra donc de faire une pause dans l'instauration d'une éducation libéralisée, de stopper temporairement des mécanismes qui n'attendaient qu'une entente sur l'agriculture et sur les tarifs douaniers pour se mettre en place. Les échecs à l'OMC n'ont cependant pas entraîné une mise en cause sérieuse des libéralisations dans le domaine de services. L'immense toile des négociations entreprises à l'OMC a favorisé la création de nombreux réseaux, ce qui permet aux projets soumis de trouver de nouveaux canaux pour se transmettre.

Le débouché le plus évident semble être les accords bilatéraux qui se négocient à l'échelle de la planète et qui se multiplieront suite aux échecs de l'OMC. Selon Oxfam international, « en 2006, plus de 100 pays en développement se sont engagés dans plus de 67 négociations commerciales bilatérales ou régionales et ont signé plus de 40 traités bilatéraux d'investissements. Plus de 250 accords commerciaux régionaux et bilatéraux gouvernent aujourd'hui plus de 30 % du commerce mondial » . Le Canada a négocié ou s'apprête à boucler des accords bilatéraux avec le Costa Rica, le Chili, Israël, la Jordanie, le Pérou, la Colombie, la Corée du Sud, la République dominicaine, Singapour et le groupe des quatre de l'Amérique centrale et cherche à mettre sur pied un important accord avec l'Union Européenne. Des accords de type TILMA  se négocient entre les provinces canadiennes, entre autres le Québec et l'Ontario, permettant à des sociétés de poursuivre les gouvernements si ceux-ci adoptent des réglementations qui limitent leurs profits.

Une remise en question nécessaire

Qu'en sera-t-il de l'éducation dans ces accords bilatéraux ? Jusqu'à maintenant, ceux-ci ne semblent pas tous contenir des clauses significatives concernant le secteur, le milieu des affaires ayant surtout misé sur l'AGCS. Mais elles demeurent malgré tout présentes dans certaines ententes, et selon David Robinson, se négocient dans des rapports profondément inégalitaires qui opposent des pays très développés à d'autres beaucoup plus fragiles : « Nous l'avons déjà observé dans un certain nombre d'accords bilatéraux récents où des concessions importantes ont été faites dans les services d'éducation ». Par leur ubiquité, leur multiplicité et leur complexité, les accords bilatéraux deviennent beaucoup plus difficiles à surveiller. Ils demandent pourtant une grande vigilance et plus de ressources pour les comprendre dans leur diversité.

Pourtant, les crises qui se superposent présentement - crise des prêts hypothécaires à risque, crise alimentaire, pétrolière, écologique - devraient nous prédisposer à repenser l'économie et à revoir, une fois pour toutes, le rôle des services publics, donc de l'éducation, dans la société. Les événements actuels confirment la prémonition de l'économiste François Morin, qui affirmait : « Notre village planétaire a besoin d'être reconstruit sur d'autres bases que celles de la financiarisation globale de nos activités économiques. À défaut, c'est toute la société qui risque d'être prise dans le tourbillon des valeurs financières » .

La trêve provoquée par la suspension des négociations à l'OMC et la gravité des crises économiques qui nous secouent devraient permettre de revenir sur les orientations données à l'éducation ces dernières années, alors qu'on cherchait à satisfaire le marché, sans se préoccuper de ce que pensaient les principaux intéressés, soient les enseignantes et les enseignants et les étudiantes et les étudiants. Aux États-Unis, le candidat à la présidence Barack Obama a fait de l'éducation un de ses thèmes majeurs. Au Québec cependant, bien peu de signaux rassurants nous sont envoyés, alors que notre premier ministre reste toujours un grand défenseur du libre-échange et se propose d'adopter une loi sur la gouvernance à l'encontre des souhaits du milieu universitaire. Suite à toutes les transformations qui nous affectent, il faut donc espérer qu'une large réflexion sur l'éducation et son orientation puisse bientôt se développer au Québec.

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Chronique 18 - Gouvernance à la sauce privée: Un enjeu majeur pour l'avenir de l'enseignement supérieur

Prenant prétexte de la crise de l'UQAM, la ministre de l'Éducation, madame Michelle Courchesne, a déposé le 30 octobre dernier à l'Assemblée nationale deux projets de loi, un premier sur la gouvernance des établissements universitaires et un second sur la gouvernance des cégeps. Largement inspirés de la loi sur la gouvernance des sociétés d'État, ces deux projets calqués l'un sur l'autre s'attaquent principalement aux conseils d'administration et pourraient, s'ils étaient adoptés tels quels, bouleverser la culture des communautés universitaire et collégiale, en remettant en cause notamment leur autonomie de gestion. Parmi les changements majeurs envisagés : une augmentation importante des membres dits « externes » sur les conseils d'administration - avec diminution conséquente des membres de l'interne, la création de nouveaux comités (éthique, vérification et ressources humaines) et un nouvel accent sur l'imputabilité. 

Petite histoire et présentation des faits

La « gouvernance » est apparue comme un nouveau paradigme de la gestion publique et privée autour des années 1990, dans le courant néolibéral du contrôle des dépenses publiques. Cette notion remet à l'ordre du jour de vieilles idées sur le management des entreprises au siècle dernier : une vision directoriale, une concentration du pouvoir de décision, la supervision étroite des exécutants, la recherche de l'efficacité axée sur les résultats financiers et autres mesures assurant la concurrence.

Au Québec, ces conceptions de la gestion des sociétés privées ont été remodelées et promues par l'Institut sur la gouvernance d'organismes privés et publics (IGOPP), rattachés à l'École des HEC Montréal et à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia. On peut comprendre que ce ne sont pas nécessairement là des écoles progressistes et on y trouve facilement les partisans d'un discours prônant la diminution du rôle de l'État et des réformes de droite en matière de gestion.

En septembre 2007, l'IGOPP rendait public un rapport sur l'examen de la gouvernance universitaire, dit rapport Toulouse, et une proposition réformiste conçue par un groupe de travail composé des recteurs et des administrateurs de conseils d'administration des établissements universitaires. Cette proposition énonce douze principes de bonne gouvernance pour les universités, inspirés de la loi sur les sociétés d'État de 2006. Le groupe de travail, présidé par Jean-Marie Toulouse qui fut lui-même directeur des HEC Montréal pendant presque quinze ans, invite les établissements universitaires à réviser leurs pratiques de gouvernance à la lumière des principes qu'il préconise. En décembre 2007, faisant suite à la publication du rapport, la ministre de l'Éducation demandait aux administrations universitaires de lui donner avis sur le rapport de l'IGOPP, ce qui fut fait en février 2008. Dans la tourmente de la crise de l'UQAM, qui servit sans doute de toile de fond aux intentions de la ministre, est venue l’annonce d'une loi révisant la gouvernance des conseils d'administration. Voilà pour les faits.   
 
Une mobilisation forte et déterminée

Devant tant de menaces et d'appréhensions et première dans la ligne de mire du ministère, la communauté universitaire s'est mobilisée, prenant position face au rapport Toulouse et dénonçant le fait que la ministre de l'Éducation ait négligé de consulter les diverses composantes de cette communauté quant à ses intentions. La Table des partenaires universitaire qui regroupe les syndicats (dont la FNEEQ) et les associations étudiantes du monde universitaire, a produit une déclaration commune s'insurgeant contre la vision réductrice du rapport de l'IGOPP « qui ne respecte pas ni l'histoire, la culture, les traditions et les valeurs universitaires, ni la diversité des établissements du réseau québécois. » La FNEEQ a pour sa part formulé une critique détaillée du rapport de l'IGOPP, intitulée Pour une gouvernance transparente axée sur la collégialité, qui a été transmise à la ministre.

Un impact majeur dans les établissements d'enseignement supérieur

L'Université fonctionne, dans sa gestion, sur le principe de la collégialité et sur la base de consensus qui résultent de l'interaction entre les groupes qui composent la communauté universitaire. Or, c'est justement à cette collégialité que s'attaquent l'IGOPP et le projet de loi de la ministre. Ils visent la marginalisation de la communauté universitaire dans les processus de prise de décision et menacent ainsi la culture universitaire, en concentrant les pouvoirs dans des conseils d'administration autoritaires et fermés, en réduisant les obligations de transparence gestionnaire envers la communauté universitaire tout en augmentant les contrôles gouvernementaux. Le projet de loi veut modifier l'équilibre de représentation sur les CA des membres issus de l'interne et y assurer une large prépondérance de membres extérieurs à la communauté, prétextant une véritable indépendance de ces derniers. Ce serait nuire profondément à l'institution universitaire que d'instaurer une gouvernance qui minimise à ce point la participation de toutes les composantes de la communauté aux orientations et à la réalisation des missions de l'Université. C'est là un déni de légitimité qui contribue à instaurer une culture du secret dans les CA, lesquels pratiqueront la cooptation auprès du monde des affaires pour assurer une gestion soi-disant plus « efficiente » des établissements.

Dans les cégeps, l'approche gouvernementale est la même. Exit du CA les parents, la direction des études et les anciens étudiants : on veut imposer un CA comportant 11 membres externes, ce qui n'est pas une bagatelle quand on connaît les difficultés qu'ont ces personnes à bien saisir les enjeux, la culture et la dynamique propres à un cégep. Comment y arriver en quatre ou cinq réunions administratives par année, sans compter la pile indigeste de documents à lire, à comprendre et à situer dans leur contexte ? 

La FNEEQ présentera certainement un mémoire à la Commission parlementaire de l'Éducation qui devrait siéger là-dessus le printemps prochain. Ce mémoire, dont les prémisses seront discutées au prochain Conseil fédéral, s'opposera aux modifications des conseils d'administration, critiquera la prétendue indépendance des membres recrutés à l'extérieur de la communauté collégiale ou universitaire et dénoncera la culture du secret et la concentration des pouvoirs.

La FNEEQ préconise l'extension et le renforcement de la collégialité dans toutes les instances de décision des établissements d'enseignement supérieur. Le gouvernement profite du sous-financement des universités pour resserrer les mesures de contrôle et réduire la participation des acteurs internes à l'exercice des pouvoirs au sein des établissements. Une bonne gouvernance, à notre avis, repose à la fois sur la participation démocratique et l'expertise des membres de la communauté dont l'intérêt est de parvenir à des consensus et à des ajustements mutuels, fondements de la légitimité d'une saine gouvernance. Voilà qui nous semble plus prometteur que les conceptions véhiculées par l'IGOPP.

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Chronique 19 - Le décrochage scolaire au Québec : première partie

Une inquiétante stagnation

Le décrochage scolaire est devenu un enjeu majeur au Québec. L'incapacité de nombreux élèves à obtenir leur diplôme force à réfléchir sur la finalité même de l'école : un système d'éducation idéal ne devrait-il pas permettre à tous les élèves d'aller au bout de leurs capacités et d'obtenir le diplôme pour lequel on les a longuement préparés ? Pourquoi de nombreux élèves abandonnent-ils en cours de route ? Qui faut-il blâmer : l'école elle-même, ou des circonstances plus larges, qui échapperaient au contrôle des enseignantes, des enseignants et des professionnels de l'éducation ?

Le problème du décrochage scolaire devient plus vif que jamais à l'ère de la mondialisation. Le partage inéquitable de la richesse entre les pays du Sud et du Nord correspond à une économie qui s'oriente principalement vers les services, au Nord, alors que les secteurs manufacturier et industriel sont abandonnés aux pays émergents, offrant une main-d'œuvre à bon marché et peu instruite. La mondialisation met en forte concurrence tant les pays que les travailleurs de toutes les régions du monde, et entraîne les pays dans une impitoyable course à la performance. Dans la nouvelle économie du savoir qui s'installe, nous dit-on, beaucoup seront appelés, et peu seront élus. Ainsi, un taux de décrochage scolaire important aura des impacts sur la santé économique des pays ou des régions qui n’auront pas pris des mesures fermes pour le réduire.

Mais du point de vue de l’enseignante et de l'enseignant, le décrochage scolaire est un phénomène difficile à appréhender. La tâche du professeur consiste notamment à mettre en place des activités d'apprentissage pour donner à chacun de ses élèves une chance égale d'atteindre les objectifs de formation et d'obtenir un diplôme. Or il s'avère souvent que les élèves se sentent dépassés. En fait, l'intérêt des jeunes pour l'école et leur engagement dans leur formation scolaire concernent l'ensemble des citoyennes et des citoyens. C'est pourquoi ce sujet semble de plus en plus préoccuper les Québécoises et les Québécois, au point d'être devenu un enjeu électoral et d'avoir été abordé lors du débat des chefs.

Quelques constats utiles

Depuis 10 ans, le taux de décrochage n'a presque pas varié au Québec. Et ce, malgré certaines mesures mises en place, comme les « plans de réussite » imposés par le ministre de l'Éducation François Legault en 2001. Faut-il alors établir un dur constat d'échec ? Ou au contraire, ces plans ont-ils créé une concertation entre les intervenants qui portera ses fruits à l'avenir ? L'école peut-elle, seule, s'attaquer à ce problème ou a-t-elle besoin de l'appui du milieu familial, social, économique et politique pour y arriver ? Et est-ce si important que le plus grand nombre obtienne un diplôme ?

On comprend bien l'importance de la scolarisation quand on regarde les données concernant le marché de l'emploi. Alors que le nombre de personnes qui occupent un emploi sans diplôme secondaire a diminué de 41,8 % entre 1990 et 2007, le nombre de celles et ceux qui sont au travail et qui ont obtenu un diplôme collégial a augmenté de 71,2 % et celui des personnes qui ont obtenu un diplôme universitaire a augmenté de 109,6 %. Le marché de l'emploi s'ouvre donc aux détenteurs de diplômes postsecondaires et se referme pour celles et ceux qui n'ont pas de diplôme ou qui ont seulement un DES.

Cela amène un changement important au collégial et au premier cycle universitaire. Alors que l'enseignement à ces ordres s'adressait à une élite il y a quarante ans, il touche maintenant l'ensemble de la population. L'échec scolaire, qui n'avait pas de si graves conséquences, en a maintenant beaucoup plus, car il peut exclure du marché de l'emploi ou confiner à des emplois mal rémunérés. Les ordres d'enseignement, du secondaire à l'université, sont confrontés à un défi de taille, celui de permettre à un grand pourcentage de la population de diplômer tout en maintenant la qualité de la formation.

Ce défi a d'abord été relevé avec succès. De 1979 à 2006, le taux de décrochage à l'âge de 19 ans est passé de 40,5 % à 19,0 % (en 2006, il y avait cependant une forte disparité entre les sexes alors que ce taux était de 24,1 % chez les hommes contre 13,7 % chez les femmes). Mais ce résultat encourageant est atténué par le fait que, depuis 1999, le taux de décrochage est demeuré constant à 19 % environ. Une période de stagnation fait donc suite à des années de progrès important. Il faut donc s'interroger sur les raisons de cette stagnation.

Le Québec obtient toutefois de bons résultats lorsqu'on le compare aux pays de l'OCDE. Globalement, il réussit moins bien que le Japon, l'Allemagne, la Finlande et la France, mais mieux que le Canada et les États-Unis.  Cependant, la diplomation y est différente. En effet, notre taux de diplomation est de 78 % en formation générale du secondaire, soit 33 % de plus que la moyenne des pays de l'OCDE, alors qu'il n’est que de 34 % en formation professionnelle comparativement à une moyenne de 48 % pour les pays de l'OCDE.

De nombreuses initiatives

Afin d'atteindre les cibles fixées par le MELS (taux de diplomation de 85 % au secondaire avant l’âge de 20 ans, de 60 % au collégial et de 30 % au baccalauréat), les informations et les initiatives concernant la lutte au décrochage scolaire se multiplient au Québec depuis plusieurs années. Les cégeps et les commissions scolaires ont chacun leur propre plan de réussite, les conférences régionales des élus (CRÉ) préparent leur plan d'action pour contrer le décrochage scolaire, plusieurs groupes de recherche universitaire ont été constitués sur ce sujet. Plus récemment, on apprenait  que Jacques Ménard, le président de BMO groupe financier, avait mis sur pied un « taskforce » de 15 personnes, dirigé par la firme de consultants McKinsey & Company, pour réfléchir sur la question et proposer des solutions. Un sommet sur le décrochage scolaire, organisé par ce groupe, a eu lieu les 30 et 31 octobre dernier au Mont Sainte-Anne regroupant quelque 400 personnes choisies parmi les « forces vives » du Québec.

L'Assemblée nationale avait mis sur pied une commission parlementaire sur le décrochage scolaire, mais les élections du 8 décembre ont pour effet de l'abolir. La Fédération des commissions scolaires du Québec tient des assises régionales du 15 novembre au 15 mars sur le décrochage. Tous les chefs des partis politiques québécois en campagne électorale ont promis de s'attaquer au décrochage scolaire, certains annonçant même une injection de ressources enseignantes !

Ces initiatives permettront-elles de mieux comprendre ce sujet particulièrement complexe ? On ne peut parler de décrochage scolaire sans tenir compte de facteurs multiples, à la fois internes et externes à l'école. Il faut intégrer des données aussi variées que la composition des classes, l'ambiance dans les classes, la taille des groupes, les activités parascolaires, les services d'aide aux élèves, le financement des écoles, mais aussi, le milieu social des élèves, l'implication des parents, les effets de la pauvreté. Cette question mérite donc d'être traitée avec soin et il faut espérer que les groupes qui s'y pencheront ne négligeront aucun aspect du problème. Un second article sur le sujet, en janvier, nous permettra d'aborder des solutions au décrochage scolaire.

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Chronique 20 - Le décrochage scolaire au Québec: deuxième partie

Défendre le point de vue syndical

Dans son article du mois de décembre, le comité école et société a abordé le sujet du décrochage scolaire. Cet article démontrait qu'il y a au Québec une inquiétante stagnation du taux de décrochage scolaire depuis près de 10 ans. Avant d'aborder les solutions envisagées et le rôle que peuvent jouer les syndicats, regardons quelles sont les causes du décrochage.

Plusieurs groupes de recherche universitaire ont été mis sur pied afin de connaître ces causes. On a scruté d'abord l'école, notamment les attitudes et les méthodes pédagogiques des enseignantes et des enseignants, la taille des groupes, la façon de prendre en charge les élèves qui ont des difficultés d'adaptation et d'apprentissage, des handicaps, des troubles de comportement ou qui vivent une dépression. Mais il faut aussi étudier le rôle que peuvent jouer les milieux familial, social, économique et politique.

Bien que par certains aspects, le décrochage scolaire s'explique de la même façon d'une région à l'autre, ces recherches montrent que chaque milieu doit être considéré selon ses propres caractéristiques si on souhaite pouvoir intervenir le plus adéquatement possible. Il s'agit donc d'un phénomène en mouvance dans le temps et l'espace.

Les solutions positives

Le mot-clé qui revient le plus souvent ces temps-ci est « concertation ». La région phare en ce qui a trait à l'amélioration du taux de diplomation, le Saguenay - Lac-St-Jean, l'a démontré. Grâce à son Conseil régional de prévention de l'abandon scolaire (CRÉPAS), qui a réuni à la même table un grand nombre d'acteurs régionaux en éducation, en santé et services sociaux, d'élus provinciaux et municipaux, de groupes communautaires, de représentants syndicaux et patronaux ainsi que de médias d'information, cette région a été capable d'obtenir une concertation régionale inégalée. Elle a réussi à faire diminuer son taux de décrochage de façon significative et figure maintenant en tête des régions du Québec pour le taux d'obtention de diplômes du secondaire.

Parmi les facteurs externes à l'école qui doivent être ciblés pour améliorer la persévérance scolaire, on note le travail étudiant rémunéré, le soutien et l'encouragement familial, les conditions socio-économiques des adultes en formation et, de manière prédominante dirions-nous, la présence d'un discours de valorisation du savoir dans la société. Dans le milieu scolaire on insiste sur la mobilisation des personnels enseignant et administratif autour des objectifs de persévérance scolaire, la réduction de la taille des groupes, la prise en charge des élèves qui ont des difficultés d'adaptation et d'apprentissage ou des handicaps, l'apprentissage fondamental de la lecture, qui est réinvestie dans toutes les disciplines, le nombre et les types d'activités parascolaires pour faire de l'école un milieu de vie agréable et la communication avec les parents. Tout cela ne s'est pas fait à coût zéro. Un ajout de ressources a été nécessaire dans des activités qui améliorent la persévérance scolaire de même qu'un changement de mentalités. On sent que les écoles du Québec sont maintenant appelées à s'inscrire dans une logique de persévérance plutôt que dans celle de l'excellence, qui était en vogue à la fin des années 1980.

Les solutions néolibérales

Par ailleurs, lors du dernier débat sur l'avenir des cégeps, en 2003-2004, ces derniers ont réussi à démontrer à nouveau leur pertinence et leur apport à la société québécoise, notamment en terme d'accessibilité et de taux de diplomation. Faisant fi de toute cette réflexion, l'Institut économique de Montréal, haut lieu de réflexion néolibérale, propose de nouveau, dans une récente note économique, d'abolir les cégeps pour les transformer en écoles de formation professionnelle et technique afin, prétend-il, d'améliorer la réussite scolaire. Il tente d'imposer à l'école publique les critères d'analyse de rendement et d'efficience chers aux entreprises privées. On ne se surprendra pas qu'il souhaite particulièrement augmenter le nombre de diplômés en formation professionnelle du secondaire et réduire l'âge moyen d'obtention de ce diplôme. Plusieurs craignent d'ailleurs que dans le cadre de la concertation souhaitée, le milieu patronal veuille s'immiscer dans le contenu de la formation offerte afin de l'adapter plus directement à ses propres besoins de main-d'œuvre, ce qui rendrait les diplômés plus captifs d'une région ou d'une entreprise.

Le gouvernement du Québec s'inscrit également dans une mouvance néolibérale avec ses cibles de taux de réussite et de diplomation, la CEEC et ses différents mécanismes de contrôle des programmes d'étude et des enseignants. Les récents projets de loi sur la gouvernance des cégeps et des universités, qui sont morts au feuilleton cet automne mais qui devraient revivre cet hiver, viendront aussi concrétiser, s'ils étaient adoptés tels quels, cette approche comptable de la réussite.

Le rôle syndical

Face à de telles positions idéologiques néolibérales, le milieu syndical doit continuer de se préoccuper de la réussite. Il doit exercer une vigilance pour maintenir dans les programmes d'étude une forte présence de la formation générale, mettant de l'avant des valeurs humanistes afin que l'école s'inscrive davantage dans une optique de développement global que dans celle de la productivité. Sans ressources supplémentaires, sans davantage de recherches sur les causes de l'abandon scolaire, sans un maintien authentique de notre autonomie professionnelle, c'est la qualité de la formation et son contenu qui risquent de faire les frais des impératifs gouvernementaux. Faire de la formation à rabais ou de façon trop pointue ne peut que nuire au développement économique et social du Québec à long terme.

Le récent Manifeste des onze organisations syndicales et étudiantes, appelant à Faire de l'éducation publique la priorité nationale du Québec, devrait inspirer nos actions et nos prises de position au sujet de la lutte au décrochage scolaire dans les mois qui viennent. On y souligne les effets pervers importants de la sélection scolaire, un sujet sur lequel un débat social serait plus que nécessaire, ainsi que la nécessité de donner à l'école les moyens d'intervenir auprès des jeunes de manière plus complète et plus englobante.

On trouve le manifeste sur le site de la FNEEQ :
http://www.fneeq.qc.ca/fr/accueil/communiques/communiques_2008/comm0043.html.
Nous aurons l'occasion d'y revenir.

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Chronique 21 - Forum social mondial 2009 : crise économique et éducation

Un autre monde est nécessaire !

Claude Vaillancourt est membre du Comité école et société de la FNEEQ et secrétaire général de l'association ATTAC-Québec. Avec l'appui des deux organisations, il a participé au dernier Forum social mondial (FSM) qui s'est déroulé à Belem en Amazonie au Brésil, du 27 janvier au 1er février. Il nous livre ici un compte rendu qui s'intéresse en particulier aux discussions portant sur la crise économique et sur l'éducation.

Belem - Comme pour les forums sociaux précédents, le parcours d'une participante ou d'un participant à Belem n'est pas des plus aisés. De plus, les activités se déroulent sur deux campus universitaires relativement éloignés l'un de l'autre. Il faut donc se dépêtrer parmi la surabondance d'ateliers offerts, des horaires changeants, des conférences annulées et des invités parfois absents ! N'empêche, même s'il faut subir au passage le climat tropical de Belem avec son écrasante humidité et ses pluies abondantes, l'atmosphère reste excellente et les réflexions toujours aussi riches. Devant l'urgence de la situation et la nécessaire mobilisation face à la crise, se créent de nouvelles solidarités et se réaffirme une ferme volonté de travailler ensemble.

Peu d'ateliers ont porté sur l'éducation en particulier. Le sujet est abordé plus largement, comme un élément parmi d'autres dans l'analyse de problématiques générales telles le bien public et le bien commun, les services publics et surtout, les politiques à adopter face à la crise économique que nous traversons. Cette crise demeure sans aucun doute la principale préoccupation de ce forum.

La crise, encore la crise

Qualifiée de « systémique », la crise remet en question l'essence même du capitalisme et donne une importante occasion, par l'ampleur des drames qu'elle provoque, de repenser en profondeur le système économique qui s'est déployé au cours des trente dernières années.

Les choix politiques qui résulteront de cette crise toucheront nécessairement le secteur de l'éducation. Celui-ci, comme les autres services publics, pourrait faire les frais d'une crise mal gérée, ou profiter au contraire d'une restructuration majeure de l'économie. De nombreuses organisations, qui se sont mobilisées dans le passé en faveur des services publics, sentent aujourd'hui le besoin de faire le point sur leur stratégie.

Il est difficile présentement de prévoir les intentions des gouvernements. Poursuivront-ils leur politique de déréglementation et d'ouverture des marchés, au risque d'aggraver la situation ? Ou par un pragmatisme élémentaire, seront-ils forcés d'adopter des mesures qu'ils rejetaient auparavant ?

Tout laisse cependant croire que les gigantesques mesures d'aide aux banques ne vont pas dans la bonne direction. Elles pourront provoquer un endettement majeur des États, qui les lieront aux institutions mêmes qui ont créé le chaos. Si bien qu'on pourrait assister à ce scénario ironique d'une crise majeure du secteur financier au privé provoquant à terme la réduction des budgets consacrés aux services publics, dont l'éducation !

Les syndicats et le mouvement social doivent donc s'unir et proposer des alternatives. Ces dernières ne manquent pas et ont été formulées - quoique souvent de façon désordonnée - depuis la naissance des forums sociaux. Le défi consiste à les présenter de manière accessible et convaincante, pour forcer les dirigeants politiques à revoir les décisions nuisibles qu'ils semblent vouloir prendre.

Plusieurs de ces alternatives ciblent des aspects précis de l'économie : fiscalité progressive et internationale, réglementation des marchés financiers, contrôle public des banques, etc. En ce qui concerne l'éducation, l'objectif serait de la faire reconnaître comme un bien public essentiel et de la retirer de la sphère marchande. Ce projet n'est certes pas nouveau, mais de nombreux observateurs croient que l'échec de l'idéologie du tout au marché rend plus opportune que jamais la défense de ces principes fondamentaux.

Éducation : libération ou contrôle ?

Un séminaire sur l'éducation, organisé par Alternatives, a rassemblé une remarquable diversité d'enseignantes et d'enseignants, en provenance de quatre continents (seule l'Océanie n'avait pas de représentantes ou de représentants), avec des délégations relativement équivalentes. De très nombreux aspects du métier ont été abordés, marquant à quel point cette même profession peut être exercée de façon différente d'un pays à l'autre.

Très rapidement toutefois, une question centrale a été formulée : l'école actuelle est-elle un facteur de changements sociaux ou un instrument de contrôle social ? Dans notre société québécoise, avec l'omniprésence des médias appartenant à une poignée d'entreprises, il est souvent aisé de considérer - ou d'espérer ! - l'école comme un lieu de résistance et d'apprentissage de la pensée critique. Mais dans de nombreux pays - ceux du Sud, surtout -, l'école devient un lieu d'endoctrinement et les enseignantes et les enseignants servent de relais à la propagande officielle.

Le débat s'est animé lorsque des enseignants palestiniens ont décrit leur condition. La censure est permanente dans leurs écoles. Les professeurs jugés trop « patriotiques » sont congédiés. Les manuels scolaires doivent être conçus avec Israël et les États-Unis, dressant des portraits stéréotypés des Palestiniens et des Israéliens, les premiers étant menteurs et idiots, les seconds forts et intelligents. Ces propos ont été clairement confirmés par deux enseignants juifs israéliens présents dans la salle.

De nombreux autres problèmes ont été soulevés. En Afrique subsaharienne, l'utilisation d'auxiliaires d'enseignement, mal payés et non qualifiés, détériore grandement la qualité de l'éducation. Dans certains pays, comme l'Inde, l'école parvient difficilement à s'adapter à la diversité des langues et des religions, et n'arrive pas à s'établir comme inclusive. Au Brésil, dans certaines régions, notamment l'Amazonie, les écoles publiques sont si pauvres qu'elles ne parviennent pas à remplir leur rôle, ce qui accentue de façon marquée les écarts entre les riches, qui profitent de l'école privée, et les pauvres. Plusieurs se sont inquiétés de la façon dont les manuels scolaires réécrivent l'histoire et cachent des vérités essentielles. Et partout, les enseignantes et les enseignants subissent une forme de perte de contrôle du savoir, tant Internet et la télévision occupent désormais un rôle central dans la formation des élèves.

Un Forum social de l'éducation en Palestine ?

Un forum social de l'éducation en Palestine ? Voilà l'une des surprenantes propositions amenées lors du FSM à Belem. D'après Michel Lambert, responsable du projet pour Alternatives, un tel forum semble en mesure de se réaliser ! De fructueuses rencontres entre une délégation palestinienne et le groupe organisateur du FSM ont permis de poser des jalons afin que l'événement ait bel et bien lieu.

Inutile de dire que ce forum aurait un impact considérable. Non seulement il contribuerait à sensibiliser davantage les populations aux difficultés vécues par les enseignantes et les enseignants palestiniens, mais il permettrait aussi d'aborder plus largement la situation palestinienne, l'éducation étant au cœur de l'organisation d'une société.

Rappelons que la FNEEQ s'était associée à Alternatives et à l'ONG palestinienne « Teacher Creativity Center » pour tenir une conférence sur les enjeux de la mondialisation, de l'éducation et du changement social en octobre 2004. L'appui de la FNEEQ à l'action démocratique palestinienne s'est ainsi ancré de manière plus forte encore. La présence de ressortissants étrangers sur le sol palestinien demeure un important geste de solidarité, surtout depuis les événements récents à Gaza. Certainement que l'appui d'une instance comme le FSM offrira une chance incroyable de tenir un événement majeur de solidarité, mais aussi un appui concret à toute approche véritable pour la paix dans cette région du monde.

Une volonté pragmatique de formuler des alternatives

Le FSM de Belem, comme les précédents, a donc été riche en débats de toutes sortes. Mais outre ces inévitables et stimulantes discussions, est apparue de façon systématique la volonté d'organiser de façon pragmatique la résistance et de formuler les alternatives. Dans la foulée de ce mouvement, le milieu de l'éducation, forcé ces dernières années à se défendre contre des agressions constantes visant une marchandisation progressive du secteur, pourra exposer publiquement et avec conviction les valeurs qu'il sera nécessaire de développer. Au FSM de Belem, on ne dit plus « un autre monde est possible », mais « un autre monde est nécessaire ».

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Chronique 22 - Sélection scolaire : le cercle vicieux de la ségrégation

La présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Diane De Courcy, était passablement embêtée de répondre aux questions de la journaliste Michèle Ouimet, de La Presse, qui l'interrogeait en février dernier sur l’ouverture d'une école internationale à la CSDM.  Le MÉMO, Mouvement pour une école moderne et ouverte, parti de Diane De Courcy, s'est toujours opposé avec acharnement à la sélection scolaire… et voilà que, parvenu au pouvoir, il ouvre une école où n'entrera pas qui veut ! Bien en peine de se justifier, madame De Courcy a invoqué la nécessité de combattre l'école privée sur son propre terrain.

La situation est connue : à Montréal en particulier, l'école publique a si mauvaise presse qu'on parle d'un véritable « exode » vers le privé. Les taux de décrochage récemment publiés sont effarants, particulièrement dans une société où savoir et formation sont en passe de devenir le passeport incontournable d'une réalisation individuelle et sociale.  

Plusieurs parents ne font plus confiance à l'école publique : c'est le sauve-qui-peut. Le résultat, c'est une véritable reconfiguration de notre système scolaire. Une évolution qui, considérée sous l'angle social, pose un problème d'importance.

Un système d'éducation qui tolère, ou qui encourage par laisser-faire la ségrégation des élèves, failit dans les faits à sa responsabilité de démocratisation. Or, la migration actuelle vers un système à deux vitesses est d'autant plus inquiétante qu'elle s'opère en bonne partie sans réel débat public. Les écoles à projets, une formule populaire qui s'accompagne le plus souvent d'une sélection académique à l'entrée, y participe de manière importante, introduisant dans le système des écoles hybrides, une forme de système privé dans le public. Cette évolution ne semble pas préoccuper le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, qui n'avait en 2006 aucune donnée là-dessus !

Les écoles privées, les écoles à projets, les écoles internationales et l'école publique constituent déjà un véritable « marché » scolaire. Le drame, c'est que le renforcement de ce marché soit perçu comme une solution aux problèmes de l'école !

Les défis nouveaux

Face aux défis nouveaux qui se posent aux systèmes scolaires, l'école moderne est bien mal équipée.  À l'heure où on la presse de favoriser la réussite du plus grand nombre, sa mission s'inscrit dans une société qui ne la valorise pas, et dans laquelle tout concourt à détourner les jeunes de l'école. Sans compter que ces derniers, ceux-là mêmes qui nous préoccupent lorsqu'il s'agit de taux de réussite sont aussi ceux dont le rapport à l'école est davantage problématique et qui auraient besoin d'un soutien beaucoup plus important, hélas, que celui que l'institution est en mesure de leur apporter.

Dans ce contexte sur lequel on pourrait écrire longtemps, la sélection scolaire se présente comme une porte de sortie individuelle. Les enfants qui peuvent en bénéficier, parce que présentant un potentiel académique suffisant et parce que nés dans une famille qui accepte de payer la note, peuvent être « sauvés »... au prix d'une dégradation supplémentaire du système public.

Que beaucoup de parents qui en ont les moyens choisissent l'école à projet ou l'école privée n'est pas surprenant. Et comme la demande est forte, on sélectionne. Une sélection à deux niveaux, d'ailleurs : selon le potentiel académique, mais aussi, indirectement, selon l'environnement familial. Il y a fort à parier que les familles de ces élèves qui sont prêtes à payer quelques milliers de dollars par année scolaire, se préoccupent d'éducation et vont suivre et soutenir à la maison la progression académique de leurs enfants. Le résultat est que la sélection des effectifs ne permet plus un accès généralisé à une école offrant un soutien et un encadrement serrés, pourtant nécessaires à la réussite de la majorité.

Le choix des parents d'envoyer leurs enfants à une école qui pratique la sélection est donc profondément individuel et s'intègre mal à une vision plus globale de l'éducation. Ce choix rassure les parents et leur donne l'impression que leurs enfants auront accès à un enseignement de meilleure qualité. Par contre, envoyer ses enfants à l'école publique non sélective peut sembler à la rigueur une décision courageuse, qui relève pour certains d'un choix social et d'un refus de participer à la dégradation des services de l'État, un choix pas toujours évident dans le contexte actuel. Devant ces deux avenues, on peut comprendre que de nombreux parents pensent à leurs intérêts immédiats, à ce qu'ils croient meilleur pour l'avenir de leurs enfants, contribuant ainsi à accentuer les défaillances de notre système d'éducation public. Cette logique du « chacun-pour-soi » fait en sorte que le système part à la dérive, qu'il échappe à tout contrôle politique et social.

Appeler au débat public

Les changements qu'engendre cet état de fait sont beaucoup plus profonds qu'on pourrait le croire et entravent de deux manières importantes la mission de démocratisation que nous avons, comme société, confiée à l'école.

D'abord parce que la ségrégation scolaire accentue le fossé entre les jeunes. Cela ne surprendra personne et les résultats de plusieurs recherches vont dans ce sens. Est-ce bien là ce qu'on cherche comme résultat pour un système scolaire ? On peut d'ailleurs raisonnablement avancer que cette ségrégation fait au passage beaucoup plus de tort aux élèves les plus faibles qu'elle n'apporte d'avantages supplémentaires aux plus forts.

Mais il y a pire. Le clivage des effectifs scolaires trouve sa juste correspondance chez les parents des élèves qui sans nécessairement le vouloir, y participent par leur choix. Ainsi, les vives pressions sociales et politiques qui normalement devraient se faire sentir en faveur d'un système scolaire public moderne et efficace n'ont pas le poids nécessaire. Pourquoi se plaindre, pourquoi s'impliquer de manière citoyenne pour une meilleure école publique si on a trouvé, pour nos enfants, un îlot confortable ?

La sélection des élèves se présente comme un cercle vicieux, la « solution » renforçant les problèmes qui l'ont rendue populaire. Pas facile de trouver les moyens de provoquer à ce sujet un débat public qui serait pourtant plus que jamais nécessaire. 

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Chronique 23 - La recherche universitaire... version «cowboy»

Dans son dernier budget, le gouvernement Harper a trouvé moyen de soulever la colère du monde universitaire, autant chez les professeurs que chez les étudiants. Une nouvelle offense contre l'intelligence, caractéristique de la raideur idéologique du gouvernement Harper et qui rappelle celle récemment faite au monde de la culture.

Le budget pour la recherche universitaire est distribué aux quatre grands conseils subventionnaires fédéraux, lesquels accordent ensuite cet argent aux chercheurs et aux étudiants qui leur présentent des projets de recherche. Le gouvernement conservateur alloue à l'un d'eux, le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) un supplément annuel de 17,5 millions $ pour des bourses étudiantes, à la condition que les projets de recherche portent sur des sujets reliés au monde des affaires. Pour l'année 2009-2010, le budget total du CRHS est de 241,3 millions $ pour les professeurs-chercheurs et pour les étudiants boursiers; le budget est de 68,2 millions, comprenant la portion tant décriée.  Voilà pour la recherche ciblée et orientée dans les sciences humaines et sociales où, cela est bien connu, il se fait trop de recherches futiles et non pertinentes ! On donne pour justification que ces subventions doivent aider à trouver des solutions à la crise économique actuelle. En fait, il s'agit d'une forme déguisée de transfert vers le secteur privé canadien pour soutenir la concurrence de plus en plus faussée, à l'heure où l'économie canadienne s'intègre toujours plus à l'économie étasunienne. La mondialisation impose, semble-t-il, de pareils choix, pourtant très douteux.

Un tollé général s'est élevé contre cette vision utilitariste et simpliste de la contribution des sciences humaines au progrès social. Les associations de chercheurs, celles des étudiants et même la Conférence des recteurs des universités ont toutes dénoncé les dangers d'un tel virage idéologique, y voyant une menace à l'autonomie et à la liberté universitaires. Même Alain Dubuc, éditorialiste au quotidien La Presse, a protesté contre la manœuvre grossière du ministre des Finances et de son collègue Gary Goodyear, ministre d'État aux Sciences et à la Technologie, qui de plus, serait de confession créationniste. Les débats parlementaires ont fustigé cette approche et les députés de l'opposition ont demandé au gouvernement de rectifier sa prescription, hélas sans succès. Ainsi s'impose la version « cowboy » de la science au Canada d'aujourd'hui. 

La recherche en sciences humaines reste le parent pauvre parmi les secteurs subventionnés.  On voudrait maintenant rendre prioritaire la recherche économiquement utile. « Ce n'est pas nécessairement parce qu'on investit dans des domaines soi-disant rentables et directement branchés sur l'économie qu'on va avoir des retombées économiques positives, au contraire », dit Louise Dandurand, présidente du comité de la recherche de la CREPUQ.  D'ailleurs, le monde des affaires est certainement en mesure de subvenir lui-même à la recherche dans des projets lucratifs qui lui importent.  Ce « merveilleux monde des affaires », qui nous a jetés dans la tourmente financière, a bien peu mérité une telle manne gouvernementale.

Que feront les grands conseils subventionnaires de ce critère d'attribution des bourses aux étudiants chercheurs ? Ces derniers seront-ils à formuler des projets reliés aux affaires ? Les sciences humaines et sociales se tourneront-elles vers les sciences de l'administration et de la gestion ? Rappelons que le secteur des sciences humaines représente actuellement 50,7 % des corps professoraux au Québec. Les étudiants en sciences humaines sont les plus nombreux au sein de nos universités et leurs recherches de maîtrise et de doctorat sont les moins bien subventionnées. Octroyer des bourses conditionnelles risque fort de les séduire, car il s'agit de bourses annuelles pouvant aller jusqu'à 35 000 $. On risque ainsi l'autocensure dans la formulation de projets de recherche.

Il nous faut dénoncer la manœuvre gouvernementale qui oriente la recherche en sciences humaines et qui vient bafouer la liberté universitaire. Cela constitue une forme de musellement de la pensée critique par le biais de l'attribution des subventions publiques.  Le gouvernement Harper continue à jouer au cowboy idéologue en des domaines sensibles de la vie collective : avortement, féminisme, promotion artistique et maintenant les sciences humaines. Ses attaques aux acquis sociaux et aux valeurs communes soulèvent l'indignation. Espérons que le mandat de ce gouvernement sera vite résilié.

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Chronique 24 - Quarante ans de militance

Le 28e congrès de la FNEEQ, qui s'ouvrira au mont Sainte-Anne à la fin de mai, marquera les 40 ans de notre fédération. Et l'une des choses dont elle peut certainement s'enorgueillir, quatre décennies après sa fondation, c'est de toujours avoir pris part activement aux débats marquants qui ont émaillé, depuis, l'évolution du système d'éducation québécois.

Cet engagement systématique est évoqué dans le thème retenu pour ce congrès : Une solidarité enseignante en mouvement. Il a été possible grâce à la présence et au dévouement de centaines de militantes et de militants qui, à travers des écrits, des analyses et des débats, à travers des luttes difficiles aussi, ont réussi à faire de la FNEEQ un interlocuteur incontournable dans le monde de l'éducation en général, et dans celui de l'enseignement supérieur en particulier.

Le congrès de mai veut s'inscrire directement dans cette perspective. Les délégué-es (on en attend plus de 200) seront conviés à s'approprier et à débattre de positions fédérales importantes, rassemblées sous le thème d'une sortie de crise que, syndicalement, nous voulons sociale, verte, et clairement tournée vers l'éducation.

Sociale, parce qu'il serait inacceptable qu'une crise de cette ampleur du système capitaliste ne soit qu'une occasion d'ajustements périphériques. On peut difficilement continuer à accepter que le profit constitue le principe structurant de toute l'organisation sociale : des changements profonds sont nécessaires, que le mouvement syndical doit élaborer, proposer, puis revendiquer.

Verte, parce que les valeurs que nous portons commandent que la FNEEQ soit à l'avant-garde de la lutte pour l'environnement. Notre responsabilité à cet égard est double. D'abord, celle qui incombe et que devrait reconnaître tout groupe, entreprise ou établissement quant à la nécessité d'adopter des comportements organisationnels responsables. Ensuite celles qui, pour une fédération d'enseignantes et d'enseignants, du rôle de sensibilisation que nous pouvons assumer.

Mais au premier chef, nous voulons une sortie de crise qui fasse résolument le choix de l'éducation. L'évolution de la société humaine est telle que l'éducation ne peut plus être conçue comme un simple moteur d'émancipation sociale, parmi d'autres. Dorénavant, elle en constitue plutôt une condition absolument nécessaire : les décrocheuses et les décrocheurs d'aujourd'hui sont les laissés pour compte de demain.

Malgré cela, la société et les gouvernements ne semblent pas prêts à reconnaître concrètement qu'il faut faire de l'éducation une priorité. Les sondages - bien qu'il y ait de ce côté une certaine évolution - montrent que l'éducation n'est pas une préoccupation parmi les plus importantes pour la population. Quant au gouvernement, il agit à la pièce et ne démontre aucune volonté politique de mettre en place un plan d'ensemble cohérent et énergique qui serait pourtant bien nécessaire.

Tout cela doit interpeller le monde syndical. Quelques mois après la parution du manifeste Faire de l'éducation la priorité nationale, force est de constater que nous n'avons pas réussi à amener cette urgence sur la place publique. Comment poursuivre l'action syndicale dans ce contexte ? Faut-il chercher à agir autrement ?

Ces questions doivent être au cœur de nos réflexions. Mais d'autres enjeux seront aussi abordés dans le cadre du congrès : ceux qui sont liés à la réussite, par exemple, ceux qui concernent les menaces à l'autonomie professionnelle, ainsi que tout l'avenir de l'enseignement supérieur en région. Les délégué-es pourront cette fois débattre dans le cadre d'ateliers, ce qui permettra une participation plus active et plus directe aux réflexions du congrès.

Centré sur des débats de fond et coloré par des festivités à la hauteur de l'événement que constituent nos 40 ans d'existence, le 28e congrès promet d'être un moment fort dans l'histoire de la FNEEQ. Il entendra surtout refléter la réalité de la FNEEQ, une fédération riche de ses membres et fière d'un engagement qui dépasse largement les frontières de la seule promotion de nos intérêts.
Parce qu'au-delà des ordres du jour, toutes les assemblées syndicales de la planète FNEEQ n'ont finalement qu'un seul et unique sujet de préoccupation, soit l'amélioration de la qualité du réseau d'éducation québécois.

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Chronique 25 - Vers le deuxième forum social québécois: Mettre l'éducation au rang des priorités nationales

La campagne électorale battait son plein, soit. Et les Alouettes allaient disputer la Coupe Grey. Mais cette sortie ignorée du Manifeste illustre tout de même crûment le manque d'intérêt des médias et, peut-être en conséquence, de la population elle-même quant à l'avenir de notre système scolaire. Des sondages ont d'ailleurs déjà montré que l'éducation figure assez loin dans la liste de priorités des québécoises et des québécois.

Les sources d'inquiétudes, pourtant, ne manquent pas. En matière d'alphabétisation, le Québec est bon dernier au Canada. Les taux de décrochage sont effarants au niveau de l'enseignement secondaire, les problèmes d'intégration d'élèves avec des besoins particuliers se multiplient et il y a d'immenses besoins en formation des adultes.

Pour qu'on s'intéresse à l'éducation, il semble qu'un scandale doive survenir, rallumant pour quelque temps une polémique sur l'école privée ou sur les cours de culture religieuse. Ou alors un bon coup de théâtre, dans lesquels sont passés maîtres les tenants d'une approche économiste de l'éducation. Dressés sur leurs colonnes de chiffres, ils jouissent alors de la tribune médiatique, proposant sans avoir consulté les principaux intéressés - enseignantes et enseignants - des plans d'action clés en main, dont (oh surprise) la réussite repose en bonne partie sur un apport de fonds privés.

Le temps presse

Tout, pourtant, devrait pousser la société québécoise à placer l'éducation au centre de ses préoccupations. Le monde du travail a changé et l'éducation supérieure n'est plus un luxe mais une nécessité. Plus apparentes dans le secteur de la santé, les mutations sociales commandent des actions qui ne doivent pas être remises à plus tard, quand il sera trop tard. Pour ne citer que cet exemple, un phénomène comme la marginalisation sociale des exclus du système scolaire ne peut plus être ignoré.

Comment expliquer l'apparente apathie ambiante face à l'avenir du système éducatif ? Est-elle imputable à l'incapacité des gouvernements à concevoir pour l'éducation des projets capables de susciter l'adhésion, voire l'enthousiasme, des principales et principaux intervenants du milieu, ainsi que des parents ? La question se pose.

Qu'on prenne les choses par le biais pédagogique ou administratif, le résultat est le même. Au primaire et au secondaire, la réforme a laissé derrière elle scepticisme et critiques chez une armée d'enseignantes et d'enseignants découragés et épuisés. Aux niveaux collégial et universitaire, les projets actuels de gouvernance en enseignement supérieur irritent les acteurs du milieu dont le mode de fonctionnement démocratique est bafoué. On n'y voit qu'une volonté accrue de contrôle, ce qui dans les faits n'améliore en rien les choses : comme la FNEEQ l'a écrit dans le mémoire présenté à la commission parlementaire, ce n'est pas parce qu'on pèse un poulet à tous les jours qu'il engraisse !

Comment blâmer le grand public de ne pas croire aux apparents efforts gouvernementaux ? La situation actuelle appelle à un effort collectif d'envergure, que nos dirigeants s'avèrent bien incapables de susciter.

Le forum social québécois nous attend

Les organisations syndicales signataires du Manifeste n'ont pas baissé les bras. Elles ont misé sur le deuxième forum social québécois (FSQ) qui se déroulera du 9 au 12 octobre prochain à Montréal, pour une première diffusion publique de ce texte, qui reprend et explicite les positions consensuelles des organisations.

Cette année, le FSQ abordera comme thématique principale la crise du capitalisme que nous vivons. Si l'éducation est rarement reliée de façon directe à l'effondrement de la finance internationale et aux atteintes portées à l'environnement, il n'en reste pas moins que l'approche utilitaire de l'école, gérée comme une entreprise privée en fonction de l'intérêt du patronat, devient un facteur de consolidation de ce système qui a échoué. Repenser l'enseignement en fonction des intérêts collectifs est désormais une condition essentielle pour changer le monde.

À ce titre, les membres de toutes ces organisations sont chaleureusement invités à venir assister au FSQ 2009, où cinq ateliers directement inspirés du Manifeste seront offerts aux membres et au grand public. Quatre d'entre eux porteront sur des sujets bien spécifiques : l'intrusion du privé en éducation, la condition financière étudiante, la lutte au décrochage et les défis de l'éducation aux adultes. Le cinquième sera l'occasion d'un débat large sur la problématique évoquée plus haut : comment faire pour remettre l'éducation au rang des priorités nationales ?

Il s'agit d'un débat d'importance où l'apport de chacune et de chacun peut être utile. Plusieurs représentants politiques des organisations signataires y seront, pour rencontrer et échanger avec les militantes et militants, ainsi qu'avec les participantes et participants au FSQ.

Si vous avez déjà vécu l'expérience d'un forum social, vous savez le fourmillement d'idées et d'informations qui y circulent, vous connaissez l'ambiance particulière de ces « happening » progressistes. Si vous n'avez jamais eu l'occasion d'y participer, les ateliers sur le Manifeste constituent une raison supplémentaire de le faire.

On peut se renseigner sur le forum à www.fsq2009.org .

À bientôt !

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Chronique 26 - Enseigner au Cégep

Les syndicats d'enseignantes et d'enseignants de cégeps de la FNEEQ se préparent, au cours des prochains mois, à une négociation considérée comme cruciale pour l'avenir de la profession enseignante au collégial. En période de sortie de crise, au moment où il apparaît que le gouvernement envisage de s'entêter dans la voie du « moins d'État », cette négociation prend une dimension politique encore plus importante qu'à l'habitude. Depuis déjà de longues années, les profs des cégeps luttent pour la valorisation d'une profession dont les conditions d'exercice ne cessent de se détériorer.

Cri du cœur de l'un d'entre eux.

De l'acceptation globale…

Beaucoup, parmi nous, se préparent à renégocier une convention collective adoptée sous décret en 2005. Au cours des décennies précédentes, nous avons dû accepter de nombreux reculs quant à nos conditions de travail : peu à peu, la tâche s'est alourdie, notre salaire a diminué proportionnellement au coût de la vie et la précarité de nos emplois s'est accrue.

Le travail des enseignantes et des enseignants au collégial n'est plus le même.

  • Dans le langage de la partie patronale, la tâche a « évolué ». Elle ne s'est pas  alourdie, elle s'est « complexifiée » !  Langue de bois, quand tu nous tiens… Dans le jargon, on parle de : « L'élargissement du cadre de référence de la pratique de la profession enseignante à d'autres dimensions, notamment la participation à la gestion pédagogique, la contribution au développement institutionnel, la recherche, le perfectionnement, la production de matériel didactique et le service à la collectivité » …
  • Il en est de même pour la mission éducative des cégeps qui s'est « élargie à d'autres activités telles l'élaboration et la réalisation de projets d'innovation technologique, d'études et de recherches en pédagogie; la mise en œuvre de programmes de coopération dans le domaine de l'enseignement collégial; l'implantation de technologies nouvelles et leur diffusion; la participation au développement de leur région. »
  • La réforme Robillard (1993) a généralisé l'approche programme, qui impose à chaque enseignante et enseignant une gestion des contenus minimaux et des plans de cours communs, la mise en place d'une « transférabilité » et d'un « arrimage » entre les pratiques. S'y ajoutent, depuis 2002, la production de plans et rapports liés aux services professionnels rendus et l'obbsession de la hausse des taux de réussite. Collectivement, il faut ajouter la dimension consensuelle qui « requiert de la fluidité dans les communications et une interaction importante entre toutes les personnes concernées par la gestion de programmes ».
  • Il devient nécessaire de s'adapter « aux besoins et aux caractéristiques d'une population étudiante de plus en plus hétérogène ce qui diversifie les besoins en matière de formation et d'encadrement ».
  •  Il faut  intégrer au travail des enseignantes et enseignants les TIC, non seulement en termes de pédagogie et de formation continue, mais aussi dans la gestion au quotidien de la quantité phénoménale d'informations et de communications émanant de toutes parts.

Ces ajouts n'étant pas intégrés dans le calcul de la charge individuelle, les conséquences (pour notre profession et pour nos étudiants) s'accumulent. Mais ce n'est pas tout.

Est-ce que j'accepte que les décisions qui influencent les conditions dans lesquelles je dois exercer ma profession soient prises sans consultation réelle des enseignantes et des enseignants ?

Depuis la création des cégeps, les enseignants ont toujours dû se battre pour que leur point de vue soit considéré dans les décisions qui concernent l'enseignement et leurs conditions de travail. Or, de plus en plus de décisions sont prises sans réelle consultation tant au niveau du MELS, de la Fédération des cégeps qu'au niveau local.

Cela va de la restructuration des programmes et des cours par objectifs et compétences, passe par des objectifs chiffrés de réussite, par l'évaluation des enseignements (des enseignantes et des enseignants !), par le faible pourcentage des transferts fédéraux (seulement 10 % de 70M $) alloués à la mission première des cégeps, soit l'enseignement, ainsi que par des conditions de travail déterminées par décret sans possibilité d'utiliser des moyens de pression (loi 142).

Est-ce que j'accepte que l'éducation soit de plus en plus instrumentalisée pour répondre prioritairement aux besoins immédiats du marché du travail ?

C'est pourtant ce qui est en train de se passer.

Par les projets de loi 38 et 44, où le gouvernement veut modifier la composition des conseils d'administration afin que le point de vue des enseignants ait moins d'importance que celui des gens provenant de l'extérieur de l'institution (des gens d'affaires notamment), sous prétexte que ceux-ci seraient plus objectifs et compétents pour administrer un collège ou une université.

Par la place et le rôle, qui s'amplifient constamment, de l'entreprise privée dans l'éducation.

Par la mise de l'avant d'une conception de l'éducation assimilable à un service « privé » où le « client » est roi et où prévaut le principe de l'utilisateur - payeur.

Par des cégeps en compétition entre eux pour attirer un plus grand nombre d'étudiantes et d'étudiants, et dans lesquels les enseignantes et enseignants sont sollicités afin de faire la promotion de leur programme et de leur établissement.

Est-ce que j'accepte que ma profession, comme l'éducation en général, soit de plus en plus dévalorisée ?

Le salaire des enseignantes et des enseignants, qui représente aussi la valeur attribuée à leur travail, baisse continuellement par rapport au coût de la vie. En comparaison, selon les études du MELS, le salaire moyen des enseignants des collèges ontariens est au moins 20 % supérieur à celui des enseignants du collégial !

Contrairement aux préjugés véhiculés, l'emploi dans les cégeps est souvent précaire. Environ 40 % des enseignantes et des enseignants du collégial n'ont aucune sécurité d'emploi.

… au refus global ?

Le portrait n'est pas rose et les choses ne changeront pas d'elles-mêmes. Suite à ces considérations, une première question se pose : accepterons-nous d'autres reculs ? C'est à chacun de nous d'y répondre.

Si nous répondons par la négative, quels moyens sommes-nous prêts à prendre pour défendre le respect de notre profession et la revalorisation réelle de l'éducation au Québec ? Quel prix sommes-nous prêts à payer ? Nous devons dès maintenant y réfléchir, en discuter et nous organiser.

Collègues, il est peut-être temps de nous lever tous ensemble, de prendre la parole et de passer à l'action.

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Chronique 27 - Le miracle finlandais: Première partie

Le succès du système scolaire finlandais ne se limite pas aux excellents résultats de ses élèves à l'enquête PISA menée dans les pays de l'OCDE (www.pisa.oecd.org) où ils occupent les premières places en lecture, en mathématiques et en sciences. L'école finlandaise a su aussi réduire plus que partout ailleurs l'effet des disparités sociales sur les performances scolaires. De plus, les différences entre les résultats des garçons et des filles sont nettement moins marquées que dans les autres pays de l'OCDE. De pareils résultats ne s'obtiennent pas miraculeusement.

En Finlande, l'éducation est une préoccupation publique et constante. Le statut de professeur du primaire est aussi prisé que celui de médecin, le nombre d'heures d'enseignement est inférieur à celui du Québec, les classes et les écoles sont petites, l'ensemble du réseau scolaire est bien financé, sans disparités d'une région à l'autre. Avec de pareilles mesures, il n'est pas étonnant de constater que tout fonctionne rondement.

Une profession hautement valorisée

Le tout commence avec des enseignantes et des enseignants bien formés. Une personne sur six accède aux études universitaires menant à la profession d'enseignant en Finlande. À la faculté d'éducation de Joensuu, par exemple, 300 dossiers sont retenus sur 1 200 candidatures environ. Et non seulement est-il difficile d'y être admis, mais la formation dispensée aux futurs maîtres - qui dure un minimum de cinq ans - est « réputée et de qualité ». Elle est exigeante autant sur le plan de la maîtrise disciplinaire que sur celui des connaissances et des aptitudes pédagogiques.

Il faut également mentionner que les professeurs finlandais exercent leurs fonctions dans un milieu professionnel qui ferait pâlir d'envie leurs confrères des autres pays. Une logistique impressionnante est mise au service des enseignantes et des enseignants pour les aider dans leur travail avec les élèves et pour qu'ils puissent vaquer à leurs autres obligations comme le tutorat, la préparation, la concertation. Un grand soin est accordé au matériel, à l'ergonomie des locaux soigneusement équipés et maintenus. Les professeurs bénéficient également d'un soutien de professionnels qui semble, là-bas, occuper une place plus importante. Ils travaillent dans des conditions très satisfaisantes : les écoles propres, bien tenues, forment des milieux de vie agréables et ne dépassent pas 500 élèves. Les groupes sont restreints - avec un ratio de 10 élèves par enseignant - et les heures de travail moindres que dans les autres pays de l'OCDE. 

Certains chercheurs expliquent que la culture et la tradition finlandaises accordent à l'éducation une importance historique inversement proportionnelle à celle du Québec. L'Histoire nous donne des pistes d'explication. Ainsi, alors qu'au Québec, l'arme démographique s'avérait le principal outil de résistance contre la colonisation anglaise et pour la préservation d'une culture française en Amérique du Nord, les Finlandais misaient sur l'éducation pour résister aux envahisseurs, qu'ils soient Suédois ou Russes.

Ici, malheureusement, l'appel frileux de l'Église au repli sur soi et la glorification des valeurs conservatrices a alimenté un tenace anti-intellectualisme tout en contribuant à maintenir les Canadiens français à l'extérieur des sphères de pouvoir, tant politiques qu'économiques. En Finlande, l'Église a joué un tout autre rôle. Jusqu'au XVIIe siècle, alors qu'elle était responsable de l'éducation, et du fait que le protestantisme favorise un rapport plus autonome du croyant avec sa religion, l'apprentissage de la lecture était fortement encouragé, ne serait-ce que pour lire la Bible.

À réforme semblable, applications différentes

La réforme de l'éducation mise en place au Québec s'est attiré plus de blâmes que d'adeptes, et même ceux qui en reconnaissent la valeur ne manquent pas de lui reprocher ses lacunes. Parmi celles-ci, l'évacuation des contenus au profit des compétences et, surtout, de leur mode de transmission. La mise en place d'un mode d'évaluation dénaturé, travesti en charabia, a fini par faire perdre le sens de la mesure et en fausser les intentions. En Finlande, les mesures mises en place depuis 1985 sont pourtant très semblables à celles qui nous sont imposées ici; mais les résultats sont différents.

Dans la réforme implantée en Finlande, les compétences n'ont pas délogé la connaissance et les mesures ont accentué la place accordée aux matières fondamentales. L'approche constructiviste et socioconstructiviste sert de principe directeur au type de pédagogie pratiqué dans les institutions et aucune évaluation n'est obligatoire pendant les années de formation fondamentale. L'accent est mis sur la maîtrise des matières de base. Les professeurs jouissent d'une grande autonomie dans l'élaboration des programmes de formation, la mise en œuvre du programme, le choix des manuels scolaires, du contenu des cours et des stratégies pédagogiques. L'épreuve uniforme nationale n'a lieu qu'à la fin du cycle d'études fondamentales.

Public, privé, même mission, pas de sélection

Il existe très peu d'écoles privées en Finlande; ces dernières sont financées à 100 % par l'État et sont donc tenues de suivre le même programme et de se conformer aux normes de l'école publique. Il n'y a pas de sélection des élèves ni dans le public, ni dans le privé, et cela jusqu'au secondaire supérieur (l'équivalent du secondaire 3-4-5). Cependant, l'accès aux cycles suivants devient conditionnel aux résultats des élèves. Ces derniers ne peuvent y accéder qu'à la suite d'une sélection basée sur la qualité de leur dossier académique et parfois des tests d'admission. Il en va de même pour l'admission aux autres cycles d'études supérieures jusqu'à l'université.

Cela peut sembler inéquitable, mais le pari fait par la Finlande est de miser sur une excellente préparation de base. C'est peut-être pour cette raison que dans la formation fondamentale, une place majeure est accordée aux matières… fondamentales, la langue et les mathématiques par exemple. Au Québec, plusieurs voix s'élèvent, depuis le frère Untel jusqu'à nos représentants syndicaux actuels, pour que soit renforcé l'enseignement de la langue d'apprentissage, le français.

Le système scolaire finlandais s'appuie donc sur des enseignants bien formés et dont le travail est valorisé. On leur fait entièrement confiance dans l'application d'une réforme qu'ils peuvent adapter en toute liberté à leurs propres méthodes pédagogiques.  Leur travail est facilité par des classes peu nombreuses, ce qui leur permet de s'occuper efficacement des élèves en difficulté qui restent intégrés dans les groupes réguliers. Voilà des recettes simples, efficaces, relevant du bon sens, que l'on rêverait de voir appliquées au Québec.

Dans la deuxième partie de cet article, nous décrirons certains aspects en lien avec l'organisation institutionnelle et pédagogique comme le nombre d'élèves par classe et le soutien dont bénéficient les élèves et les enseignants, le budget consacré à l'éducation et certaines mesures particulières en vue de l'intégration des élèves d'origine étrangère. Pour approfondir sur ces thèmes, outre les nombreux sites qui fournissent des informations sur ce sujet, nous vous référons à l'annexe 2 de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation paru en octobre 2009 intitulé Une école secondaire qui s'adapte aux besoins des jeunes pour soutenir leur réussite, ainsi qu'au site http://www.siteraeq.org/documents/rapport_finlande.pdf. 


On peut rejoindre le comité école et société à l'adresse : cesfneeq@csn.qc.ca